dimanche 17 avril 2022

Quand il faut faire un choix

 - Ce ne sont pas des dieux !

- C’est clair ! Ce ne sont pas des dieux !

- Comment tu dis qu’ils se font appeler ?

- Des « spagnols » ou des « quré-ti-un » je crois…

Tout en mâchonnant des feuilles de coca, Quiquiz et Tisoc observent du haut d’un col la colonne d’hommes qui progressent péniblement quelques lacets plus bas. Engoncés dans leurs armures, les soldats espagnols tentent de faire avancer les chevaux dont les pattes se coincent entre les pierres du sentier de montagne. Des hommes vomissent, d’autres s’écartent précipitamment du chemin pour aller déféquer derrière des rochers. En queue de cortège, des malades sont transportés par des esclaves indiens en aussi piteux état qu’eux.

Quiquiz : regarde-moi ça ! Et ces poils qu’ils ont autour de la gueule ! Ils sont dégueulasses ! J’ose pas imaginer la tronche de leurs femelles !

Tisoc : ils ne digèrent pas la bouffe d’ici. J’ai envoyé des espions dans leur colonne. C’était facile, ils ne font pas la différence entre un esclave panaméen et de vrais incas. Ils sont compléments inadaptés.

Quiquiz : et alors ? t’en sais plus sur leurs intentions ?

Tisoc : ces… trucs ont la prétention de vouloir rencontrer notre Sapa Inca, notre Unique Seigneur souverain de l’Empire des Quatre Directions. Ils chercheraient de l’or…

Quiquiz : faudrait déjà qu’ils survivent jusqu’à Cuzco et vu comme ils sont partis c’est pas gagné !

Tisoc : méfis-toi quand même, ça reste de sacrés connards. Sur la côte, ils ont volé de la nourriture et cramé des villages. Ils ont aussi attrapé des gamines et je ne te fais pas de dessin sur ce qu’ils leur ont fait.

Quiquiz : ce sont des chiens !

Tisoc : bon on va pas y passer la journée ! Dans un gros quart d’heure l’affaire est réglée.

Tisoc se retourne vers les guerriers incas qui patientent le long des pentes. Ils ont amassé des tas de pierres qui n’attendent que de basculer sur les étrangers. En regardant leurs deux chefs ils saisissent leurs frondes et leurs lourdes masses d’armes. Tissoc s’apprête à ordonner l’attaque mais Quiquiz arrête son geste.

Quiquiz : attends ! Je pensais à un truc.

Tisoc : je t’en prie.

Quiquiz : qu’est-ce que tu t’en fout de la sécurité de l’Inca ? Après tout t’es un chimu, ça fait à peine deux générations que vous êtes intégrés dans l’Empire. Quant à moi, j’ai beau être un quechua pure race, j’étais partisan de Huascar le seul Inca légitime, Atahualpa n’est qu’un usurpateur. Toi ils ont cramé tes temples, moi ils ont tué deux de mes cousins.

Tisoc : et alors ?

Quiquiz : ben alors y a peut-être moyen de foutre un sacré bordel dans l’Empire. Les paysans les prennent pour des dieux, ils ont des armes qui peuvent impressionner les esprits faibles et ce sont des bourrins. Ils veulent voir l’Unique Seigneur ? Laissons-les voir l’Unique Seigneur !

Tisoc : et s’ils prennent le pouvoir ?

Quiquiz : ils parlent pas la langue, ils connaissent pas le pays et ils sont à peine deux cents ! S’ils prennent le pouvoir, ils seront incapables de gérer quoique ce soit et dans six mois c’est la révolution. Et c’est là qu’on ramasse le pactole, on les fout dehors et on récupère le trône.

Tisoc : n’empêche ! Les villages pillés, les gamines… on joue avec le feu !

Quiquiz : C’est vieux tout ça. L’Inca a détruit tes temples ! Qu’est-ce que tu veux qui puisse arriver de pire ?

Tisoc réfléchit quelques instants en contemplant la colonne étrangère qui semble piétiner au pied du col.

Tisoc : tu as toi-même subtilement rappelé que je n’étais qu’une pièce rapportée dans l’Empire du Tawantinsuyu. Après tout… débrouillez-vous, je m’abstiens.

Quiquiz : yes ! je m’occupe du reste.

Le guerrier inca s’engage dans le sentier montagnard. Les conquistadors épuisés aperçoivent bientôt l’homme s’avançant vers eux, leur présentant ses paumes de mains ouvertes en signe de paix.

Quiquiz : eh les mecs ! C’est votre jour de chance, on a voté pour vous !

