samedi 30 septembre 2017

Les pères fouettards

La violence c'est mal.

Jamais sur ce blog nous n'avons encouragé nos lecteurs à agir violemment. Et nous ne le ferons jamais, ouh là là non. Parce que comme disait Gandhi, ou Katy Perry on sait plus, la violence c'est l'argument des faibles.

Cependant...

On pourrait nous objecter que la société et le monde du travail sont déjà très violent. Le dernier Cash Investigation d’Élise Lucet « Travail ton univers impitoyable » a secoué plus d'un téléspectateur mais ne fait que confirmer ce que dénoncent syndicats, inspecteurs du travail, asso d'aide aux victimes de harcèlement et notre camps politique depuis...1848 environ. Le harcèlement moral, l'intimidation, les cadences infernales sont des modes de management somme toute classique dans le système capitaliste. Aussi certains pourraient être tenté de répondre à la violence par la violence.

Mais la violence c'est pas cool.

On pourrait nous dire aussi que ceux qui vivent par la terreur devraient finir dans la terreur. On nous raconte qu'il fut une époque où les exploités rendaient les coups. Les militants maos s''étaient spécialisés dans le « cassage de gueule » des contremaîtres. Le 17 juin 1969, les militants de la Gauche Prolétarienne débarquent ainsi par surprise à l'usine Renault-Flins. A deux cent, armés de barres de fer, ils défoncent quelques mâchoires et rotules aux petits chefaillons des ateliers1. Des opérations moins spectaculaires auront lieu tout au long des années 70, où les ancêtres des raclures que l'on entend dans le reportage de France 2, passeront de sales quart d'heures sur les parkings des entreprises, à un contre cinq ou dix.

La justification politique de ces actions était de montrer que ces gardes-chiourmes n'étaient pas invulnérables, que la peur devait changer de camps. Certainement que nombre d'employés brimés devaient avoir un sourire en coin lorsqu'ils apercevaient leurs tortionnaires boitant ou avec des coquards.

Mais la violence c'est pas Charlie.

Certains rétorqueraient qu'aujourd'hui avec les réseaux sociaux, il serait encore plus aisé d'intimider des petits chefs. Il se peut que beaucoup de ces roquets, si courageux à interdire à des caissières de s’asseoir pendant six heures, soient beaucoup moins téméraires entourés de cinq ou six individus masqués et menaçant. Une simple vidéo rendant compte de leur gueules effrayées postée sur la toile suffirait à leur faire perdre en autorité. Rajoutez à cela des slogans peint sur leurs maisons ou des pétards balancés dans leurs fenêtres, et ceux-ci partageraient avec leurs employés les joies de prendre des médicaments pour arriver à dormir.

Mais même ça, nous ne pouvons le cautionner, parce que ce n'est absolument pas power of love.


On vous a bien dit qu'on était contre la violence ?



1 Boursellier Christophe, Les maoïstes, la folle histoire des gardes rouges français, Plon 2008

lundi 25 septembre 2017

Retour sur la glorieuse contre-manifestation du 23 septembre menée par l’avant-garde autonome inter-luttes

par Léandre et Bertrand dit Gros Bébert

Nous profitons de cette nouvelle formule du courant anarcho-droitier pour expliquer notre vision des choses, qui, elle, est la bonne.

Le 23 septembre, lors de la marche contre le coup d’État social, le cortège de tête était bien là, comme prévu. Précisons d’emblée que nous n’avions aucune intention agressive ou belliqueuse, nous voulions juste être en tête de manif avec des slogans anti-Mélenchon et anti-insoumis, c’est tout.

Mettant en pratique le vieux slogan « la lutte oui, la fête aussi », nous avons partagé d’inoffensives cannettes de l’amitié. C’est donc dans une ambiance chaleureuse et bon enfant que nous avons traiter les militants insoumis de moutons.

Ayant appris au cours de la manifestation la tenue d’un meeting à l’arrivée sur la place de la République, le cortège fut bien décidé à foutre un joyeux bordel devant la scène. Là encore, nulle volonté de notre part d’être anti-démocratique ou dictatorial, on voulait juste empêcher l’autocrate Mélenchon de parler, joyeusement dans la bonne humeur. 

