Certains de nos lecteurs ont semblé n’être pas entièrement convaincus par
l’article traitant de la lutte armée et des tristes fantasmes
qu’elle provoque chez certains ados attardés. Toujours désireux
de contribuer tant à l’édification qu’au divertissement de
notre lectorat, nous vous proposons un petit quizz tout mignon. Il
vous suffit de vous munir d’un stylo et d’une feuille de papier,
de répondre par « oui » ou par « non » à
chaque proposition, avant de vous reporter à la fin du texte pour
découvrir votre résultat.
Vous
êtes prêts ? Allons-y :
Vous avez un moral
solide
Vous avez une bonne
condition physique, vous êtes endurant.
Vous renoncez au
luxe et au superficiel : plus d'alcool, plus de joints, plus de
tabac régulièrement
Vous renoncez à
votre vie sentimentale et sexuelle, pas le temps.
Vous acceptez de
dormir à des endroits différents chaque nuit.
Vous devez résister
à la torture.
Dans le viseur de
votre fusil à lunette vous reconnaissez le fils d'amis de
famille... vous devez tirer.
Dans la pénombre
des silhouettes s'avancent sur le pont que vous gardez. On dirait
des civils, pourtant les ordres sont formels, personne se passe sans
crier le mot de passe. Vous devez ouvrir le feu.
Vous avez capturé
un agent ennemi, il connait le plan du champ de mines que votre
troupe doit traverser. Il refuse de parler. Vous devez le torturer
(commencez par lui arracher les ongles)
Vous avez
l'opportunité de prendre une ville mal défendue. Seulement
l'ennemi a juré de faire des représailles sur des quartiers de la
ville où habitent vos parents. Il faut prendre cette ville.
Contrairement aux
ordres, un de vos camarades a quitté le maquis sans autorisation. A
son retour, il avoue avoir craqué et être aller voir sa mère. Et
si c'était une taupe ? Les consignes sont claires il faut
l'éliminer.
Dans les rangs de
votre unité on vous signale deux rigolos qui font un blog d'humour
qui discrédite votre combat. La révolution n'est pas un concours
de bonnes vannes. Une balle perdue pour chacun d'eux lors du
prochain accrochage réglerait la question ?
Une partie des
hommes de votre unité se livrent à des pillages et des viols. Ils
sont trop nombreux pour les démettre et puis ce sont de bons
combattants. Vous fermez les yeux.
Vous remarquez de
nombreux civils sans activités. Après tout c'est pour leur liberté
que vous luttez, vous êtes le bon camp, ils pourraient aider. Vous
les enrôlez de force.
Vous avez été
capturé par l'ennemi. Ils vont vous torturer. Soudain une enveloppe
tombe du soupirail de la cave où vous êtes enfermé. A l'intérieur
se trouve une lame de rasoir. Vous devez vous l'enfoncer sur la
carotide, c'est le seul moyen que vos camarades ont trouvé pour que
vous ne parliez pas.
Résultats
:
Si
vous avez répondu « oui » à une ou plusieurs
proposition à partir du numéro 7, vous êtes un (ou une) malade
mental(e), avec des pulsions de violence très malsaines et
probablement dangereuses pour votre entourage immédiat. Nous vous
conseillons vivement de consulter un professionnel, assez rapidement.
N.B :
Si vous avez répondu oui à la question 12, croyant naïvement qu'il
s'agissait des anarcho-droitiers, vous avez fait erreur. Quelqu'un vous
a manipulé pour des raisons obscures et peu glorieuses, et vous avez assassiné deux innocents. C’est malin.
Nous avons ricané sur la naïveté de certains militants régionalistes qui cherchent à identifier leur
occupation du week-end à des vrais combats d'émancipation
nationale. Ce n'est rien à côté de ce que nous venons de trouver :
http://www.fromdusktildawn.org.uk/
Comment expliquer ? Comment réagir le
jour où nous rencontrons des personnes qui expriment des... trucs
pareils ?
Associer le ''droit'' des animaux aux
combats pour la dignité humaine ne sauve pas les zanimaux mais
rabaisse les luttes pour les droits de l'homme au rang anecdotique de
la cause animale. Ce qui explique l'engagement de groupes faisant peu
de cas de la condition humaine comme les sectes ou des groupes
d'extrêmes-droites dans ces ''combats''.
Nous signalons donc une excellente
série de bande dessinée Amerikkka * qui sous le prétexte
narratif d'enquêtes policières, illustre les différentes mouvances
d'extrême-droite aux États-Unis. Dans le cinquième volume, Les
commandos de Philadelphie, on
suit l'enquête de l'Anti Klan Network parmi
des commandos de libération animale, où l'on comprend qu'associer
de l'élevage en batterie à Auschwitz est une première étape sur
la route du négationnisme.
