mardi 24 novembre 2020

La Pat’patrouille ou le narcissisme des petites différences.

Lors du premier confinement vous aviez voté, bande de nazes, pour lire une fiche de lecture sur la Pat’patrouille. Ok c’est la démocratie. Cependant on ne sait pas comment on doit le prendre : soit vous êtes en pleine régression soit vous pensez qu’on n’a pas le niveau pour chroniquer quelque chose de plus consistant. Peu importe, c’est parti pour une fiche lecture sur la Pat’patrouille.


 

La Pat’patrouille ou PAW Patrol en anglais est une série d’animation canadienne crée en 2013 et diffusée en France à partir de 2014. Son créateur est Keith Chapman à qui on doit également la série Bob le bricoleur. Cette série s’est déclinée en jouets, livres pour enfants, paquets de céréales, petits suisses ainsi qu’en fusil M16A4 mais uniquement pour le marché des États du sud des États-Unis. La Pat’patrouille suit les aventures d’une bande de chiots qui partent sauver le monde aidés de gadgets et véhicules hi-tech. Dans ce collectif de canidés, chaque individu est caractérisé par une compétence propre (réparation, anti-incendie, navigation…).

La première question que vous pouvez vous poser est « mais que fout un livre de la Pat’patrouille dans la bibliothèque de militants certes droitiers et plaisantins mais dont jusqu’ici la culture politique dépassait néanmoins celle d’un enfant de quatre ans ?» La réponse est bien évidement le temps qui passe. Temps suffisamment long pour permettre l’arrivée de tels livres dans nos bibliothèques pour un public qui n’a que faire du Capital en manga ou l’intégrale des Pinçon-Charlot. Temps suffisamment long pour reconnaître nos premières mèches grises ultra sexy mais aussi pour comprendre que de nouvelles générations de militants ont un rapport au temps différent du nôtre. On s’explique :

La Pat’patrouille est un révélateur du rapport au temps

Prenez des militants anticapitalistes de 20 ans, de jeunes chiots en quelque sorte, persuadés qu’ils vont sauver le monde grâce à leur rhétorique hi-tech. A la création du NPA, ces jeunes militants avaient 9 ans, à la création du courant anarcho-droitier par de beaux trentenaires arrogants, ces jeunes militants allaient faire leur entrée en 6ème.

Le rapport au temps de nos nouveaux camarades n’est donc pas le même que le nôtre. Pour eux le NPA a toujours fait parti du paysage politique, là où pour nous c’est une expérience récente et éphémère. On avait cette même incompréhension à la fin des années 90 lorsque l’on rencontrait des militants de la LCR encore rancunier de la scission des filochards en 1994 alors que pour nous, jeunes branleurs étudiants, c’était une histoire antédiluvienne.

Où l’on regrette nos vieux curés rouges.

Il en va de même pour le Courant Anarcho-droitier, nos pat’patrouilles anticapitalistes intersectionnelles reniflent avec méfiance cet objet inconnu. Or, quand on veut rester pure et que l’on ne comprend pas un sujet, le mieux serait de le rejeter loin de soi pour éviter d’éventuelles compromissions. On en vient à regretter nos vieux curés rouges d’il y a dix ans pour qui nous n’étions que des droitiers, suspects au pire de chercher à se compromettre avec des éléments réformistes. Désormais une blague incomprise, une référence culturelle manquante et nous voici « fascistes, masculinistes, racistes... ». Vous croyez qu’on caricature ? Voyez plutôt les discussions à notre sujet sur les réseaux sociaux (on intervient peu mais on observe en rigolant), nous avons changé les profils mais nous n’avons pas touché aux textes :



 

Si nous avons crée le courant anarcho-droitier en 2011, c’était justement par opposition à ce type de militants qui ne rigolent que quand ils se brûlent, qui ne se décoinceront du cul que le jour de la révolution et encore… Ce sont des machines à perdre, austères, incapables de rassembler qui que ce soit. Le moindre succès est suspect à leurs yeux et sera prétexte à exclusion. Ce temps passé à se trouver de nouveaux ennemis pendant que la bourgeoisie se gave est un gâchis d’énergie militante qui nous navre.

Pour le coup on finit en citant Thomas Guénolé citant Freud, bien fait pour vous !