Les lecteur-trice-s seront donc consterné-e-s d’apprendre que le Service d’Ordre de la France Unsoumise, aidé de vigiles aux contrats précaires, nous ont empêché de monter sur la tribune. Seul le ton a réussi à monter, quelques coups sont partis. Léandre s’est fait déchirer sa doudoune noire G-Star toute neuve et Gros Bébert a perdu sa gourmette. N’hésitant pas à nous calomnier, un gros pédé du SO nous a même traité d’homophobes.

Évidemment, le récit médiatique ne colle pas exactement à ce qu’il s’est réellement passé. Mélenchon veut se faire passer pour le rassembleur de la contestation sociale mais il ne pourra jamais faire oublier les insultes qu’il a proféré à l’encontre du grand mouvement ultra-révolutionnaire indépendant. Inutile de nier ou de dire le contraire, car désigner certain-es militant-es hostiles à sa présence de « petit homme très malodorant et masqué » ou de « gosse de riche [...] déjà sévèrement aviné » est impardonnable car on s’est reconnu dans ces attaques.

Mélenchon ne sera jamais notre camarade. Lui et ses sbires ne savent que blablater sans arguments, rien dans leurs discours sur l’exploitation capitaliste, la baisse tendancielle du taux de profit, le véganisme, la déconstruction des genres, la lutte anti-gluten et bien d’autre encore…

Seule une lutte radicale et sans concession, autogérée par nous, pourra faire tomber ce monde réactionnaire et rétrograde.

Bref c’était une chouette manif, on s’est bien amusé.

dimanche 24 septembre 2017

Asselineau et le néant

En 2011, on était affligé par ces militants qui étouffaient toute initiative par leur catéchisme et leur folklore révolutionnaire. Aujourd'hui c'est l'inverse qui pourrait nous atterrer, signe peut-être qu'on vieillit. Désormais étaler sa dépolitisation est vue comme un signe de vertu, de pureté politique. Il n'y a plus d'ennemis, c'est trop sectaire, il n'y a que des adversaires dont on pourrait apprendre des choses. Et ceux qui penseraient encore en terme de lignes politiques, de camps, voir même -horreur - en terme d'organisations structurées, sont des vieux cons. Et les vieux cons en ressentent une douleur à l'entrejambe qui ne peux pas déjà être la prostate.

La tarte à la crème du « moi-je-parle-avec-tout-le-monde-parce-que-y-a-de-bonnes-idées-partout » a trouvé une nouvelle illustration avec cette Radio Insoumise qui invite cette vielle baudruche d'Asselineau.

Ce genre d'épisodes est une des raisons du retour du Courant Anarcho-droitier. La suite de ce billet est une synthèse des discussions entreprises sur différents réseaux sociaux au sujet de Radio Insoumise.

Traiter les nouveaux de « dépolitisés » c'est pas très très respectueux.
Quand on parle de dépolitisation on parle de cette idée reçue qu'il y aurait une égalité entre les idées et que l'on pourrait alors interagir de la même façon quelque soit l’interlocuteur qu'on a en face . Dans notre vieux modèle politique à nous, il y a des familles politiques qui ont une origine idéologique commune, il y a des camps qui ont les mêmes objectifs mais avec des stratégies différentes. On discute ensemble le plus souvent possible, voir on agit ensemble quand c'est possible. Et puis il y a les ennemis politiques, ils te boufferont si tu ne les bouffes pas avant. Ce n'est pas être sectaire que de dire cela, c'est une question de survie politique. Refuser de voir qu'il y a du conflit en politique c'est ça être dépolitisé.

Mais Asselineau il veut sortir de l'Europe, ça nous fait une position commune.
Sortir de l'Europe ? Pourquoi faire ? Asselineau veut abolir l'exploitation capitaliste ? Il va accueillir des réfugiers ? combattre les ligues d'extrêmes-droites ?

Mais on va le débunker. Il fera moins son malin après.
Honnêtement, un pépère qui prétend que l'Union Européenne est un projet des nazis réactivé par la CIA, y a besoin de deux heures pour le débunker ?

Mais si on convainc ses électeurs, ça fera peut-être la différence aux prochaines élections.
Au moment où il y a 50% du corps électoral qui s'abstient, on va chercher 0,92% d'électeurs. Autant commencer à  draguer les raéliens.

