par Guillaume
Raconter
ses mémoires d'ancien combattant commence à faire vieux con
mais c'est aussi comme ça qu'on apprend. Ainsi deux souvenirs qui me
reviennent me conduisent à la même conclusion : il n'est pas
toujours nécessaire de défendre ses convictions politiques. Des
fois ça sert à rien.
Le premier souvenir remonte à 2001. Je
suis à l'époque surveillant dans un lycée professionnel. Nous
sommes alors le mercredi après-midi, le lycée est désert, les
élèves étant partis en centre-ville se biturer la tête. Nous
sommes deux pions poireautant à la vie scolaire, attentant comme
chaque semaine le rush de 17h30, lorsqu'il faudra gérer les gamins
malades, énervés, excités ... J'ai depuis oublié le prénom de
mon collègue, appelons-le Stanislas, car c'est un prénom de droite
comme chacun sait. Stanislas prépare une maîtrise en droit des
entreprises, il joue pilier dans l'équipe de rugby de l'université
et est faluchard (les étudiants comprendront). C'est un mec cool.
Pour ma part je n'ai jamais eu besoin
de mettre en avant mes engagements politiques sur mes lieux de
travail, ils m'ont toujours suivi voir précédé. C'est d'ailleurs
parfois assez mystérieux : le copain d'un pote qui me connaît ?
ma tête sur une affiche ? mon nom dans un article de presse ?
Toujours est-il que ce jour-là Stanislas se fait chier et décide de
me brancher :
« - l'autre jour y a un prof qui
nous expliquait qu'il n'y a pas plus d'éléments d'économie chez
Marx que dans le Coran, et c'est vrai parce que quand tu regardes
bien blablabla...blablabla... »
Quel intérêt à engager une joute
oratoire ? Stan est sûr d'avoir raison sur tout. Il énonce ses
idées pré-conçues avec l'aplomb du gars qui ne doute jamais. Il
n'a absolument pas envie de débattre, il veut me montrer que j'ai
tort. De plus, il peut très bien me coincer, moi l'étudiant en
deuxième année de Lettres, sur des concepts économiques qu'il
maîtrise mieux que moi. Enfin, il n'y a aucun témoin qui pourrait
être à convaincre. Stan est un ultra-libéral qui profite d'un
emploi aidé de la fonction publique pour financer son mémoire
expliquant que le privé c'est mieux. Un grand classique.
J'hoche la tête poliment et je me
contente de rectifier les erreurs historiques qu'il ânone
parfois :« - Non, Castro n'était pas médecin, il était
docteur en droit, tu confonds avec le Che... ». Stanislas finit par bifurquer sur une critique du keynésianisme qui
me laisse complètement indifférent : « Tu sais que
Keynes, à la fin de sa vie, s'est retiré en Inde et a totalement
déconstruit ses propres théories ? ».
Je ne lui laisse aucune prise. Ses
attaques ne rencontrent que du vide. Il finit par s'épuiser. Je
souris intérieurement. Finalement l'esquive a été la défense la
plus adaptée face à ce sympathique gros con.
« - et sinon... tu la trouves
comment la p'tite stagiaire prof d'anglais ? »
Ah ! Voilà un sujet qui va nous
rapprocher !
à suivre...
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