Oui on sait ce sont des mayas sauce Mel Gibson mais ils ont une putain de gueule

 

lundi 14 juin 2021

L’étape d’après

 

L’animateur à la con : bonjour mes petites chéries ! Bienvenue sur notre antenne pour une nouvelle émission délirante ! On commence tout de suite avec le buzz de la semaine, un truc de ouf, je veux parler des gaucholeaks ! Je rappelle l’affaire : un collectif de « journalistes patriotes pour la réinformation » a rendu public les noms, adresses et coordonnées de plus de vingt-deux mille militants de gauche, syndicalistes, responsables d’association d’aide aux migrants etc. Quoi qu’on en pense, faut reconnaître que c’est un boulot énorme ! Alors depuis trois jours, il y a des youtubers qui ont lancé une cagnotte pour inciter les gens à aller foutre le dawa chez les militants nommés. Pour ou contre ? On en débat avec nos chroniqueurs.

Le facho : je suis pour. Je tiens à saluer ce formidable travail d’utilité publique qu’a entrepris ce collectif. Il est tout à fait légitime que les voisins de ces militants islamo-gauchistes et mondialistes sachent à côté de qui ils vivent. Ensuite, que des citoyens viennent demander des comptes aux domiciles de ces personnes me paraît normal, on est en démocratie, on a le droit de débattre !

La gourde : moi je suis plutôt contre, parce que ces militants ont peut-être des enfants et ils ne sont pas responsable des idées de leurs parents… ça me gène un peu.

Quelques applaudissements dans le public

Le facho : voici un exemple typique de la stratégie de victimisation de la gauche bobo bien-pensante. Quand Canal+ faisait des caméras cachées à l’encontre de simples français personne ne trouvait rien à redire, mais là on s’attaque aux élites intellectuelles, donc on ne peut plus rien dire !

L’animateur à la con : quand même, à Nantes, on parle d’un homme qui a été défenestré depuis chez lui…

Le facho : houlàlà je me garderai bien de tirer des conclusions trop hâtives sur cet incident. Les circonstances ne sont pas claires du tout. C’est un peu facile de tenter de clore un débat en accusant toujours les patriotes de violence, la ficelle est un peu grosse !

Applaudissements

Le débile caution modérée : moi je suis ni pour ni contre, parce qu’il y a eu des dérapages des deux côtés, c’est à ça qu’on reconnaît les extrêmes. Certes, ça ne se fait pas de dévoiler les adresses des gens et d’aller sonner chez eux la nuit, tout le monde a le droit à un peu d’intimité… mais en même temps, Mélenchon a encore eu des propos très ambigus. Je vous rappelle qu’il a dit que les musulmans étaient des citoyens comme les autres ! Quand on voit ce que Daesh a fait en Syrie, ça glace le sang !

Le facho : tout à fait ! Sans aller si loin, je pense à tous nos compatriotes qui sont morts sous les balles des terroristes islamistes. On ne peut pas banaliser l’islam comme il l’a fait ! Mélenchon s’est complètement décrédibilisé pour les prochaines élections…

L’animateur à la con : alors vous savez qu’ici c’est un lieu de débat, tout le monde a le droit de s’exprimer, donc on va donner la parole à un militant cité dans les gaucholeaks. On appelle tout de suite Sylvain Durand-Gonzalès qui est coordinateur départemental de la France Insoumise dans le Vaucluse, qui habite au 12 bis rue Marcel Cerdan à Apt et dont les enfants sont scolarisés à l’école Pauline Kergomard. C’est pas moi qui le dit, c’est la fiche !

Sonnerie

Le militant : allo ?

L’animateur à la con : Oui bonjour, vous êtes en direct à la télé ! On voulait savoir quel effet ça vous faisait d’être nommé dans les gauchosleaks ! Vous êtes plutôt rassrah ou darka ?

Le militant : ah bon ? Je suis dans la liste ?

L’animateur à la con : oh c’est énorme ! Il était pas au courant ! On lui apprend en direct ! C’est ça la magie de la télé !

Rires, applaudissements

Le militant : mais dans laquelle ? La première ou la deuxième ?

L’animateur à la con : Quoi ? Y a une deuxième liste ? Là c’est vous qui m’apprenez quelque chose !

Le militant : ben oui ! L’extrême-droite en a publié une deuxième ce matin et vous êtes dedans. Rue du parc à Neuilly c’est bien vous ? Il y a aussi deux de vos chroniqueurs.

L’animateur à la con : que… quoi ? Mais je suis pas communiste moi ! Et puis ça se fait trop pas de donner mon adresse en direct ! Je… euh… on va couper l’émission !