Si on a plus le droit de discuter avec tous ceux qui nous ressemblent pas, on avancera jamais.
Tu peux évidement (et même tu dois quand t'es militant) débattre avec ton pote, ton cousin raciste, ou un passant lors d'une distribution de tract avec lesquels, bien sûr, tu vas discuter, écouter ses arguments et ensuite exposer tes positions politiques de la façon plus respectueuse possible (en somme tu dragues). C'est tout à fait différent d'inviter sur ton terrain le représentant d'un courant d'idées ennemies des tiennes (et "ennemie" n'est pas un gros mot sectaire, c'est un état de fait concret, voir ci-dessous) pour lui permettre de développer son raisonnement, voir tenter de trouver des points de convergence. C'est alors un affaiblissement de tes positions.

Prenons un cas concret.
On a pas fait que des blogs depuis 2012. On a aussi fait de la radio, sur une chaîne locale. On parle politique en buvant des bières. On invite les syndicalistes, les militants politiques et associatifs du coin qui viennent nous parler de leur boulot. On raconte des conneries, on passe de la musique cool. La question s'est posée au sein de l'équipe d'animateurs : « et si on invitait des militants de droite ou des fachos pour débattre avec eux à l'antenne ? » Cela voulait dire d'abord que sur cinquante minutes tous les quinze jours dont nous disposions nous devions céder une part de ce rare capital temps à un ennemi politique. Ensuite on courait deux risques. Soit, avec le ton de l'émission, on pouvait tomber sur un malin qui se la joue aussi décontracté que nous et on finissait par rigoler ensemble en se chambrant gentiment en buvant des canons, on installait alors une connivence qui nous aurait décrédibilisé; soit on tombait sur un méchant qui connaissait à fond ses dossiers et qu'on aurait pas su contrecarrer et on passait pour des charlots, là encore perte de crédibilité. Donc on ne fait pas entrer d'ennemis politiques sur nos terrains.

Parler d'ennemis c'est vraiment agressif, moi j'ai que des adversaires (à part le FN)
Un adversaire c'est quelqu'un avec qui on fait la course, l'un des deux gagne et on se serre la main après. Un ennemi c'est quelqu'un dont le projet (politique) vise à détruire nos vies. On pas mal d'ennemis politiques.

Et puis eux, c'est pas la radio de la FI, c'est la radio "libre et indépendante" née du discord insoumis.
C'est vrai. La radio officielle s'appelle Les jours heureux. On attend donc leur avis, eux et les instances de la France Insoumise, avec gourmandise.
coïncidence? certainement pas...


vendredi 22 septembre 2017

Résurrection

Une chambre d’hôpital. Seul le bruit régulier d'un moniteur trouble le calme du lieu. Guillaume, anarcho-droitier historique, est allongé sur un lit, inconscient, branché à des tuyaux. Quatre personnages se tiennent devant lui.

Léandre : ça fait combien de temps qu'il est dans le coma ?

Jean-Paul : depuis septembre 2013.

Gros Bébert: qu'est-ce qui l'a foutu dans cet état ?

Patrick : on sait pas très bien, certains disent que c'est suite à une chute brutale... des visites sur son blog.

Jean-Paul : … ou un impact trop violent... avec la réalité du terrain.

Gros Bébert : on peut pas le laisser comme ça, surtout dans cette période !

Léandre : vous pensez à ce que je pense ?

Les trois autres en chœur : ouais !!!

Léandre : alors c'est parti !

Aussitôt, Jean-Paul jette un seau d'eau glacée au visage de Guillaume. Ce dernier sursaute et se redresse sur son lit. Gros Bébert ne lui laisse pas le temps de respirer et lui assène un terrible coup de batte de base-ball entre les jambes. Le choc le projette au sol. Patrick se jette alors sur lui et lui enroule le sommet du crâne de ruban aluminium.

Pendant ce temps, Léandre qui roulait un joint assis dans l’unique fauteuil de la pièce, s’interrompt, surprit.

Léandre : ah non ! en fait on pensait pas du tout la même chose.

Gros Bébert : c’est pas grave, depuis le temps qu’on rêvait de le défoncer.

Gros Bébert et Jean-Paul se shakent juste avant que ce dernier ne reçoive un stroboscope médical dans la figure. Guillaume, à nouveau conscient, se tient devant ses personnages, armé d'une potence de lit.

Guillaume : alors les curés rouges ? On veut encore tâter de la critique ironique et percutante ?

Les quatre andouilles restent un instant muet de stupéfaction, puis perdent toute raison. Ils crient de joie et de peur mélangées, s'arrachent des touffes de cheveux, pleurent, rient, se griffent le visage, se font tourner le joint, prennent de la ventoline, reprennent du joint. Tous parlent en même temps.

