mercredi 11 septembre 2013

Clap de fin

Quelque part au-dessus de la France, à bord d'un Douglas ''Dakota'' C47 aux ailes siglées de l'étoile bleue et noire des anarcho-droitiers.

Le fan-club du courant – très agité - est rassemblé dans l'appareil pour sa première et dernière réunion aéroportée. Par la magie propre à la fiction, les personnages du blog sont également là : Léandre le-petit-anachiste-casse-couille-pour-vieux, Gros Bébert l'aristocrate de gauche, Jean-Kévin le primo-militant, La Petite Demoiselle, la militante systématiquement draguée en réunion, Hodor, le responsable de tous les SO, Krystel, la militante LGBTI toulousain(e)... Comme dans les films qui se terminent bien, tous ont fini par adhérer aux principes de l'anarcho-droitisme. Même Jean-Paul, le curé rouge de Charleville-Mézières, est présent, seulement à titre d'observateur non-mandé certes, mais c'est déjà un grand pas pour lui. Seul Patrick, le neuneu conspirationniste, a refusé de monter dans l'avion, prétendant avoir démasqué les anarcho-droitiers : ce seraient des trotsko-reptiliens chargés de bombarder de la Syrie.

La voix d'une hôtesse retenti dans les hauts-parleurs :

La voix : chers camarades, bienvenue sur Anarcho-droitier Airline. Des chopes de bières se trouvent sous vos sièges, les tireuses se situent à l'avant et à l'arrière de l'appareil...

Soudain, venant de la cabine de pilotage apparaît Guillaume. Tout en s'adressant aux passagers, il s'enroule d'un Keffieh bleu, met du scotch sur ses lunettes, ajuste un casque, et enfile une combinaison.

Guillaume : chers camarades bonsoir !

Le public répond en cœur : bonsoir ! ou salut ! ou Yo ! ou Wesh Gros ! ou Weeeeh ! on note même un ou deux A poil !

Guillaume : Chers camarades, l'heure est grave !

Le public inquiet : oh ?

Guillaume : non, je déconne, j'adore commencer mes discours de cette façon.

Le public rassuré : ah !

Guillaume : camarades, si je vous ai réunis ce soir, c'est d'abord pour vous remercier d'avoir suivi le Fight Club anarcho-droitier pendant ces deux ans. Son audience est montée crescendo, c'est grâce à vous. Merci de l'avoir lu, merci de l'avoir commenté, merci de l'avoir cité et partagé, merci enfin aux plus crispés d'entre vous, vous êtes sortis du bois dans les commentaires, et vous avez prouvé que le curé rouge n'était pas qu'un fantasme de notre part.

Il fait une pause en avalant une gorgée de bière qu'une main anonyme lui tend.

Guillaume : l'auto-critique des pratiques militantes de gauche par l'auto-dérision était un créneau à prendre. Avec mes camarades anarcho-droitiers nous l'avons pris. Cela a fait du bien à beaucoup de monde, à commencer par nous. Cependant... il fait une nouvelle pause, le public retient son souffle... cependant continuer à taper sur les militants de notre camp, même s'il y en a beaucoup qui nous énervent, serait de l'acharnement. De plus, les camarades qui m'accompagnaient dans cette épopée ne sont plus. Plekszy-Gladz a ...euh... mystérieusement disparu, et Romain est tombé criblé de balles dans un billet-traquenard le mois dernier. Ainsi, après le coup d’État de Pinochet au Chili et les attentats sur les Twin Towers, le 11 septembre sera à nouveau la date d'un sombre anniversaire. J'ai en effet pris la décision d'arrêter le Fight Club dès ce soir.

A ces mots, les passagers hurlent, pleurent, bavent, se griffent le visage.

Guillaume : sachez que ça me fait de la peine à moi aussi, mais il faut aller de l'avant. Oh bien sûr je ne dis pas que de temps en temps, je ne mettrai pas un petit billet sur le blog, surtout si les curés rouges tendent le bâton pour se faire battre, et à mon avis ils vont le tendre à deux mains pendant les municipales. Mais la période Fight Club est désormais révolue.

La voix de l'hôtesse : Guillaume, objectif en vue, zone de largage dans deux minutes.

Guillaume : Ok, faut que j'me dépêche !

Il prend un sac qu'il s'accroche avec précaution sur le dos.

Guillaume : Ceci dit la lutte continue, mes louloutes. Je vais, dans un premier temps, me reconcentrer sur le militantisme local. C'est important aussi d'être sur le terrain, d'être au contact des vrais gens de la vrai vie. Je vais investir d'autres blogs et faire de la radio. Et puis... vous n'avez pas fini d'entendre parler de moi. Je reviendrai. Avec d'autres moyens de communication. Avec une nouvelle équipe. Pour faire mieux, plus fort et pour le grand public. En attendant, éclatez-vous, ne vous faites pas bouffer la tête par la politique, et dites merde à tous les curés qu'ils soient rouges, noirs, verts ou arc-en-ciel.