Le militant : ça risque de couper longtemps en effet !


mardi 9 mars 2021

Faut bien avouer qu’on en a quand même…

 … des boulets, des débiles, des relous, des grosses buses, des maladroits, des ânes, des prétentieux, des quiches etc dans nos organisations de gauche. Et s’il y a bien un groupe politique qui peut le dénoncer ce sont les anarcho-droitiers. Ça va faire bientôt dix ans qu’on plante des coups de piolets dans le dos de nos camarades mais on le fait sans méchanceté et c’est à but pédagogique rappelons-le. Nous assumons donc nos responsabilités et on va encore faire un article qui dit du mal.

On assiste, venant du camps réactionnaire, à des attaques tous azimuts contre les féministes, les antiracistes, les antifascistes, les écolos, les luttes intersectionnelles, les études décoloniales. Rien de surprenant nous direz-vous. L’originalité de l’époque vient que les cibles de ces attaques sont emballées dans un terme fourre-tout, à savoir l’islamo-gauchisme,et repris par les macronistes, prétendument centristes et progressistes. Cette chasse aux sorcières, orchestrée par un gouvernement en panique, pue du cul. Que cela serve de leçon à ceux qui- comme nous - voulaient faire barrage à l’extrême-droite.

Cependant,

nos ennemis s’empareront toujours de nos « maladresses de communication », comme dirait l’Unef Grenoble, pour nous décrédibiliser. Des prises de positions ou des actions peuvent se retourner contre nous. Des initiatives militantes isolées peuvent jouer en notre défaveur. Nous devons nous surveiller.

De qui parle-t-on ?

On a tous connu ce camarade qui nous faisait rentrer la tête dans les épaules dès il levait la main pour parler en public au nom de notre organisation. Avant même qu’il (ou elle bien sûr) ait commencé à discourir, on regardait ailleurs, on essayait de s’écraser sous la table. Bien sûr que si, vous en avez connu. C’est anecdotique ? La politique politicienne se nourrit d’anecdotes. Qui sont ces boulets plus précisément ? Ce sont différentes catégories de personnes, qui n’ont parfois pas grand choses en commun. En vrac :

- les naïfs confusionnistes, qui pensent qu’on peut parler avec tout le monde et qui finiront par citer des auteurs infréquentables. Ils sont de bonnes volontés mais ils leur manquent encore quelques grilles de lectures.

- des malins qui infiltrent nos orga. Ils ne partagent pas nos idées, ils tentent de légitimer les leurs. A propos, ça fait longtemps qu’on a pas entendu Étienne Chouard ?

- les écorchés vifs. Leur passif militant ou leur histoire personnelle les enferment dans une posture de conflits perpétuels. Il ne peut y avoir de débat apaisés, ces personnes sont incapables de faire société avec qui ne partage pas à 100 % leurs idées. On vous renvoie à l’article de Néon pour creuser le sujet.

- les camarades pratiquant ce que l’on appellera « la connivence par erreur ». Ils sont persuadés que tout le monde comprend leur univers militant et cette erreur sera source de beaucoup d’incompréhension. On y classe ici nos curés rouges, on en a tellement parlé ici...

- il y a bien aussi quelques rigolos pratiquant la provocation gratuite, leur second degrés étant parfois incompris mais c’est pas nous qui pourrons leur jeter la pierre.

- il y a enfin des camarades qui tout simplement pètent un plomb. Fatigués de l’inertie de leurs contemporains ou perdant patience face aux attaques de nos ennemis, ils auront des paroles ou des actes malheureux qui risquent de desservir la cause que l’on défend. Ça peut arriver à tous le monde.

Chaque camps politique scrute les autres à la recherche de la moindre faille permettant de les décrédibiliser. Nous faisons la même chose. Nous traquons les exemples de médiocrité chez les macronistes, les faits de violences ou les propos répréhensibles chez les fafs. Évitons de prêter le flan à des démarches similaires.

Comment faire ?

Ne soyons pas les caricatures inventées par nos ennemis. On le répète, nous devons nous surveiller. Tentons le pas de côté. Essayons de nous mettre à la place de nos interlocuteurs. Essayons d’imaginer comment nous voit quelqu’un de non-politisé, imaginons les biais qu’il peut avoir à notre encontre. En bref essayons d’avoir de l’empathie pour ceux et celles que nous essayons de convaincre.

