mercredi 21 janvier 2015
dimanche 18 janvier 2015
«Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage »
Une rue passante, un jour de marché,
dans une ville quelconque. Un groupe de militants de gauche distribue
un tract. Léandre, petit-anarchiste-casse-couilles-pour-vieux, est
de ceux-là.
Léandre :
contre la politique austéritaire du gouvernement social-traître à
la solde du grand patronat, prenez le tract du Nouveau Parti de Lutte
Ouvrière Anticapitaliste de Gauche !
Une passante fait un pas de côté
et regarde ostensiblement ailleurs.
Léandre :
eh toi j'tai vu ! Vas-y
fait pas ta pute, prend mon tract ! Si le peuple est uni on peut
gagner. Sois pas un mouton ! P'tain elle m'écoute même pas !
C'est ça dégage, consomme et tais-toi, pétasse !
Léandre rumine
encore quelques instants puis reprend sa distribution.
Léandre :
contre la politique anti-ouvrière du gouvernement et contre la
collaboration de classe des grandes centrales syndicales, demandez le
tract de la vraie gauche vraiment révolutionnaire !
Un couple
s'approche et tend la main pour prendre un tract.
Léandre :
eh ben qu'est-ce qu'il leur
arrive aux bobos ? Vous vous occupez de politique maintenant ?
C'est à la mode ou quoi ? Faites pas semblant de vous
intéresser à l'anticapitalisme alors que vos fringues sont
fabriquées en Chine par des enfants qu'ont même pas le droit de se
syndiquer. Ça suffit l'hypocrisie ! Allez, barrez-vous les
snobs, vous m'dégouttez !
Ceci est une fiction. Bien entendu, dans la vraie vie, aucun militant
n'aurait l'idée de se comporter comme ça en face des gens...
Alors pourquoi, nom de dieu de bordel de merde, certains de nos
camarades s'autorisent-ils ces postures méprisantes sur les réseaux
sociaux ? Depuis les drames de la semaine dernière, entre les
« blaireaux » qui n'achètent pas Charlie et les
« moutons » qui l'achètent, en rajoutant les
« charlots » qui vont aux rassemblements, peu de gens
trouvent grâce aux yeux des curés rouges.
Que l'on s'oppose à l'unité nationale, que l'on refuse de
participer aux rassemblements en compagnie de la brochette de
dictateurs et autres fous-furieux qui entouraient Hollande, que l'on
ne partage pas la ligne droitière de Charlie Hebdo, tout cela est
parfaitement honorable et s'explique politiquement. Mais rien ne
justifie l'arrogance de nombreux messages ni les insultes à l'égard
des personnes qui ont fait un autre choix.
Les événements exceptionnels produisent des réactions
exceptionnelles. Certes l'émotion ne devrait pas l'emporter sur la
réflexion, mais on contrôle parfois mal ses émotions, c'est
humain. Nombreux sont ceux qui, dans les premiers jours, ont
privilégié l'émotion, la tristesse en l’occurrence, et ont
choisi de se recueillir avec leurs proches ou avec des anonymes. Ils
ont fait une pause, soit dans leurs combats politiques soit leurs
routines apolitiques. Ils n'ont pas à se faire traiter de
« cons, de moutons, de bobos se découvrant une soudaine
passion pour le dessin » et autres amabilités que j'ai pu
lire sur Facebook. Je pars du postulat que tous ces gens sont
sincèrement touchés.
Même chose pour la presse. On devrait tous se féliciter que les
ventes de journaux augmentent de façon exponentielle (pas seulement
pour Charlie). C'est plutôt sain de vouloir approfondir ses
connaissances à propos d'un événement. Eh bien non, Curé Rouge
est obligé de faire la queue à la maison de la presse et cela le
contrarie. Il évacue son aigreur par une nouvelle salve de
commentaires et de dessins méprisants. Les nouveaux lecteurs
seraient des illettrés ne sachant pas ouvrir un journal ou des veaux
suivant un effet de mode.
Ce genre de comportements fait plus de tord que de bien à la gauche.
Si ces militants de gauche détestent autant le peuple, pourquoi
militent-ils ? Ne doit-on pas essayer de comprendre nos
contemporains ? Ne doit-on pas avoir un tant soit peu d'empathie
même pour ceux qui ne nous ressemblent pas ?
Et dire que ce blog est sensé être fermé !
Pourtant ce ne sont pas les sources d'inspiration qui manquent. Il y
a encore beaucoup de monde frappant à la porte du Fight Club
anarcho-droitier pour se faire taper dessus. Nombreux sont ceux qui
parasitent notre militantisme en se croyant supérieur à la plèbe
alors qu'ils n'ont que des névroses différentes de celles du
commun.
Tapons donc encore et encore sur les curés rouges et les aristocrates de gauche, vingt fois sur le métier remettons notre
ouvrage (Boileau).
