par Dominique Marc
L'injonction est bien connue : efficace, elle réveille les militants, force notre volonté à s'élever vers la hauteur héroïque et morale des génies discrets de notre classe. Nous jugeons chacun de nos gestes à l'aune de l'Histoire, elle nous dresse face à elle, nous porte à la toiser, à la défaire dans un face à face viril et sensuel.
Mais en y réfléchissant bien, la période, elle est toute pourrie : une obsolescence capitaliste qui n'en finit pas et une classe ouvrière qui s'en branle. L’État s'est gentillement écroulé au sud des Pyrénées, notre bourgeoisie nationale ne résiste qu'à grands coups de flux financiers déjà taris, le salariat s'abandonne à la tonte méthodique de sa dernière toison : d'ici un ou deux ans on devrait enfin savoir à quoi ressemble une éternelle fin de festival de Oï.
Traduction pour nos amis de la majo : c'est comme la crise de 1929 sauf que la classe ouvrière elle a la flemme de se sortir les doigts du coup on aura ni le fascisme ni le socialisme.
Pire, le salariat a le parti révolutionnaire qu'il mérite : nous.
Par conséquent, dans un esprit de réforme et de modernisation de nos schémas organisationnels, de nous nourrir du meilleur des nouveautés de la critique post-moderne du capitalisme, de coller au plus près les mouvements de l'histoire nous proposons de remplacer nos structures militantes. Ceci est une proposition de texte de Congrès.
Remplacer la commission femmes par une commission chips : on y discuterait de notre intervention dans les paquets de chips, de la différence entre les petits paquets et les grands, on cliverait sur le débat : « la chips doit-elle être un support pour la sauce ou affirmer son goût propre, hors de tout patriarcat hétéronormé ? » On sortirait des brochures intitulées « Le Pringles est-il une chips comme les autres ? Nos réponses à l'injonction salée. Quel avenir pour le tacos ? »
Remplacer la commission écologie par une commission week-end en Normandie -ou Carcassonne pour les Toulousains. 15 à 20 personnes s'occuperaient d'organiser les week-end des militants pour leur assurer détente et confort et restaurer rapidement de leur force de travail. Moi j'aime bien les saunas et les mouettes.
Utiliser les méthodes de l'antifascisme radical dans le cadre de la commission médias, juste comme ça, pour rigoler.
Restructurer les groupes de militants locaux en « groupes d'amis rapprochés » : exemple, je travaille pour Daniel Mermet, je souhaite prendre sa place, il a un accident de voiture. Noël approche, je ne souhaite pas me rendre chez mes beaux-parents, ils ont un accident de voiture. La machine à café au bureau est cassée, je souhaite prendre un café, elle a un accident de voiture.
Placer des grilles devant le CPN et autoriser les familles et les badauds à passer devant et à les nourrir. A 2 euros le ticket on renflouerait rapidement les caisses du Parti tout en proposant un loisir accessible et stimulant à la classe ouvrière, genre mieux que Luna Park.
Regrouper les prêtres rouges, les tarés et les sans-amis dans une vaste équipe à la Dirty Dozen. Les entraîner à mort façon commando et les fracasser sur des cibles comme Moody's, Fichte ou Laurent Ruquier.
Mandater les chefs sur leur capacité à faire marrer tout le monde en fin de réunion, à payer des verres et à coller des grandes claques dans les dos en criant « Hé Paulo ! ». Ça fait ouvrier, c'est cool.
Convertir le Groupe de travail économique en hedge fund. C'est pas très anticapitaliste mais il faut bien financer la commission écologie.
Former une section d'ouvriers dépressifs (secteur ouvrier-combatif) composée de tous les prolos qui essuient défaite sur défaite dans leur boite. On parlerait de nos insomnies, de nos conjoints qui se barrent et on regarderait Louise Michel en pleurant discrètement. Cette section travaillerait activement avec la commission femmes.
Former une branche de post-adolescents dépressifs. On parlerait de nos désillusions, du chômage, de nos conjoints qui veulent même pas sortir avec nous et on regarderait South Park en jouant à Minecraft. On travaillerait activement avec la commission femmes et la section ouvrière à notre implantation dans les bars de l'est parisien. Ou de la rue Gambetta de Toulouse.
Placer les membres du comité de campagne dans les conseils d'administration des groupes du Cac40, de l'industrie nucléaire et de la défense en leur intimant de faire au mieux. Leur confier c'est nous assurer d'un crash global du capitalisme sous trois mois.
Donner le local national au PKK en échange d'un accès illimité aux kebabs partout dans le monde.
Renommer la commission Enseignement-supérieur recherche « commission thésards-dépressifs en manque de financement » par souci de sincérité.
Renvoyer Alain Krivine dans les années 70, à l'époque où il était gentil.
Dans nos textes, tracts et publications, remplacer le mot « éditorialiste » par le mot « nazi ».
Utiliser les passages télés de Philppe Poutou à bon escient. Exemple : forcer tous ceux qui parlent de « la poussée islamiste au moyen Orient » à les regarder pour les punir d'être cons.
Notice I : d'après nos récentes informations, le NPA n'existe plus qu'à Toulouse et Paris. Les militants vivent retranchés dans leurs locaux en assurant la garde de la merveilleuse Myriam Martin, de l'incroyable Fred Borras, de la sublime Anne Leclerc et de l'exceptionnelle Myriam Martin. Il y a aussi la magnifique Christine Poupin, mais à Saint-Nazaire il n'y a pas de bar alors ça compte pas.
La légende raconte qu'en se réunissant, nos fabuleux dirigeants peuvent invoquer le réveil de Daniel Bensaïd et sauver le NPA grâce à leurs super pouvoirs. Séparés, leurs forces s'annulent.
Notice II : « Myriam Martin est tellement merveilleuse qu'on est obligé de l'écrire deux fois. » (Proposition d'amendement)