Faut bien reconnaître qu’on a pas toujours des champions qui militent à nos côtés. Que ce soit par maladresse, inexpérience, malveillance, impatience, on a des camarades, ou nous-mêmes, susceptible de gaffer au détriment de nos combats. Répétons-le une fois encore, surveillons-nous. Le reste du Monde n’est ni un militant révolutionnaire intersectionnel ni un ennemi irréconciliable , il faut savoir s’adresser à lui sans le braquer. Être militant c’est être un communicant. 


 

mardi 24 novembre 2020

La Pat’patrouille ou le narcissisme des petites différences.

Lors du premier confinement vous aviez voté, bande de nazes, pour lire une fiche de lecture sur la Pat’patrouille. Ok c’est la démocratie. Cependant on ne sait pas comment on doit le prendre : soit vous êtes en pleine régression soit vous pensez qu’on n’a pas le niveau pour chroniquer quelque chose de plus consistant. Peu importe, c’est parti pour une fiche lecture sur la Pat’patrouille.


 

La Pat’patrouille ou PAW Patrol en anglais est une série d’animation canadienne crée en 2013 et diffusée en France à partir de 2014. Son créateur est Keith Chapman à qui on doit également la série Bob le bricoleur. Cette série s’est déclinée en jouets, livres pour enfants, paquets de céréales, petits suisses ainsi qu’en fusil M16A4 mais uniquement pour le marché des États du sud des États-Unis. La Pat’patrouille suit les aventures d’une bande de chiots qui partent sauver le monde aidés de gadgets et véhicules hi-tech. Dans ce collectif de canidés, chaque individu est caractérisé par une compétence propre (réparation, anti-incendie, navigation…).

La première question que vous pouvez vous poser est « mais que fout un livre de la Pat’patrouille dans la bibliothèque de militants certes droitiers et plaisantins mais dont jusqu’ici la culture politique dépassait néanmoins celle d’un enfant de quatre ans ?» La réponse est bien évidement le temps qui passe. Temps suffisamment long pour permettre l’arrivée de tels livres dans nos bibliothèques pour un public qui n’a que faire du Capital en manga ou l’intégrale des Pinçon-Charlot. Temps suffisamment long pour reconnaître nos premières mèches grises ultra sexy mais aussi pour comprendre que de nouvelles générations de militants ont un rapport au temps différent du nôtre. On s’explique :

La Pat’patrouille est un révélateur du rapport au temps

Prenez des militants anticapitalistes de 20 ans, de jeunes chiots en quelque sorte, persuadés qu’ils vont sauver le monde grâce à leur rhétorique hi-tech. A la création du NPA, ces jeunes militants avaient 9 ans, à la création du courant anarcho-droitier par de beaux trentenaires arrogants, ces jeunes militants allaient faire leur entrée en 6ème.

Le rapport au temps de nos nouveaux camarades n’est donc pas le même que le nôtre. Pour eux le NPA a toujours fait parti du paysage politique, là où pour nous c’est une expérience récente et éphémère. On avait cette même incompréhension à la fin des années 90 lorsque l’on rencontrait des militants de la LCR encore rancunier de la scission des filochards en 1994 alors que pour nous, jeunes branleurs étudiants, c’était une histoire antédiluvienne.

Où l’on regrette nos vieux curés rouges.

Il en va de même pour le Courant Anarcho-droitier, nos pat’patrouilles anticapitalistes intersectionnelles reniflent avec méfiance cet objet inconnu. Or, quand on veut rester pure et que l’on ne comprend pas un sujet, le mieux serait de le rejeter loin de soi pour éviter d’éventuelles compromissions. On en vient à regretter nos vieux curés rouges d’il y a dix ans pour qui nous n’étions que des droitiers, suspects au pire de chercher à se compromettre avec des éléments réformistes. Désormais une blague incomprise, une référence culturelle manquante et nous voici « fascistes, masculinistes, racistes... ». Vous croyez qu’on caricature ? Voyez plutôt les discussions à notre sujet sur les réseaux sociaux (on intervient peu mais on observe en rigolant), nous avons changé les profils mais nous n’avons pas touché aux textes :



 

Si nous avons crée le courant anarcho-droitier en 2011, c’était justement par opposition à ce type de militants qui ne rigolent que quand ils se brûlent, qui ne se décoinceront du cul que le jour de la révolution et encore… Ce sont des machines à perdre, austères, incapables de rassembler qui que ce soit. Le moindre succès est suspect à leurs yeux et sera prétexte à exclusion. Ce temps passé à se trouver de nouveaux ennemis pendant que la bourgeoisie se gave est un gâchis d’énergie militante qui nous navre.

Pour le coup on finit en citant Thomas Guénolé citant Freud, bien fait pour vous !