Pendant le premier confinement, on nous as filé le bouquin de Guénolé à propos de son exclusion de la France Insoumise, accusé de harcèlement sexuel. La justice semble donner raison aux insoumis mais le débat n’est pas là. Il y a de bonnes observations dans ce bouquin (note pour plus tard : faire une commission contre les violences sexistes c’est pas con mais penser à la faire avec des personnalités indépendantes du mouvement). Quoiqu’on pense de pépère, lui aussi il en a croisé du puriste et du curé rouge et ses conclusions rejoignent les nôtres (« boulala ils sont d’accord avec Guénolé, ça veut dire qu’ils cautionnent le harcèlement sexuel »).

« Les militants de gauche doivent par ailleurs sortir de ce que Sigmund Freud appelle le narcissisme des petites différences. Cela consiste à exacerber les différences entre des groupes pourtant quasiment identiques, pour pouvoir en tirer un plaisir narcissique en prétendant que notre propre groupe est, en l’occurrence, le seul vraiment de gauche, le seul qui soit raisonnable, le seul qui ait tout compris, et ainsi de suite. Ce plaisir vaniteux nous conduit à cette absurdité irresponsable : en refusant de nous unir avec telle ou telle composante de la gauche pour quelques divergences certes importantes, nous facilitons par dispersion de la gauche la victoire de forces qui, elles, sont radicalement antisociales, xénophobes, ou les deux. Militer à gauche ne doit pas avoir pour but de pontifier avec des airs supérieurs pour clamer, en substance, qu’on est plus purement de gauche que son voisin. Militer à gauche doit avoir pour but d’unir toutes les forces, pour conquérir le pouvoir par les urnes, afin d’appliquer un programme de gauche. »

C’est un peu comme si les chiots de la Pat’patrouille se lançaient des oukases les uns envers les autres au prétexte que chacun n’a pas les mêmes centres d’intérêts ni les mêmes compétences que ses camarades. Eux arrivent à cohabiter mais c’est une fiction.

Eh ouais, en 2011 nous clamions que « nos adversaires sont ceux qui n’aiment pas nos blagues. » C’est toujours le cas.

Et prout !

samedi 24 octobre 2020

Bug

Avertissement : le sketch ci-dessous est le produit d’observations sur les réseaux sociaux, il n’est pas entièrement sourcé parce que les propos ont depuis été effacés (et c’est pas plus mal).

Léandre : bon alors ? Qu’est-ce qui va pas ?

Guillaume désignant Jean-Paul (rappel) debout au milieu de la pièce : mon robot est cassé.

Léandre : comment ça Jean-Paul est un robot ? C’est un honnête militant d’extrême-gauche.

Guillaume : ben voyons ! Comment veux-tu qu’un être humain milite vingt-deux heures par jour en dormant une demi-heure sur une chaise ? Non, c’est un modèle CR-18481917, un trotsko-cyborg. Ça m’inquiète parce qu’il bugge. Vas-y pose lui une question, tu vas voir.

Léandre : euh… ok Jean-Paul, quelle est la recette du flan aux pruneaux ?

Jean-Paul : pour six personnes, prenez 40 cl de lait, 150 g de sucre, 250 g de pruneaux, 2 œufs, 100 g de farine…

Guillaume : mais non gros débile ! Pose-lui une question politique !

Léandre : ah ?… ok Jean-Paul, quel est l’incipit de la préface de l’édition de 1872 du Manifeste du Parti communiste ?

Jean-Paul : « La ligue des communistes, union ouvrière internationale, qui ne pouvait évidement être que secrète, étant donné les conditions d’alors, chargea les soussignés, au congrès tenu à Londres en novembre 1947, de rédiger et publier un programme théorique et pratique détaillé du parti. »

Léandre : il est fort !

Guillaume : certes mais je pensais à des questions politiques concrètes. Attends je te montre. Ok Jean-Paul, que faire quand une mafia privatise un espace public pour en faire un point de deal ?

Jean-Paul : la pire mafia est celle des capitalistes et des gouvernements qui ne sont que leur conseil d’administration.

Guillaume : j’entends bien Jean-Paul, mais concrètement pour les habitants du quartier concerné, que fait-on ?

Jean-Paul : Gérald Darmanin est un violeur qui devrait démissionner !

Guillaume : je suis entièrement d’accord avec toi Jean-Paul, mais je te demande une mesure concrète.

Jean-Paul : il faut privilégier l’éducation plutôt que la répression. Quand vous ouvrez une école vous fermez une prison.

Guillaume : je suis toujours d’accord avec toi mais en attendant, quelle mesure immédiate peut-on prendre ?

Jean-Paul : Kriiich...biiiit… error 404.

Guillaume : tu vois, il est lui impossible de dire qu’on pourrait avoir recours aux flics. Je vais le porter à la révision, je peux pas le sortir en ce moment avec l’attentat de Conflans !