Une alarme retentit.

La voix de l'hôtesse : zone de largage atteinte ! Je répète, zone de largage atteinte !

Une trappe s'ouvre devant Guillaume.

Guillaume : je ne vous dis donc pas revoir, mais à bientôt !

Il saute

Guillaume en criant : KOWABUNGAAAAAA !!!!!!!

Les Toten Hosen, installés au fond de l'appareil, se mettent à jouer :



Léandre : eh ben Jean-Paul ? T'en fait une tête ! C'est la fin du blog qui te met dans cet état ?

Jean-Paul : Non, je me suis fait braquer mon ordinateur portable.

Léandre : t'es sûr ?

Jean-Paul : mais oui. Je l'avais rangé dans un sac comme celui-là. Mais dans celui-là il n'y a que de la toile.

Léandre : c'est fou ça ! On peut faire confiance à personne en politique !


dimanche 8 septembre 2013

Les vidéos militantes

On vous a parlé de tracts, d'autocollants, de radio et d'internet, il était temps, avant qu'on vous laisse tomber comme de vieilles chaussettes, de parler vidéos. La vidéo en ligne, de celles que l'on regarde à la chaine en glandant pendant la pause au bureau, ou en rentrant chez soi, ou pendant qu'on mange affalé dans son canapé devant son ordinateur portable. La vidéo en ligne, d'une à vingt minutes, qu'on ouvre d'un clic de souris parce qu'on a pas envie d'entreprendre quelque chose de plus exigeant intellectuellement. Il y a ici un potentiel énorme de communication, soyons-en certain.

Avant de développer quoi que ce soit d'autre, commencez par regarder ça, jusqu'au bout, c'est un ordre, vous êtes obligés :



et maintenant regardez ça, au moins les trente premières secondes :



Voilà... le contraste fait mal n'est-ce pas ? Et encore, êtes-vous bien sûr d'avoir vu le nombre fois où ces deux vidéos ont été regardées ? 578 587 visites pour le gros beauf anti-syndicats, 8 648 visites pour le petit prince marxiste-léniniste. Et encore, ce dernier chiffre est aussi bien inespéré qu'inexplicable, on craint que ce soit un effet Rebecca Black, car cette vidéo est loin d'être une exception à gauche. Les vidéos ''point d'actualités'' du NPA reçoivent autour de... 400 visites.

Une vidéo de Dieudonné tourne autour de 400 000 vues, une de Soral autour de 50 000.

Pleurez, criez fort, cassez des meubles, mangez du chocolat, et une fois calmés reprenez la lecture de ce billet. Prenez votre temps.

Revenons donc sur les vidéos citées plus haut. Loin de nous, tout d'abord, de se moquer de Christine Poupin ou du jeune camarade du NPA. Ce qu'ils font est bien plus courageux que de faire la fine bouche derrière un blog anonyme. S'exposer ainsi, pour sa cause, fait courir le risque de s'attirer des attaques et des critiques très violentes de la part de trolls en tout genre. Ceci dit, pour qui veut utiliser ce registre de communication, il existe des pratiques permettant d'éviter dans un premier temps certains ricanements blessants, et dans un second de susciter l'intérêt.

Faisons d'abord des comparaisons. Dieudonné est assis à une table, Soral dans un canapé. Les angles changent, les discours sont entrecoupés d'extraits vidéos, les jeux de mots et les blagues ponctuent la démonstration. Le spectateur a l'impression de faire partie d'une discussion entre potes, à la table d'un café ou dans le salon d'un appart.

Nos camarades du NPA – mais ce ne sont pas les seuls bien sûr – sont face à la caméra, et récitent leurs textes. Nous n'avons droit qu'à un plan fixe et un générique minimaliste. L'image animée n'est ici absolument pas exploitée, c'est à se demander l'utilité d'une telle vidéo par rapport à un article, si ce n'est pour les aveugles.

Ailleurs à gauche, d'autres expériences de communications vidéos sont tentées, sans jamais atteindre à notre connaissance les scores des crapules du camp d'en face. Le parti de gauche a lancé ''la télé de gauche'', portail de vidéos qui rassemble les apparitions télé des cadres du PG et des créations originales d'éducation populaire et d'agit' prop. A noter l'expérience d'une web série autour de la campagne présidentielle de Mélenchon. Les codes de la web série sont respectés : générique, previously, extraits de l'épisode suivant. Le fil des épisodes se partage entre illustration de la campagne, présentation d'un angle positif de Méluche (normal c'est pour les présidentielles) et extraits de ses discours. Nous dirons que c'est... sympa. 20 000 vues pour le premier épisode sur Dailymotion.