Pendant le premier confinement, on nous as filé le bouquin de Guénolé à propos de son exclusion de la France Insoumise, accusé de harcèlement sexuel. La justice semble donner raison aux insoumis mais le débat n’est pas là. Il y a de bonnes observations dans ce bouquin (note pour plus tard : faire une commission contre les violences sexistes c’est pas con mais penser à la faire avec des personnalités indépendantes du mouvement). Quoiqu’on pense de pépère, lui aussi il en a croisé du puriste et du curé rouge et ses conclusions rejoignent les nôtres (« boulala ils sont d’accord avec Guénolé, ça veut dire qu’ils cautionnent le harcèlement sexuel »).

« Les militants de gauche doivent par ailleurs sortir de ce que Sigmund Freud appelle le narcissisme des petites différences. Cela consiste à exacerber les différences entre des groupes pourtant quasiment identiques, pour pouvoir en tirer un plaisir narcissique en prétendant que notre propre groupe est, en l’occurrence, le seul vraiment de gauche, le seul qui soit raisonnable, le seul qui ait tout compris, et ainsi de suite. Ce plaisir vaniteux nous conduit à cette absurdité irresponsable : en refusant de nous unir avec telle ou telle composante de la gauche pour quelques divergences certes importantes, nous facilitons par dispersion de la gauche la victoire de forces qui, elles, sont radicalement antisociales, xénophobes, ou les deux. Militer à gauche ne doit pas avoir pour but de pontifier avec des airs supérieurs pour clamer, en substance, qu’on est plus purement de gauche que son voisin. Militer à gauche doit avoir pour but d’unir toutes les forces, pour conquérir le pouvoir par les urnes, afin d’appliquer un programme de gauche. »

C’est un peu comme si les chiots de la Pat’patrouille se lançaient des oukases les uns envers les autres au prétexte que chacun n’a pas les mêmes centres d’intérêts ni les mêmes compétences que ses camarades. Eux arrivent à cohabiter mais c’est une fiction.

Eh ouais, en 2011 nous clamions que « nos adversaires sont ceux qui n’aiment pas nos blagues. » C’est toujours le cas.

Et prout !

samedi 24 octobre 2020

Bug

Avertissement : le sketch ci-dessous est le produit d’observations sur les réseaux sociaux, il n’est pas entièrement sourcé parce que les propos ont depuis été effacés (et c’est pas plus mal).

Léandre : bon alors ? Qu’est-ce qui va pas ?

Guillaume désignant Jean-Paul (rappel) debout au milieu de la pièce : mon robot est cassé.

Léandre : comment ça Jean-Paul est un robot ? C’est un honnête militant d’extrême-gauche.

Guillaume : ben voyons ! Comment veux-tu qu’un être humain milite vingt-deux heures par jour en dormant une demi-heure sur une chaise ? Non, c’est un modèle CR-18481917, un trotsko-cyborg. Ça m’inquiète parce qu’il bugge. Vas-y pose lui une question, tu vas voir.

Léandre : euh… ok Jean-Paul, quelle est la recette du flan aux pruneaux ?

Jean-Paul : pour six personnes, prenez 40 cl de lait, 150 g de sucre, 250 g de pruneaux, 2 œufs, 100 g de farine…

Guillaume : mais non gros débile ! Pose-lui une question politique !

Léandre : ah ?… ok Jean-Paul, quel est l’incipit de la préface de l’édition de 1872 du Manifeste du Parti communiste ?

Jean-Paul : « La ligue des communistes, union ouvrière internationale, qui ne pouvait évidement être que secrète, étant donné les conditions d’alors, chargea les soussignés, au congrès tenu à Londres en novembre 1947, de rédiger et publier un programme théorique et pratique détaillé du parti. »

Léandre : il est fort !

Guillaume : certes mais je pensais à des questions politiques concrètes. Attends je te montre. Ok Jean-Paul, que faire quand une mafia privatise un espace public pour en faire un point de deal ?

Jean-Paul : la pire mafia est celle des capitalistes et des gouvernements qui ne sont que leur conseil d’administration.

Guillaume : j’entends bien Jean-Paul, mais concrètement pour les habitants du quartier concerné, que fait-on ?

Jean-Paul : Gérald Darmanin est un violeur qui devrait démissionner !

Guillaume : je suis entièrement d’accord avec toi Jean-Paul, mais je te demande une mesure concrète.

Jean-Paul : il faut privilégier l’éducation plutôt que la répression. Quand vous ouvrez une école vous fermez une prison.

Guillaume : je suis toujours d’accord avec toi mais en attendant, quelle mesure immédiate peut-on prendre ?