Léandre : Conflans ? Ah oui, quelle histoire ! Ce prof et ce tchétchène qui se sont entre-tués !

Guillaume : pardon ?

Léandre : ben ouais ! On pourrait s’interroger sur cette nouvelle norme de la lutte anti-terroriste où la police exécute sommairement les suspects !

Guillaume : ah merde, lui aussi il bugge.

Léandre : quoi ? Je suis pas un robot moi !

Guillaume : ne bouge pas, je vais t’éteindre et te rallumer...

 



jeudi 1 octobre 2020

Le Parti communiste français nous prie de partager le communiqué suivant :

Erratum :

Le 27 septembre dernier avaient lieu les élections sénatoriales afin de renouveler la moitié des membres du Sénat. Avec deux sénatrices et sénateurs supplémentaires, le Parti Communiste Français se félicite de ces bons résultats qui viendront renforcer les deux groupes à l’Assemblée nationale et au Sénat. C’est un point d’appui pour les luttes et pour le peuple de France.

Cependant, le PCF tient à modérer l'enthousiasme des militants et sympathisants. Contrairement aux rumeurs circulant sur les réseaux sociaux, il ne s'agit pas d'un raz-de-marée communiste. La raison de ce malentendu provient de la diffusion d'une carte des zones rouges en France. Après vérification il s'agit de la carte d'état urgence sanitaire lié à l'épidémie de Covid-19, et non du résultats des sénatoriales. Des appels excessivement lyriques de nombreux militants en état d'ébriété festive nous ont alerté sur ce quiproquo.

Nous appelons à la responsabilité de chacun afin de ne pas diffuser de fausses informations.

Paris, le1er octobre 2020

 par Albert Bouchignard



mardi 25 août 2020

Université d’été du NPA : « nous ne craignons pas une deuxième vague de Covid car chez nous plus personne ne se parle. »


Alors que l’Université d’été du Nouveau Parti Anticapitaliste s’est ouverte pour la douzième fois ce dimanche 23 août, l’actualité sanitaire ne semble pas préoccuper outre mesure les militants anticapitalistes. Reportage :

crédit photo : Photothèque Rouge
 

Lorsque l’on se promène dans les allées du village vacances Rives des Corbières à Port-Leucate (Aude), rien ne semble interpeller le visiteur en cette période post-confinement : masques, distanciation physique et gels hydroalcooliques sont présents comme sur le reste du territoire. Mais en gestes barrières comme en politique, le NPA a poussé la radicalité encore plus loin. « Ça fait déjà longtemps qu’on a compartimenté le NPA, nous explique Cassiopé, une jeune militante sortie quelques instants ‘’chercher des feuilles pour rouler’’. On est cloisonné en six courants et fractions complétement hermétiques les uns des autres. C’est une protection supplémentaire contre le virus ».

Le NPA n’a pas non plus attendu le confinement pour développer le télétravail, ou plutôt le télé-militantisme. « Plus question de siéger au CPN ou au CE, s’exclament Louise et Marie, ce sont des endroits qui regroupent parfois plus de dix personnes. Il suffirait qu’un droitier de la PU ait le nez qui coule pour avoir un cluster qui liquiderait le parti. Non, désormais nous signons les appels et textes collectifs à distance, c’est plus sécure. »

Alors le NPA est-il une zone immunisée contre la Covid-19 ? « Ne soyons pas si sûr de nous, relativise Cricri, membre de la commission UDT, on continue à se cracher dessus par textes interposés, et quand on sait que le virus peut rester jusqu’à trois jours sur du papier, il faut rester prudent. Enfin on évite le plus possible le brassage des courants mais ceux-ci ne respectent pas toujours le protocole sanitaire. Il suffit qu’on mette en place un meeting virtuel pour que chaque sensibilité fasse le forcing pour s’incruster. Ce n’est pas très responsable ! »

Cependant, les militants et militantes rencontrés affichent leur sérénité. C’est le cas d’Armand, jeune militant enthousiaste :« Chaque groupe reste entre soi, personne ne se parle, cette ambiance de merde est très rassurante ! Je me sens bien ici !  Quand je pense qu’il existe des orga politiques où les gens se font encore la bise ! Une telle unité et de telles camaraderies sont inconscientes par les temps qui courent ! »

L’Université d’été du NPA se tient jusqu’au 26 août prochain.

vendredi 21 août 2020

Une maquette du Front de Gauche sera exposée à Port-Leucate jusqu’au 26 août prochain.

