Parfaitement mesdames et messieurs.
Point besoin ici de longues années d'études ni de doctorat
d'allemand pour pouvoir se prétendre marxiste. D'abord on a pas que
ça à faire de lire des gros livres et puis on préfère garder du
temps pour des
fictions plus agréables.
Nous allons donc vous conseiller trois
textes courts et lisibles.
Précisons cependant qu'il ne s'agit
pas d'ingurgiter les quelques dizaines de pages que nous allons vous
conseiller pour ensuite aller faire son petit professeur rouge et
tenter de briller dans les salons ou les réunions. Au contraire, ce
minimum de bagage théorique doit pouvoir vous servir à faire fermer
sa gueule aux prétentieux qui n'ont trouvé que la rhétorique
marxiste mal digérée pour se sentir exister. La culture c'est comme
la confiture, moins on en a, plus on l'étale. A ces pénibles on
pourra leur répondre que nous aussi ''on connait la conception
matérialiste de l'histoire, alors arrête ton char, l'éloignement
de la réalité produit une ignorance du monde et une surévaluation
des idées. Dis-nous plutôt à quelle-heure tu es dispo pour
distribuer des tracts sur le marché.'' (n'en
dites pas plus, il ne faut pas non plus tendre une perche polémique
au curé rouge).
Outre ce petit
plaisir, maîtriser une réflexion marxiste permet de se sentir plus
à l'aise face aux évènements politiques, économiques et sociaux.
Elle n'apporte pas une réponse mais les moyens d'obtenir une
réponse. Le marxisme n'est pas une médaille que l'on aborde à sa
poitrine. C'est un outil que l'on range dans son sac, à portée
d'utilisation. Il nous permettra de lire le monde. Le marxiste adopte
la posture de Sherlock Holmes : '' trouvez le mobile du crime
[économique ou social] et vous trouverez son auteur''.
A qui profite la
crise ? A qui profite la montée de l'islamophobie ? A qui profite
l'élection de tel ou tel pantin ? Vous serez bientôt capable d'y
répondre vous-même et de l'expliquer aux autres, si ce n'est pas
déjà le cas.
Réservez-vous un après-midi au calme.
Calez-vous dans l'endroit le plus propice selon vous pour lire
(bureau, canapé, lit, WC, planche à clous...). Préparez-vous un
thermos de thé, café ou tisane, prenez quelques feuilles pour
prendre des notes et lancez vous dans la lecture des textes suivants
:
Le manifeste du parti communiste
de Karl Marx et
Friedrich Engels.
Autant
commencer par le commencement. Le manifeste est une œuvre de
commande, rappelons-le, demandée à Marx par la Ligue des
communistes. Il s'agissait de populariser les idées communistes et
de se différencier des différentes chapelles socialistes, pas
question donc d'en faire des tonnes. Le texte a donc dû être simple
et synthétique. Quatre chapitres, pas un de plus. Il existe une
multitude d'éditions, certaines avec de nombreuses préfaces ou avec
de multiples postfaces et compléments d'auteurs. Ne vous embêtez
pas avec tout ça, choisissez une édition épurée comme Librio
ou Les milles et une
nuit.
Le texte commence par souligner l'importance de la lutte des classes,
puis décrit l'émergence d'un marché mondial avec ses progrès et
ses nouvelles exploitations. Marx et Engels vont ensuite réfuter les
attaques de la bourgeoisie à l'encontre du communisme concernant la
liberté, la famille, la propriété. Enfin les auteurs vont
critiquer les différents courants socialistes de l'époque et
évoquer les buts essentiels des communistes .
Certaines
phrases ont eu leurs petits succès dans le temps du genre
:''Prolétaires de
tous les pays unissez-vous''
ou ''les
travailleurs n'ont pas de patrie''
ou ''l'émancipation
des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes''.
Faites une petite pause avec une boisson chaude, puis prenez
l'ouvrage suivant :
Les Trois Sources du Marxisme de
Karl Kautsky.
