lundi 19 mars 2018

Les petites victoires : savoir fermer sa gueule (2ème partie)

par Guillaume

Le deuxième souvenir se passe un an plus tard et est assez similaire au premier. J'ai changé d'établissement scolaire. Je bosse dans un lycée général et mon emploi du temps me confère la surveillance de l'internat la nuit du vendredi. Ça nous bouffe notre début de week-end mais c'est tranquille car il reste peu d'élèves. Je sors généralement le jeudi soir, je me couche vers 4-5 heures du matin, et me réveille à 14h. Ainsi quand j'embauche à 18h, je fais mon premier repas de la journée au réfectoire.

Je mange avec deux collègues surveillantes. Ce sont des Best Friends Forever. Cela fait des années qu'elles sont en poste dans ce bahut. Elles se sont autoproclamées depuis longtemps cheffes adjointes de la vie scolaire. Elles clament à qui veut l'entendre qu'elles sont rebelles et contestataires mais elles n'ont jamais fait un seul jour de grève.

Nous sommes vers la fin mai 2002. Le mois qui vient de s'écouler a été bien chargé politiquement. BFF 1 s'adresse à BFF 2, faisant comme si je n'étais pas là :

- fallait pas être très très malin pour pas voter Chirac au deuxième tour !

- oh oui alors ! T'imagine si l'extrême-droite avait gagné ? Ce serait la dictature maintenant !

Elles savent ce que j'ai fait et dit pendant deux semaines sur le campus. Je ne les ai pourtant pas vu en AG. Avec mon syndicat de gauchistes, on y a défendu la ligne que peu importe ce qu'on votera au deuxième tour, les idées racistes se combattent qu'elles viennent du FN ou du PS...  mais que pour notre part, fallait pas nous chercher dans un bureau de vote au deuxième tour des présidentielles.

Les deux pépettes continuent de tendre des perches grossières : « Il faut savoir mettre ses étiquettes politiques de côté pour sauver la démocratie, et puis Chirac il a fait des trucs bien aussi quand on y pense... ». Elles attendent que j'intervienne pour me faire la morale, pour me prouver par a+b que c'est bien la preuve que les extrêmes se rejoignent etc...

Là encore à quoi bon lutter ? Pas de témoins à convaincre, les enjeux sont passés, mes collègues ne veulent pas échanger, elles veulent m'enfoncer. Là encore j'esquive, je souris poliment en hochant la tête et je reprend une troisième fois des bolognaises pour caler ma fringale post-cuite.

Elles savaient que je savais qu'elles savaient et elles comprirent par mes silences que j'avais compris. Elles saisirent que je me foutais d'elles. Victoire sans prononcer un mot !

Un curé rouge critiquerait sans doute mon comportement, disant que chaque occasion doit être saisie de défendre LA Cause, qu'il en va de notre crédibilité, qu'il faut battre le fer tant qu'il est chaud … Pourtant, dans les deux cas présentés, je m'imaginais tel le général Koutouzov reculant stratégiquement devant l'avancée des troupes napoléoniennes. Pourquoi se fatiguer à polémiquer avec un militant d'en face alors que celui-ci peut s'avouer vaincu tout seul ?

Bien sûr qu'ouvrir sa gueule fait partie des missions que se donnent les militants, on en a parlé ici-même il y a fort longtemps. Encore faut-il que ça serve à quelque chose. Parfois on peut se contenter d'un simple « je ne suis pas d'accord » afin de poser les frontières avec son collègue relou ou son beauf réac. Stanislas et les deux BFF étaient droit dans leurs bottes. Il et elles connaissaient mes positions. Peut-être que la suite de leurs vies aura ébranlé leurs certitudes et alors seulement les discussions avec d'autres militants de gauche les feront peut-être changer d'avis. Il et elles n'auront pas eu le plaisir de renforcer leur sentiments de supériorité à mon détriment.

Dans quinze jours je pars une semaine en voyage scolaire avec un collègue qui vote Front National (une idée de notre chef d'établissement qui est une grande blagueuse). Il va y avoir beaucoup de silence.

Général Koutouzov 1745-1813



dimanche 18 mars 2018

Les petites victoires : savoir fermer sa gueule (1ère partie)

par Guillaume

Raconter ses mémoires d'ancien combattant commence à faire vieux con mais c'est aussi comme ça qu'on apprend. Ainsi deux souvenirs qui me reviennent me conduisent à la même conclusion : il n'est pas toujours nécessaire de défendre ses convictions politiques. Des fois ça sert à rien.

Le premier souvenir remonte à 2001. Je suis à l'époque surveillant dans un lycée professionnel. Nous sommes alors le mercredi après-midi, le lycée est désert, les élèves étant partis en centre-ville se biturer la tête. Nous sommes deux pions poireautant à la vie scolaire, attentant comme chaque semaine le rush de 17h30, lorsqu'il faudra gérer les gamins malades, énervés, excités ... J'ai depuis oublié le prénom de mon collègue, appelons-le Stanislas, car c'est un prénom de droite comme chacun sait. Stanislas prépare une maîtrise en droit des entreprises, il joue pilier dans l'équipe de rugby de l'université et est faluchard (les étudiants comprendront). C'est un mec cool.