Trop bêtes, trop
naïfs ou trop fourbes, ces gens là sont dangereux.
Mais qu'on ne nous
prenne pas pour des brutes sans cœur, insensibles à la souffrance
animale. Il n'est pas inutile de se mobiliser pour des traitements
moins cruels auprès des animaux. Pas tant pour ces petites bêtes
là, mais surtout pour l'image que nous nous renvoyons à nous même.
Et puis un animal moins stressé donne une viande beaucoup plus
tendre.
Qu'un
putain de vegan vienne nous démontrer qu'il y a quelque chose de
meilleur qu'un Lapin chasseur
:
Pour 6 personnes :
1 lapin d'1,5kg découpé en morceaux – 2 échalotes – 2 oignons
-100g de lardons – 150g de cèpes – 150g de girolles – 40cl de
vin blanc sec – 20g de beurre – 20g de farine – 1 bouquet garni
– persil – sel – poivre.
Dans une cocotte,
faites revenir les lardons à sec. Otez les lardons et faites dorer
les morceaux de lapin. Ajoutez les oignons et les échalotes finement
hachés pendant 1 mn. Incorporez à nouveau les lardons, le vin, 20
cl d'eau, le bouquet garni, le sel et le poivre. Portez à
ébullition, couvrez et laissez mijoter 30 mn à feu doux.
Coupez les
champignons en lamelles. Mettez-les dans la cocotte et prolongez la
cuisson 15 mn.
Retirez le lapin
puis incorporez peu à peu le beurre et la farine mélangés. Portez
de nouveau à ébullition en remuant. Nappez le lapin de sa sauce,
décorez avec un peu de persil parce qu'on est pas des gougnafiers et
servez-le.
Accompagnez si vous
le souhaitez de pommes de terre sautées ou de tagliatelles.
Dégustez en pensant à nous.
* MARTIN Roger, OTERO Nicolas,
Amerikka, édition Emmanuel
Proust
Ça faisait longtemps qu'on avait
pas fait de lexique. A la création du Fight Club nous voulions faire
un objet ''tout public'', même si désormais on reconnaît beaucoup
de militants ou de personnes baignant dans le milieu politique de
gauche parmi nos lecteurs. Nous poursuivons néanmoins notre travail
de vulgarisation politique avec ces nouvelles définitions issues du
billet précédent. Et puis ça aussi c'est rigolo à faire. Les autres lexiques sont consultables ici, là et là.
Décroissant :
n.c partisan de la décroissance. Doctrine prônant l'abandon de la
croissance économique comme indicateur de progrès. Bonne idée de
départ, à laquelle les anticapitalistes ne sont pas complètement
hostiles, mais ce mouvement est parasité par des ''curés verts''
sérieusement gratinés. Ceux du genre qui toussent avant qu'on ait
allumé sa cloque, ou ceux qui vous regardent comme si vous étiez un
waffen SS parce que vous avez une voiture. Le courant
anarcho-droitier cherche des spécimens pour une étude plus
approfondie. Contacter la rédaction.
FSE :
sigle pour Fédération Syndicale Étudiante. Syndicat étudiant
fondé en 2003, classé à l'extrême-gauche. Illustration de la
fable de La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. A lire sa
fiche Wikipédia
on a l'impression que la FSE couvre une vingtaine d'universités
françaises. La réalité est moins avantageuse. Présent sur une
dizaine de campus, ce sont de petits groupes militants qui compensent
leurs faibles effectifs par un activisme important. La FSE va se
réunir incessamment sous peu avec SUD Étudiant depuis 2006. Cette année là, la FSE était prête à intégrer SUD Étudiant à
condition que celui-ci quitte Solidaire (#mégalol#). Après une brève réflexion de 6 ans, finalement tout bien réfléchi, les noces ont eu lieu il y a un mois. Nous nous
autorisons à critiquer ce syndicat - par ailleurs pertinent sur
beaucoup d'analyses – car nous en avons été membre et même
membre fondateur.
Indépendantistes
occitans : ce n'est pas un
fantasme issu de notre imagination malade, ils existent réellement.
Restant modestes dans leurs revendications, ils ne réclament que la
moitié sud de la France. Un ou deux billets du Fight Club
mériteraient de leur être consacrés. Pour certains, toutes personnes ne parlant pas
occitan est ''un colon français qui devrait retourner dans son
pays'' (au nord de la
Loire, ndlr). Pour eux
Bagnères de Bigorre/Gaza =même combat. La caricature politique
a-t-elle encore lieu d'exister quand on a connu les indépendantistes
occitans ? La question mérite d'être débattue. Néanmoins nous
les félicitons pour leurs chartesgraphiques dont beaucoup de militants devraient s'inspirer.