J'avais pourtant pas que ça à foutre...
dimanche 11 janvier 2015
Les années de plomb
Dans les articles scénarisés de ce
prodigieux blog, un personnage apparaît parfois portant le pseudo de
« Gros
Bébert ». Comme les autres, c'est une caricature d'un des
travers de quelques personnes de gauche. Gros Bébert est inspiré de
rencontres que j'ai pu faire depuis que je milite. C'est le
personnage qui surenchérit son radicalisme révolutionnaire pour
justifier son inaction due en réalité à sa paresse ou sa
couardise. L'action qu'on lui propose, pétition, manif ou grève,
n'est jamais assez radicale pour lui. Il nous fera la démonstration
que nos méthodes de luttes sont dépassées et inefficaces. Il
invoquera sa pureté révolutionnaire et refusera de la voir
corrompue par la proximité avec « les gens qui sont cons ».
Mes conversations avec les Gros Bébert se terminent invariablement
de la même façon. Malgré son refus d'agir, il tient à nous
rassurer sur l'infaillibilité de son engagement et conclut sa
rhétorique d'une phrase synonyme à celle-ci : « Mais
ne vous inquiétez pas, le jour de la révolution je serai en
première ligne !»
Bien sûr aucun d'entre-vous,
honorables lecteurs, n'est un Gros Bébert mais je suis sûr que vous
en avez tous croisé au moins un un jour. Il serait alors temps
d'avoir le plaisir de leur annoncer que « le jour de la
révolution » est arrivé.
Sauf que ce n'est pas la nôtre.
Doucement mais surement, nous nous
installons dans de nouvelles années de plomb. Les tabous, en paroles
puis en actes, se brisent les uns après les autres. Trois camps
s'affrontent : les conservateurs qui cherchent à maintenir le
système actuel en l'état ; les réactionnaires qui combattent
une partie de ce système mais pour imposer un modèle autoritaire et
les progressistes qui tentent, bon an mal an, de défendre une
alternative plus humaine.
Les luttes entre conservateurs et
réactionnaires tiennent le haut de l'affiche mais avez-vous remarqué
que ce sont les progressistes qui meurent ? Les soixante-neuf
jeunes sociaux-démocrates de l'ile d'Utoya en Norvège; le rappeur
Killah-P en Grèce; Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi en Tunisie;
Clément Méric, Rémi Fraysse et maintenant la rédaction de Charlie
Hebdo en France.
Les névrosés d'Allah sont les idiots
utiles des conservateurs et des réactionnaires. C'est un prétexte
en or pour redonner quelques tours de verrous aux libertés et
remettre au goût du jour des idées fascistes, c'est ça qui est
fondamentalement inquiétant. La haine de la démocratie est la
valeur montante de la contestation. Les progressistes sont sommés de
se positionner sur des questions fixées par les conservateurs et les
réactionnaires. La bataille culturelle est à l'avantage de ces
derniers.
Ambiance plombante n'est-ce pas ?
C'est donc cette référence aux années
de plomb qui me vient à l'esprit. Celles qu'a connu par exemple
l'Italie dans les années 70-80, quand la mafia et les fascistes
s'entendaient pour butter du gauchiste qui ne se laissait pas faire
tandis que les gouvernements successifs démantelaient toutes les
libertés individuelles en prétendant les défendre. C'est ainsi, à
mon humble avis, que je verrai bien notre futur immédiat en France.
Que faire alors ?
Certainement pas désespérer, ce n'est
pas le genre de la maison. Anticipons le pire et espérons le
meilleur. Et pour anticiper le pire rien de tel qu'un simulateur de
vol. C'est ainsi que parlait je ne sais plus quel intello à propos
des livres. Les livres, et notamment les romans, sont des simulateurs
de situations que l'on n'a pas forcément vécues. Repenchons-nous
sur des périodes historiques craignos. Comment vivaient les gens, et
surtout les militants, dans des époques où tout espoir semblait
vain. Que pensait-on durant les années de plomb en Italie ?
Comment vivait-on quand il était minuit dans le siècle, sous le
stalinisme, sous l'occupation nazie ? Qu'est-ce qui faisait
tenir le poilu au fond de sa tranchée ? Quels sentiments
ressent-on sous le maccarthysme ou sous l'apartheid ?
Il ne s'agit pas de dire « vous
voyez, il y a toujours pire », mais bien de prendre du recul,
d'anticiper sereinement des événements exceptionnels et d'avoir
déjà quelques idées possibles de réactions. En vrac voici
quelques titres qui peuvent nous aider : L'Orchestre Rouge
de Gilles Perrault ; Vie et Destin de Vassili Grosman ;
La septième croix d'Anna Sehgers ; Une saison blanche
et sèche d'André Brink ; Mémoire d'un rouge
d'Howard Fast … ça
marche aussi avec des films.
Il est donc temps pour tous les Gros
Bébert de se décider à se bouger ou de se taire à jamais... mais
on a quand même besoin de monde en ce moment.
Pour le reste, ici on change rien. Même
si on était pas d'accord avec beaucoup de choses chez Charlie Hebdo,
c'est un journal avec un symbolisme de gauche encore fort. Nous
l'avions d'ailleurs mis dans nos références dans
notre charte.
Donc on continue la provocation,
l'irrévérence, la franchouaillardise, merde aux drapeaux, merde aux
leaders charismatiques, merde à tous les crispés...
et Prout aussi !
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