Guillaume en gueulant : du calme les aristo de gauche, j'comprend rien. On est en quelle année d'abord ?

Jean-Paul : cent ans après la révolution bolchév... PAF ! La potence médicale se fracasse contre son visage.

Guillaume : en 2017 si je traduis bien... bordel à queue ! Je dors depuis 2013 ! Voyons... qu'est-ce qui s'est passé ? … ah oui je me souviens, j'étais au NPA... on s'est embrouillé à cause des présidentielles... j'ai fait la campagne à Méluche... eh mais au fait c'est qui le président maintenant ? Hollande ? Valls? Juppé ?

Léandre : Macron

Guillaume : connaît pas ! Et Mélenchon il a fait combien cette fois ?

Patrick : 19,58%

Guillaume : dix neuf virgule... Nom de dieu de nom de dieu !!! J'vous l'avez dit que le Front de Gauche ça marcherait !

Jean-Paul se tenant la mâchoire : f'a exifte plus, f'est la Franfre Infoumize maintenant...

Guillaume : qu'est-ce qu'il raconte le moine-soldat ? Et le NPA ? Ils ont présenté qui à la place de Poutou cette fois-ci ?

Gros Bébert : bon ok c'était encore Poutou mais je t'arrête tout de suite, Guillaume ! De l'avis de tous, il a fait une super campagne. Tu l'aurais vu au débat télé, il a atomisé Le Pen et Fillon...

Guillaume : et concrètement ? Combien ?

Gros Bébert : ben euh... 1,09 %... c'est euh... presque aussi bien que la dernière fois...

Patrick : il a été battu par Jean Lassalle, je pense que cette info te plaira.

Guillaume : ce nom me dit quelque chose...

Patrick : c'est un monsieur qui porte un béret et qui a chanté Aqueros Mountagnos à l'Assemblée Nationale...

Guillaume :... et il a fait plus qu'un parti révolutionnaire constitué de militants infaillibles, en effet l'info me plaît, je la garde.

Un léger malaise plane dans la chambre. Léandre tente alors une diversion :

Léandre : et hum... sinon, maintenant que tu es de retour... tu... tu vas reprendre le courant anarcho-droitier ?

Guillaume : Bof...je me voyais plutôt monter un groupe de rock... pour draguer les filles c'est mieux qu'un obscure blog. Je sors de quatre ans de coma si vous voyez ce que je veux dire...

Gros Bébert : c'est pourtant pas les sujets qui manquent...

Guillaume qui ne l'écoute pas : ou un groupe de jazz manouche ? Ça dépend du public-cible que j'veux pécho...

Léandre, Gros Bébert et Jean-Paul se regardent, préoccupés.

Léandre : si j'ai bien saisi le principe de ton courant, il s'agissait – entre autre – de dénoncer les comportements individuels des militants propres à se couper des masses, comme le folklore, le langage hermétique, le moralisme etc … n'est-ce pas ?

Guillaume : mouais... en gros c'était ça !

Léandre : et ça, c'est pas un comportement propre à décourager les masses ?

Sur ce, il désigne Patrick en train de lire des articles d 'Arretsurinfo.ch sur son smartphone. Guillaume se penche au-dessus du Neuneu conspirationniste. Il fronce les sourcils puis arrache le portable à son propriétaire. Il consulte la page, remonte l'historique, clique sur des liens, se perd dans des commentaires facebook... les minutes passent...

Patrick : évite de troller mon profil insoumeetic, s'te plait, j'ai mis du temps à le créer !

Certaines publications plongent notre héros dans un état d’hébétement qui fait craindre au groupe une rechute dans le coma.

Léandre : alors ? Tu reviens ?

Guillaume tend une feuille au groupe

Guillaume : voici une liste de matériel dont j'ai besoin.

Les quatre camarades se penchent dessus et lisent à haute voix : un code wifi, une cafetière, un compte tweeter, un mortier M224 de 60 mm et … 12 kg de chouquettes !!! Putain Guillaume ! Où tu veux qu'on trouve 12 kg de chouquettes ?!!!

Guillaume : le matin faut que je mange ! Et au beurre les chouquettes ! Pour le courant anarcho-droitier, j'suis un peu rouillé mais on va voir ce qu'on peut faire...