Pour ma part je n'ai jamais eu besoin de mettre en avant mes engagements politiques sur mes lieux de travail, ils m'ont toujours suivi voir précédé. C'est d'ailleurs parfois assez mystérieux : le copain d'un pote qui me connaît ? ma tête sur une affiche ? mon nom dans un article de presse ? Toujours est-il que ce jour-là Stanislas se fait chier et décide de me brancher :

« - l'autre jour y a un prof qui nous expliquait qu'il n'y a pas plus d'éléments d'économie chez Marx que dans le Coran, et c'est vrai parce que quand tu regardes bien blablabla...blablabla... »

Quel intérêt à engager une joute oratoire ? Stan est sûr d'avoir raison sur tout. Il énonce ses idées pré-conçues avec l'aplomb du gars qui ne doute jamais. Il n'a absolument pas envie de débattre, il veut me montrer que j'ai tort. De plus, il peut très bien me coincer, moi l'étudiant en deuxième année de Lettres, sur des concepts économiques qu'il maîtrise mieux que moi. Enfin, il n'y a aucun témoin qui pourrait être à convaincre. Stan est un ultra-libéral qui profite d'un emploi aidé de la fonction publique pour financer son mémoire expliquant que le privé c'est mieux. Un grand classique.

J'hoche la tête poliment et je me contente de rectifier les erreurs historiques qu'il ânone parfois :« - Non, Castro n'était pas médecin, il était docteur en droit, tu confonds avec le Che... ». Stanislas finit par bifurquer sur une critique du keynésianisme qui me laisse complètement indifférent :  « Tu sais que Keynes, à la fin de sa vie, s'est retiré en Inde et a totalement déconstruit ses propres théories ? ».

Je ne lui laisse aucune prise. Ses attaques ne rencontrent que du vide. Il finit par s'épuiser. Je souris intérieurement. Finalement l'esquive a été la défense la plus adaptée face à ce sympathique gros con.

« - et sinon... tu la trouves comment la p'tite stagiaire prof d'anglais ? »

Ah ! Voilà un sujet qui va nous rapprocher !

à suivre...


dimanche 11 mars 2018

La Syrie c'est plus compliqué que ça.

Par Patrick

Nous lisons ici ou là des analyses de la situation en Syrie d'un manichéisme déconcertant. Il y aurait, d'après les médias mainstream, d'un côté un horrible dictateur sanguinaire qui massacre son peuple et de l'autre de gentils rebelles biens sous tout rapport. On ne saurait se contenter d'une telle caricature. C'est bien entendu plus compliqué que ça.



Rappelons déjà que les médias tenant ce discours sont tous aux mains de milliardaires. Donc ils mentent c'est évident.

Avant de poursuivre notre analyse, je tiens à préciser que nous ne minimisons aucune vie humaine. Toutes les victimes d'une guerre ont droit à notre compassion, qu'elles soient victimes d'Assad ou des « rebelles » mais surtout celles qui sont victimes de l'impérialisme américain.

Car il s'agit bien de cela. Comme le dit si bien Jean-Luc Mélenchon avec le génie géo-politique qui le caractérise « Si on veut comprendre ce qui se passe au Moyen-Orient, il ne faut pas regarder les guerres de religions : il faut suivre les pipelines. » Et les pipelines arrivent comme par hasard dans la poche des États-Unis.

Alors certes, peut-être que Bachar El-Assad a eu un peu la main lourde dans des moments d'agacements (que nous condamnons avec la plus grande fermeté, sommes-nous obligés de le rappeler pour ne pas subir les attaques moralisatrices des bobos-bien-pensants) mais les États-Unis eux-mêmes n'ont-ils pas bombardé le Japon avec deux bombes atomiques ?

Il est ainsi curieux de reprocher quelques massacres au président légitime de la Syrie et de taire les génocides de l'Empire américain tel celui des indiens. Les adversaires de Bachar El-Assad ne sont pourtant pas des enfants de chœurs : on trouve dans la Ghouta des groupes salafistes djihadistes comme Jaysh al Islam, Jabhat al Nusra  ou Boko Haram. Groupes qui, non seulement sont des terroristes islamistes, mais qui en plus n'ont aucune gratitude envers un régime qui les avait libérés de prison dès 2011.

Ainsi, peut-être qu'au début du printemps arabe le soulèvement populaire syrien méritait quelques soutiens, même s'ils étaient très certainement financés par les américains (comme au Chili en 1973 pour renverser Allende), désormais la révolution a été confisquée par des fascistes religieux financés par le Qatar et l'Arabie Saoudite eux-mêmes financés par les États-Unis (comme en Afghanistan en 1979 pour chasser les communistes).

On m'objectera que ce serait le même raisonnement que les partisans d'Israël légitimant le siège de Gaza : le combat des palestiniens pouvait être juste au départ, mais celui-ci a été confisquée par des religieux réactionnaires. Cela n'a rien à voir bien entendu puisque les agresseurs de Gaza sont des sionistes qui sont, rappelons-le, des nazis juifs alliés aux américains.

Nous apportons donc tout notre soutien à Le Média en ajoutant que...

- Monsieur Patrick ! On avait dit cinq minutes de connexion ! Faut retourner dans votre chambre maintenant ! 

- Laissez-moi tranquille ! Vos déguisements d'infirmiers sont ridicules, je sais très bien que vous êtes des agents du Mossad ! 

- Mais oui mais oui... oh non ! Il a encore chier un article sur internet ! C'est dégueulasse ! Jean-Philippe aide-moi s'il te plaît et coupe la Wifi, il en met partout !

- J'vous dénoncerai dans mon prochain billet ! Ouvrez-les yeux bande de moutons !

- Si vous continuez comme ça, on va être obligé de vous faire une piqûre !

- Non pas les vaccins !!!!!!!
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