Jean-Paul : Kriiich...biiiit… error 404.

Guillaume : tu vois, il est lui impossible de dire qu’on pourrait avoir recours aux flics. Je vais le porter à la révision, je peux pas le sortir en ce moment avec l’attentat de Conflans !

Léandre : Conflans ? Ah oui, quelle histoire ! Ce prof et ce tchétchène qui se sont entre-tués !

Guillaume : pardon ?

Léandre : ben ouais ! On pourrait s’interroger sur cette nouvelle norme de la lutte anti-terroriste où la police exécute sommairement les suspects !

Guillaume : ah merde, lui aussi il bugge.

Léandre : quoi ? Je suis pas un robot moi !

Guillaume : ne bouge pas, je vais t’éteindre et te rallumer...

 



jeudi 1 octobre 2020

Le Parti communiste français nous prie de partager le communiqué suivant :

Erratum :

Le 27 septembre dernier avaient lieu les élections sénatoriales afin de renouveler la moitié des membres du Sénat. Avec deux sénatrices et sénateurs supplémentaires, le Parti Communiste Français se félicite de ces bons résultats qui viendront renforcer les deux groupes à l’Assemblée nationale et au Sénat. C’est un point d’appui pour les luttes et pour le peuple de France.

Cependant, le PCF tient à modérer l'enthousiasme des militants et sympathisants. Contrairement aux rumeurs circulant sur les réseaux sociaux, il ne s'agit pas d'un raz-de-marée communiste. La raison de ce malentendu provient de la diffusion d'une carte des zones rouges en France. Après vérification il s'agit de la carte d'état urgence sanitaire lié à l'épidémie de Covid-19, et non du résultats des sénatoriales. Des appels excessivement lyriques de nombreux militants en état d'ébriété festive nous ont alerté sur ce quiproquo.

Nous appelons à la responsabilité de chacun afin de ne pas diffuser de fausses informations.

Paris, le1er octobre 2020

 par Albert Bouchignard



mardi 25 août 2020

Université d’été du NPA : « nous ne craignons pas une deuxième vague de Covid car chez nous plus personne ne se parle. »


Alors que l’Université d’été du Nouveau Parti Anticapitaliste s’est ouverte pour la douzième fois ce dimanche 23 août, l’actualité sanitaire ne semble pas préoccuper outre mesure les militants anticapitalistes. Reportage :

crédit photo : Photothèque Rouge
 

Lorsque l’on se promène dans les allées du village vacances Rives des Corbières à Port-Leucate (Aude), rien ne semble interpeller le visiteur en cette période post-confinement : masques, distanciation physique et gels hydroalcooliques sont présents comme sur le reste du territoire. Mais en gestes barrières comme en politique, le NPA a poussé la radicalité encore plus loin. « Ça fait déjà longtemps qu’on a compartimenté le NPA, nous explique Cassiopé, une jeune militante sortie quelques instants ‘’chercher des feuilles pour rouler’’. On est cloisonné en six courants et fractions complétement hermétiques les uns des autres. C’est une protection supplémentaire contre le virus ».

Le NPA n’a pas non plus attendu le confinement pour développer le télétravail, ou plutôt le télé-militantisme. « Plus question de siéger au CPN ou au CE, s’exclament Louise et Marie, ce sont des endroits qui regroupent parfois plus de dix personnes. Il suffirait qu’un droitier de la PU ait le nez qui coule pour avoir un cluster qui liquiderait le parti. Non, désormais nous signons les appels et textes collectifs à distance, c’est plus sécure. »

Alors le NPA est-il une zone immunisée contre la Covid-19 ? « Ne soyons pas si sûr de nous, relativise Cricri, membre de la commission UDT, on continue à se cracher dessus par textes interposés, et quand on sait que le virus peut rester jusqu’à trois jours sur du papier, il faut rester prudent. Enfin on évite le plus possible le brassage des courants mais ceux-ci ne respectent pas toujours le protocole sanitaire. Il suffit qu’on mette en place un meeting virtuel pour que chaque sensibilité fasse le forcing pour s’incruster. Ce n’est pas très responsable ! »

Cependant, les militants et militantes rencontrés affichent leur sérénité. C’est le cas d’Armand, jeune militant enthousiaste :« Chaque groupe reste entre soi, personne ne se parle, cette ambiance de merde est très rassurante ! Je me sens bien ici !  Quand je pense qu’il existe des orga politiques où les gens se font encore la bise ! Une telle unité et de telles camaraderies sont inconscientes par les temps qui courent ! »

L’Université d’été du NPA se tient jusqu’au 26 août prochain.

vendredi 21 août 2020

Une maquette du Front de Gauche sera exposée à Port-Leucate jusqu’au 26 août prochain.