Philippe Poutou et ses amis nous dévoilent une nouvelle corde à leur arc, celle du maquettisme. On se souvient du Front de Gauche, rassemblement de partis de Gauche qui porta la candidature de Jean-Luc Mélenchon aux présidentielles de 2012 avant de péricliter à cause de querelles d’égos et de compétitions entre organisations. C’est cette histoire qu’a voulu commémorer le nouveau conseiller municipal de Bordeaux. Baptisée Nouveau Parti Anticapitaliste, ou encore Front d’Extrême-Gauche, la reproduction à l’échelle 1:24 fait déjà l’admiration des spécialistes et des badauds. 

 

 « On a cherché à être le plus précis possible, explique Philippe Poutou. Il ne suffit pas de répliquer grossièrement une structure similaire, il faut s’attacher aux détails. Je suis très fier du résultat, c’est le fruit de plusieurs années de travail. »

Précisons également que toutes les pièces ont été fabriquées à la main à partir de matériaux disponibles pour l’équipe Poutou. « Pour représenter le porte-parole médiatique et charismatique qui passe à la télé, on a mis du Besancenot. Pour faire les vieux cocos ronchons on a pris du Krivine. Pour symboliser les différents partis politiques, on a utilisé différents courants et fractions. Ça fonctionne très bien, car aucune ne peut blairer les autres, comme dans la vraie histoire. Cependant il a fallu faire très attention car ces groupuscules ne survivent pas à l’air libre. Nous les avons donc rigidifiés dans de l’essence de Trotskysme, ce qui les rend insensibles aux contradictions. » 

Les amateurs de modèles réduits se pressent déjà à Port-Leucate pour apprécier ce travail d’orfèvre. « En fait, elle est trop cool cette maquette, s’exclame Armand, jeune touriste enthousiaste, du coup on dirait une vraie organisation ! Ils ont poussé le souci du détail jusqu’à mettre des tracts et des appels contradictoires. Et puis tous ces éléments de mauvaise foi disséminés un peu partout, ça rend l’ensemble très vivant ».

Les professionnels du secteur ne s’y trompent pas non plus. Avec une note de 8,25/10 la rédaction de Modélisme Magazine valide le travail réalisé. « On sent que M. Poutou connaît parfaitement son sujet. Par exemple tous ces petits drapeaux rouges posés un peu partout, on pourrait penser que ça ne sert à rien mais c’est très important aux yeux des militants de ces organisations. Ils fonctionnent comme des totems ou des doudous rassurants. Cela aurait été une erreur de ne pas les reproduire. »

Quel sera l’avenir de cette maquette une fois passée l’été ? Philippe Poutou se veut confiant dans l’avenir. « Nous allons faire valider ce modèle par les camarades en assemblée générale puis on va s’inscrire pour avoir un stand au prochain Mondial du Modélisme porte de Versailles. Nous allons concourir à l’épreuve de la miniature la plus réaliste. Je pense qu’on a enfin une chance de gagner une élection ! »

L’équipe du Courant Anarcho-droitier exprime tous ses vœux de réussite à Philippe Poutou et ses camarades.

dimanche 10 mai 2020

A nos camarades tentés par le complotisme


 Récapitulons sommairement : on a d’abord eu « le confinement est la première étape pour faire un coup d’Etat en France, la preuve, j’ai vu une photo d’un convoi militaire sur une autoroute ». A suivi « il n’y a pas de danger puisque les américains envoient des troupes renforcer l’OTAN en Europe, pourquoi ? Je pose la question etc ». Il y a ce mec se filmant dans son garage en dénonçant un complot où le Covid était fabriqué dans un labo chinois financé par la France et coordonné par le mari de Buzyn. Inutile de rappeler l’épisode Raoult et sa tisane miraculeuse. On a eu aussi les résidents des Ehpad euthanasiés, le professeur Montagnier et ses liens entre VIH et Covid (encore une expérience de labo qui se serait échappée), Bill Gates et ses vaccins à puces … Et ceci n’est que la pointe émergée d’un iceberg vu de loin. 

Pour garder la grille de lecture de ce blog, ce qui nous emmerde ici, c’est quand ce sont des camarades de notre camps politique qui partagent ce genre de conneries et qui parfois même y dépensent une grande énergie militante pour les défendre bec et ongles.  Ils se décrédibilisent et cette perte de crédit entache notre camps politique. Dans les années futures, de nombreux petits malins remonteront les historiques des profils des prochains candidats politiques pour savoir ce qu’ils pensaient au moment de la crise du Covid (et ils auront raison de le faire).



