On aurait besoin d'un historien des
mouvements sociaux pour qu'il puisse nous dire à partir de quand les
gens tristes et chiants ont pris le pouvoir dans les organisations de
gauche. Plus l'équipe de France de foot progresse dans le tournoi
de l'Euro, plus les réseaux sociaux sont envahis par les jérémiades
de militants aigris de ce succès. « Ouiiiin,
couinent-ils, peuple de moutons, au lieu d'aller aux matchs
soutenir des millionnaires, i'feraient mieux d'aller en manif ! ».
Les curés rouges prétendent qu'il y a
plus de monde mobilisé pour suivre les bleus que pour lutter contre
la loi travail, ceci sans avancer de source ou de chiffre. Et
d'opposer ainsi chevaliers blancs allant en manif (eux évidement)
aux sombres incultes qui ont le tord d'oublier la grisaille ordinaire
dans les extraordinaires tirs de Griezmann
(les vilains beaufs bien sûr).
Des militants de gauche se retrouvent à
ricaner de concert avec les grands bourgeois, invoquant d'un air
entendu la maxime romaine « du pain et des jeux ». Ils
oublient que le système leur injecte à eux aussi leur dose de
« pain et de jeux ». Game of Thrones ou le festival
d'Avignon sont un peu plus raffinés mais pendant qu'on se demande
qui va se faire bouffer par les dragons, on est pas présent à Nuit
Debout...
Pourtant quel mal y a-t-il à se
retrouver entre potes, faire la fête et avoir un motif, aussi futile
soit-il, de bonheur et d'euphorie ? Ce sera interdit sous la
Sixième République éco-socialiste ? Qu'est-ce qu'on va se
faire chier quand on sera émancipé par les curés rouges
anticapitalistes !
D'où cette question non résolue :
de quand date le putsch des pisses-froid dans les organisations de
gauche ? Ça n'a pas toujours été le cas. Les grévistes de
juin 36 faisaient bien des bals dans les usines, en suivant le Tour
de France. En mai 68, ça ramonait furieusement derrière les amphi
entre deux manif. Et pourquoi décréter deux camps entre les
manifestants contre la loi travail et les supporter des bleus ?
Ne peut-on pas faire les deux ? Pourquoi ce manque d'imagination
d'un esprit binaire affligeant ?
On peut défendre le code du travail et
aimer le foot.
On peut être pour l'écologie et aimer
les barbecues.
On peut être féministe et raconter
des blagues de cul (vous connaissez la différence entre un Ricard et
un 69 ? *)
On peut lutter contre l'homophobie et
penser que le gouvernement et le Medef sont des gros enculés.
Il n'y a aucune raison logique de
mettre sur le même plan et opposer un divertissement et une lutte
politique. Un militant de gauche pas trop con doit pouvoir comprendre
que supporter et non-supporter, beaufs et bobos sont une seule et
même classe populaire et c'est jouer contre son camp que de tenter
d'opposer les uns aux autres.
Et puis on se marre bien dans les
tribunes de foot...
* avec un Ricard on sent l'anis
2 commentaires:
TU QUOQUE Fight club ?
j'ai vu plus de "thinkpieces" dans ce goût là que de gens réellement attaquer les footeux, et on peut aimer la joie, le rire et les petits nenfants et déplorer l'adhésion collective à la société du spectacle de masse qui prend le pas sur le reste (médiatiquement et dans l'espace public) et au big business.
Enfin bon si on doit célébrer les grands élans patriotes et rire très fort au revival des blagues racistes c'est déjà assez dur mais si on pouvait s'épargner les "enculés" et les dessins avec des bidules dans des culs sans se faire traiter de pisse-froid ce serait pas mal. On doit pouvoir mener un mouvement joyeux sans être homophobes, hashtag on vaut mieux que ça comme disent les jeunes.
On pourrait entamer un débat pour savoir si "enculé" est une insulte homophobe ou une ponctuation identitaire du Sud de la France, on pourrait... mais j'ai pas envie, j'suis en vacances là.
L'esprit du billet était de dire que tant qu'on fait de mal à personne, on s'amuse comme on veut. Les postures moralistes des militants révolutionnaires étaient vraiment saoulantes durant la semaine qui vient de s'écouler... Même si la critique du sport spectacle est tout à fait légitime, cette façon d'essayer de faire culpabiliser le pékin moyen est contre productive, une fois de plus.
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