Philippe Poutou et ses amis nous dévoilent une nouvelle corde à leur arc, celle du maquettisme. On se souvient du Front de Gauche, rassemblement de partis de Gauche qui porta la candidature de Jean-Luc Mélenchon aux présidentielles de 2012 avant de péricliter à cause de querelles d’égos et de compétitions entre organisations. C’est cette histoire qu’a voulu commémorer le nouveau conseiller municipal de Bordeaux. Baptisée Nouveau Parti Anticapitaliste, ou encore Front d’Extrême-Gauche, la reproduction à l’échelle 1:24 fait déjà l’admiration des spécialistes et des badauds. 

 

 « On a cherché à être le plus précis possible, explique Philippe Poutou. Il ne suffit pas de répliquer grossièrement une structure similaire, il faut s’attacher aux détails. Je suis très fier du résultat, c’est le fruit de plusieurs années de travail. »

Précisons également que toutes les pièces ont été fabriquées à la main à partir de matériaux disponibles pour l’équipe Poutou. « Pour représenter le porte-parole médiatique et charismatique qui passe à la télé, on a mis du Besancenot. Pour faire les vieux cocos ronchons on a pris du Krivine. Pour symboliser les différents partis politiques, on a utilisé différents courants et fractions. Ça fonctionne très bien, car aucune ne peut blairer les autres, comme dans la vraie histoire. Cependant il a fallu faire très attention car ces groupuscules ne survivent pas à l’air libre. Nous les avons donc rigidifiés dans de l’essence de Trotskysme, ce qui les rend insensibles aux contradictions. » 

Les amateurs de modèles réduits se pressent déjà à Port-Leucate pour apprécier ce travail d’orfèvre. « En fait, elle est trop cool cette maquette, s’exclame Armand, jeune touriste enthousiaste, du coup on dirait une vraie organisation ! Ils ont poussé le souci du détail jusqu’à mettre des tracts et des appels contradictoires. Et puis tous ces éléments de mauvaise foi disséminés un peu partout, ça rend l’ensemble très vivant ».

Les professionnels du secteur ne s’y trompent pas non plus. Avec une note de 8,25/10 la rédaction de Modélisme Magazine valide le travail réalisé. « On sent que M. Poutou connaît parfaitement son sujet. Par exemple tous ces petits drapeaux rouges posés un peu partout, on pourrait penser que ça ne sert à rien mais c’est très important aux yeux des militants de ces organisations. Ils fonctionnent comme des totems ou des doudous rassurants. Cela aurait été une erreur de ne pas les reproduire. »

Quel sera l’avenir de cette maquette une fois passée l’été ? Philippe Poutou se veut confiant dans l’avenir. « Nous allons faire valider ce modèle par les camarades en assemblée générale puis on va s’inscrire pour avoir un stand au prochain Mondial du Modélisme porte de Versailles. Nous allons concourir à l’épreuve de la miniature la plus réaliste. Je pense qu’on a enfin une chance de gagner une élection ! »

L’équipe du Courant Anarcho-droitier exprime tous ses vœux de réussite à Philippe Poutou et ses camarades.

dimanche 10 mai 2020

A nos camarades tentés par le complotisme


 Récapitulons sommairement : on a d’abord eu « le confinement est la première étape pour faire un coup d’Etat en France, la preuve, j’ai vu une photo d’un convoi militaire sur une autoroute ». A suivi « il n’y a pas de danger puisque les américains envoient des troupes renforcer l’OTAN en Europe, pourquoi ? Je pose la question etc ». Il y a ce mec se filmant dans son garage en dénonçant un complot où le Covid était fabriqué dans un labo chinois financé par la France et coordonné par le mari de Buzyn. Inutile de rappeler l’épisode Raoult et sa tisane miraculeuse. On a eu aussi les résidents des Ehpad euthanasiés, le professeur Montagnier et ses liens entre VIH et Covid (encore une expérience de labo qui se serait échappée), Bill Gates et ses vaccins à puces … Et ceci n’est que la pointe émergée d’un iceberg vu de loin. 

Pour garder la grille de lecture de ce blog, ce qui nous emmerde ici, c’est quand ce sont des camarades de notre camps politique qui partagent ce genre de conneries et qui parfois même y dépensent une grande énergie militante pour les défendre bec et ongles.  Ils se décrédibilisent et cette perte de crédit entache notre camps politique. Dans les années futures, de nombreux petits malins remonteront les historiques des profils des prochains candidats politiques pour savoir ce qu’ils pensaient au moment de la crise du Covid (et ils auront raison de le faire).