Vingt
pages en format A4, avouez-que ce n'est pas la mer à boire ! Vous
pouvez télécharger ce texte ainsi que les autres gratuitement sur
le site marxists.org,
site de moines copistes modernes qui recueillent (ou scannent) les
textes des grands anciens et les font partager aux internautes. Nous
les en remercions sans ironie aucune.
Karl Kautsky est le grand théoricien de la social-démocratie
allemande de la fin du XIXème siècle. Secrétaire d'Engels puis un
de ses exécuteurs testamentaires, il poursuit le boulot des deux
barbus. Comme beaucoup de vieux, il vieillira et votera les crédits
de guerre de l'Allemagne en 1914.
Les Trois Sources du Marxisme vous feront comprendre les
différents apports qui ont permis la constructions de cette
philosophie. Le marxisme est d'abord la synthèse entre les sciences
naturelles et les sciences psychologiques. Tonton Kautsky nous
rappelle ce que sont les unes et les autres et nous explique
pourquoi. C'est peut-être là que vous aurez besoin de vos feuilles
de notes, un petit schéma vous aidera à y voir plus clair.
Le marxisme est ensuite une synthèse des philosophies allemandes,
françaises et anglaises. Là encore pas de panique, cette partie
est accessible et puis ce n'est pas la peine de s'y attarder des
heures. Enfin le marxisme est une union entre le mouvement ouvrier et
le socialisme. Kautsky précise le rôle des différentes classes
sociales sans pour autant, et c'est ce point qui est génial, cliver
les individus à leur classe. Kautsky rappelle l'importance de la
lutte des classes et l'inscription du marxisme dans ce combat en tant
que théorie en mouvement. Comme Marx et Engels dans Le Manifeste,
Kautsky termine son texte en évoquant les objectifs primordiaux des
communistes (primordiaux, pas de savoir si le Front de Gauche
arrivera uni aux municipales de 2014, par exemple).
Faites une nouvelle pause, dégourdissez-vous les jambes puis prenez
le dernier texte de la séance :
La conception matérialiste de
l'histoire de
Gheorgi Plekhanov.
Monsieur Plekhanov est le théoricien qui introduisit le marxisme en
Russie et qui eut pour disciple Lénine. Ça vous pose un peu le
bonhomme. Il soutint la révolution de 1905 mais pris ses distances
avec celle d'octobre 1917, condamnant le recours à un coup d'État
par les bolchéviques.
Là encore nous avons un texte court (quatorze pages en A4) et facile
à lire. C'est un document incontournable pour comprendre que le
marxisme n'est pas qu'une analyse économique mais une façon de
saisir l'histoire.
Il y a d'abord eu, nous explique Plekhanov, une conception
théologique de l'histoire. En gros, pour schématiser à la truelle
(nous on a le droit on est pas des théoriciens marxistes) les hommes
pensaient que les évènements historiques étaient le produit des
dieux. Puis vint la conception idéaliste de l'histoire dans laquelle
les évènements historiques sont le produits de quelques héros et
des grands courants de pensée. Cette conception est encore bien
souvent en vigueur de nos jours, mais elle cohabite désormais avec
la conception matérialiste (ou marxiste) de l'histoire. Celle-ci
considère que l'histoire est le produit des rapports sociaux, et que
les idéaux ne se créent que pour expliquer ces rapports sociaux. Le
marxisme n'invente pas la lutte des classes, avec d'autres courants
philosophiques il la conceptualise. Des hommes apparaissent ensuite
dans chaque camps pour défendre leurs intérêts (là encore nous
schématisons à coup de bêche).
Comprendre ceci c'est comprendre le marxisme (à notre humble avis)
A la fin de ces lectures vous pouvez reprendre une activité normale.
Au lieu de faire comme certains qui écrasent les autres de leurs
connaissances, partagez les vôtres. Vous serez plus utiles.
PS
: Vous pouvez aussi vous détendre le soir suivant en lisant Le
Capital
en version manga.