On peut citer aussi Fakir TV. Ce sont des entretiens filmés, intéressants mais pointus. L'entretien avec Emmanuel Todd a recueilli 9000 vues, l'enquête de François Ruffin sur Bernard Arnault 16000.

Là nous où nous devons puiser de l'inspiration, c'est dans le milieu geek.

Un des plus célèbres vidéo-bloggeur, Norman réunit entre trois et onze millions de vues suivant ses sketchs (http://normanfaitdesvideos.com/) . Cet étudiant en cinéma tisse un réseau entre Dailymotion, Youtube, son blog, Facebook, Twiter. Peu de moyen lui sont nécessaire, il tourne chez lui avec une caméra numérique (on reviendra plus tard sur le matos) et assure le montage.

Les sujets quotidiens n'empêchent pas des sujets de débats importants (teen vs milf: 212 235 vues). Faites un tour sur la plate-forme frenchnerd. Là-bas, les gars sont déjà plus professionnels, même s'ils conservent un côté bricolage attachant.

Carrément professionnel, mais dans un format on ne peut plus simple, nous trouvons l'équipe d'AlloCiné dans l'émission Merci Qui ?En deux minutes cinquante, Le Coach et Grégou présentent un film. Un mini-sketch encadre les informations données : la première partie en introduction, la second en conclusion. Les deux acteurs reproduisent un duo comique efficace et vieux comme le théâtre, le Clown Blanc (le sérieux) et l'Auguste (le naïf). Les visites pour ces vidéos tournaient autour de 30 000. Extrait : http://www.allocine.fr/videokast/video-18899335/

Retournons enfin vers un amateur, le joueur du grenier, testeur de jeux vidéos obsolètes. Son avant-dernière vidéo a été vue 1 949 234 fois. Pourtant il y n'a rien de bien compliqué : un canapé, une chemise à fleurs, une bande de potes et un copain qui s'y connait en montage. N'y a-t-il aucun gauchiste capable de réunir ces conditions ? « Mais on sait pas faire ! » nous diront plus d'un. « Eh bien vous apprenez, bande de moules ! »

Encore un secteur où nous avons donc une guerre de retard. Mais tout n'est pas perdu. Comme nous le disions en conclusion du billet sur les radios et internet, « débarrassés de nos bondieuseries folkloriques, les rockers c'est nous ! C'est nous les gauchistes qui sommes les plus classes et les plus cools. ». Rendons justice aussi au NPA qui a été capable une fois de produire le meilleur clip politique du monde de tous les temps : info, revendication, parodie, humour et audace. Il reste donc de l'espoir.



Pour terminer, nous ne sommes pas des pro de la communication vidéo, mais quelques règles semblent évidentes pour les militants pas trop constipés qui voudraient se lancer :
  • faire des vidéos plutôt brèves, entre 3 minutes et un quart d'heure
  • faire un générique facilement identifiable, avec une bande-son
  • utiliser l'humour pour faire passer ses messages, mais ne pas mélanger sérieux et dérision, plutôt alterner l'un et l'autre pour marquer ainsi des pauses
  • de la joie, de la bonne humeur, de la niaque
  • utiliser des couleurs vives, réfléchir au ''dress-code'' et au décor, cela fait partie du message à transmettre
  • ne pas faire qu'un seul plan fixe ( = suicide médiatique)
  • ne pas réciter son texte (putaintagueule!)
  • penser à indexer correctement ses vidéos pour les retrouver facilement sur le net
  • s'entrainer en faisant des stages de théâtre, ou embaucher des potes comédiens
  • faire des références grand public, geek, cinéma, série télé pour faciliter l'adhésion du spectateur
  • trouver un titre accrocheur et qui situe politiquement la vidéo (Minutes Hebdo, désolé mais nous ça nous fait penser au journal d'extrême-droite)
  • citer ses sources dans le générique de fin.
  • Pour le matériel, une caméra numérique n'est pas forcement nécessaire, des appareils photos numériques peuvent faire l'affaire, du type Canon EOS 5D mark II, 2900 € neuf, démerdez-vous pour en négocier un d'occasion.
  • Ne négligez pas le son et l'éclairage. On n'a pas de conseil de micro à vous donner, pour la lumière, un éclairage de jardin peut faire l'affaire.
  • Pour le logiciel de montage, le premier qui nous vient à l'esprit est Windows Movie Maker, fourni avec Windows, simple mais limité dans ses fonctions.On peut citer également Adobe Premiere, très complet et pas si compliqué que ça. Il est hors de pris comme tous les softs Adobe mais... il paraît que certains d'entre vous savent télécharger des films... you know what I mean, nous, on veut rien savoir...

Voilà ce qu'on pouvait dire sur les vidéos militantes. Ce texte peut aussi vous donner une idée de ce que pourrait être la suite du Fight Club Anarcho-droitier, allez savoir...