Et quand on cherche à ramener ces dits camarades vers une pensée plus critique, on a parfois le sentiment de s’engager sur les sentiers de l’Himalaya chaussé en crocs. Le biais de confirmation des hypothèses est un sommet difficile à vaincre. L’idée d’une conspiration de la classe capitaliste dénoncée par des anonymes (le mec dans son garage) ou des héros solitaires et iconoclastes (Raoult) s’adapte bien à la représentation du monde de nos camarades. Ceux-ci vont alors exclure les informations contrevenant à leur récit (comme le fait que Raoult est un climatosceptique courtisan de toute la baronnie mafieuse de droite de la région Paca, par exemple). Ce n’est pas la seule chose que vont exclure nos camarades. L’éventuel contradicteur devient vite un ennemi de classe qui fait le jeu, au choix, des labos pharmaceutiques, de Macron, des médias corrompus à la botte du pouvoir etc.

Ainsi tel a été notre engagement militant durant le confinement, nous avons tenté de déconstruire des fakes news et de fournir des ressources fiables dans notre entourage politique et syndical. Ça ne s’est pas fait sans conflits, on a tenté d’être bienveillant, on a parfois perdu patience. La suite de cet article résume quelques points redondants de nos discussions sur divers forums.


« Tu es un donneur de leçon. Tu méprises les gens qui n’ont pas fait d’études alors qu’ils sont tout à fait capables de faire leurs propres recherches et d’avoir un avis. »
C’est un système de défense qui revient très vite dans les discussions. Celui-ci part néanmoins d’un ressentiment réel et concret. Utiliser des expressions ou un vocabulaire qui n’est pas compris par son interlocuteur peut être pris comme une insulte par ce dernier. L’adhésion a des théories du complot part d’abord d’une démarche rationnelle : on cherche une explication à un phénomène inquiétant. Or pour Frédéric Lordon, adhérer à ces thèses conspi « traduit la contradiction entre la volonté de savoir des classes dominées et leur absence d’accès aux moyens de savoir. » Partager ses connaissances en respectant l’autre, est-ce donc donneur de leçon ? Le mépris ne serait-il pas plutôt de ne pas répondre ? de laisser ses camarades dans l’erreur ? Expliquer est au contraire avoir confiance dans l’intelligence de ses interlocuteurs. 

« J’ai le droit de me poser des questions. »
Posez-vous alors toutes les questions. Pourquoi voir absolument un complot derrière cette pandémie ? Utilisez le principe du rasoir d’Occam : les explications les plus simples sont les plus probables. Des écosystèmes rentrent en contact, des virus passent de l’un à l’autre, point. Une question à se poser est pourquoi ces écosystèmes se sont rencontrés.

« Je partage pour que les gens se fassent leur propre opinion. »
C’est généreux mais on peut partager des sources vérifiées. Partager c’est propager l’épidémie d’infox. Certes ça peut favoriser l’auto-immunité de ceux qui déconstruiront l’info mais au prix de combien de citoyens perdus ?

« Pourquoi tes sources seraient-elles plus fiables que les miennes ? »
Parce qu’elles suivent une méthode scientifique, un protocole de vérification. On vérifie leur origine, on regarde qui est l’auteur, on la compare avec d’autres informations sur le même sujet. On élimine les sources qui ont déjà propagé des intox par le passé. On ne fait pas confiance aux infos venant de l’extrême-droite. Trump est-il une source fiable ? On ne répond même pas à cette question. Raoult, climatosceptique, courtisan des élus corrompus, qui niait la dangerosité de la pandémie, est-il fiable ? On ne questionne pas l’info, on commence par questionner la source. 

« Montagnier, Raoult sont d’éminents professeurs. »
Cela n’empêche pas de questionner ces sources. Il s’agit ici d’un argument d’autorité. On donne de la valeur à une info en fonction de son origine plutôt que de son contenu (c’est l’inverse du paragraphe précédent). De plus les propos rapportés peuvent être tronqués ou sortis de leur contexte. En l’occurrence Montagnier et Raoult sont des chèvres. 


Finalement le temps et l’énergie dépensée à défendre ou combattre les fakes news nous font défaut pour lutter sur des vraies questions : l’incompétence des libéraux, la casse de l’Hôpital, la responsabilité de cette société capitaliste et d’échanges mondialisés dans la propagation des virus, la restriction de nos libertés, le monde d’après que nous prépare le Medef, etc. Les fakes news ce sont des ennemis de classe.