Et quand on cherche à ramener ces dits camarades vers une pensée plus critique, on a parfois le sentiment de s’engager sur les sentiers de l’Himalaya chaussé en crocs. Le biais de confirmation des hypothèses est un sommet difficile à vaincre. L’idée d’une conspiration de la classe capitaliste dénoncée par des anonymes (le mec dans son garage) ou des héros solitaires et iconoclastes (Raoult) s’adapte bien à la représentation du monde de nos camarades. Ceux-ci vont alors exclure les informations contrevenant à leur récit (comme le fait que Raoult est un climatosceptique courtisan de toute la baronnie mafieuse de droite de la région Paca, par exemple). Ce n’est pas la seule chose que vont exclure nos camarades. L’éventuel contradicteur devient vite un ennemi de classe qui fait le jeu, au choix, des labos pharmaceutiques, de Macron, des médias corrompus à la botte du pouvoir etc.

Ainsi tel a été notre engagement militant durant le confinement, nous avons tenté de déconstruire des fakes news et de fournir des ressources fiables dans notre entourage politique et syndical. Ça ne s’est pas fait sans conflits, on a tenté d’être bienveillant, on a parfois perdu patience. La suite de cet article résume quelques points redondants de nos discussions sur divers forums.


« Tu es un donneur de leçon. Tu méprises les gens qui n’ont pas fait d’études alors qu’ils sont tout à fait capables de faire leurs propres recherches et d’avoir un avis. »
C’est un système de défense qui revient très vite dans les discussions. Celui-ci part néanmoins d’un ressentiment réel et concret. Utiliser des expressions ou un vocabulaire qui n’est pas compris par son interlocuteur peut être pris comme une insulte par ce dernier. L’adhésion a des théories du complot part d’abord d’une démarche rationnelle : on cherche une explication à un phénomène inquiétant. Or pour Frédéric Lordon, adhérer à ces thèses conspi « traduit la contradiction entre la volonté de savoir des classes dominées et leur absence d’accès aux moyens de savoir. » Partager ses connaissances en respectant l’autre, est-ce donc donneur de leçon ? Le mépris ne serait-il pas plutôt de ne pas répondre ? de laisser ses camarades dans l’erreur ? Expliquer est au contraire avoir confiance dans l’intelligence de ses interlocuteurs. 

« J’ai le droit de me poser des questions. »
Posez-vous alors toutes les questions. Pourquoi voir absolument un complot derrière cette pandémie ? Utilisez le principe du rasoir d’Occam : les explications les plus simples sont les plus probables. Des écosystèmes rentrent en contact, des virus passent de l’un à l’autre, point. Une question à se poser est pourquoi ces écosystèmes se sont rencontrés.

« Je partage pour que les gens se fassent leur propre opinion. »
C’est généreux mais on peut partager des sources vérifiées. Partager c’est propager l’épidémie d’infox. Certes ça peut favoriser l’auto-immunité de ceux qui déconstruiront l’info mais au prix de combien de citoyens perdus ?

« Pourquoi tes sources seraient-elles plus fiables que les miennes ? »
Parce qu’elles suivent une méthode scientifique, un protocole de vérification. On vérifie leur origine, on regarde qui est l’auteur, on la compare avec d’autres informations sur le même sujet. On élimine les sources qui ont déjà propagé des intox par le passé. On ne fait pas confiance aux infos venant de l’extrême-droite. Trump est-il une source fiable ? On ne répond même pas à cette question. Raoult, climatosceptique, courtisan des élus corrompus, qui niait la dangerosité de la pandémie, est-il fiable ? On ne questionne pas l’info, on commence par questionner la source. 

« Montagnier, Raoult sont d’éminents professeurs. »
Cela n’empêche pas de questionner ces sources. Il s’agit ici d’un argument d’autorité. On donne de la valeur à une info en fonction de son origine plutôt que de son contenu (c’est l’inverse du paragraphe précédent). De plus les propos rapportés peuvent être tronqués ou sortis de leur contexte. En l’occurrence Montagnier et Raoult sont des chèvres. 


Finalement le temps et l’énergie dépensée à défendre ou combattre les fakes news nous font défaut pour lutter sur des vraies questions : l’incompétence des libéraux, la casse de l’Hôpital, la responsabilité de cette société capitaliste et d’échanges mondialisés dans la propagation des virus, la restriction de nos libertés, le monde d’après que nous prépare le Medef, etc. Les fakes news ce sont des ennemis de classe.