MJS :
sigle pour Mouvement des Jeunes Socialistes. Organisation de jeunesse
du Parti ''Socialiste'', rassemble des apprentis bureaucrates et des
naïfs se voulant de gauche. A pour fonction principale de s'aligner
au premier rang dans les meetings des candidats PS en agitant des
petits drapeaux. Pleurent à grosses larmes quand les candidats de
droites remportent une élection, s'étourdissent la tête au Champomy quand c'est le candidat de gauche qui gagne.
Stal :
troncature pour ''stalinien'',
partisan de méthodes autoritaires au sein du mouvement ouvrier. Sont
désormais des grand-pères Simpson revisitant l'histoire de l'URSS,
ou des JC en recherche de virilité tellement ils ont pas de muscles.
Soc-dem.
: double troncature pour ''social-démocrate''. Injure très
puissante dans les milieux d'extrême-gauche. Si vous êtes en face
d'un gauchiste de 130 kilos, insultez plutôt la vertu de sa maman,
ça passera mieux. syn. : traître, droitier, mou du genou.
Ton sympathique courrier reflète
quelques angoisses, angoisses bien compréhensibles en ces temps
incertains de crises économiques et politiques . Nous allons donc
dédramatiser quelque peu certains de tes propos et constats.
D'abord, il n'y a rien d'extraordinaire
à ce que la ravissante Myriam Martin te rappelle Anne-Sophie, Myriam
Martin nous rappelle à tous notre première amour de jeunesse. Il en
est ainsi des muses qui suggèrent grâce à leur pouvoir surhumain à
la fois cette fraicheur des premiers élans et ce bien être
rassurant d'une protection maternelle. Passons.
Ensuite même dans les moments les plus
sombres, tout espoir n'est jamais perdu. Regarde les ex JCR.
N'ont-ils pas encore un peu de sens de l'humour : vouloir
restructurer l'UNEF ? Ne nous dit pas, cher OP, que tu n'as pas saisi
le piquant de cette grosse blague. Restructurer un panier de crabe,
dont nous avons déjà parlé ici, est-ce bien sérieux? Et pourquoi
pas bolchéviser les MJS* tant qu'on y est ? Allons, allons...
Enfin, dis-toi que tu aurais pu tomber
bien plus bas. Des moments de doute, d'égarements et de stand-by
sexuels en ont transformé certains en neuneus conspirationnistes. Et
puis comme tu sembles, comme nous, attacher de l'importance à
l'apparence vestimentaire, imagine que tu sois devenu un décroissant*,
et être obligé de t'habiller avec des fringues uniquement
fabriquées dans les Vosges ou en Picardie. Ou encore devenir
indépendantiste occitan* et te promener avec un béret basque sur la
tête, parfaitement mesdames et messieurs : UN BERET BASQUE ! La
synthèse de la loose politique et vestimentaire.
Oublions vite ces visions d'horreurs et
revenons à nos curés rouges. Tu nous as fait part de quelques
éléments de ta biographie, en voilà quelques-uns des nôtres.
Avant la création du fantastique courant anarcho-droitier, lors des
congrès locaux du NPA de 2011, l'un de nous passe de la majo P1 à
la P3. A peine deux heures après les votes, des copains d'autres
villes lui téléphonent pour le tancer – sur le ton de l'humour et
dans une franche camaraderie – de ''droitier''. Que ce soit dit en
plaisantant ou sérieusement, le terme droitier en politique renvoie
au champ lexical du ''moins pure/ moins authentique/ moins
radical...'' et on entend le mot ''droite'', ce qui est vexant pour
des gens de gauche. Nous sommes persuadés que cette manipulation
sémantique en a dissuadé quelques uns de soutenir les mentions
dites ''droitières''. Ce sont ni plus ni moins que des tentatives de
culpabilisations qui ne devraient pas avoir leur place dans un débat
politique serein et honnête.
Droitiers ? Et bien soit, et vous
n'avez encore rien vu. Récupérer l'invective de son adversaire pour
en faire un étendard et ainsi désamorcer l'attaque s'appelle faire
de l'antiparastase.
Or qui sont les ringards ? Ceux qui
prennent des risques en militant avec des soc-dem* et des vieux stal*
ou ceux qui se cachent derrière leur orthodoxie pour dissimuler leur
frousse et leur manque d'imagination ? Les curés rouges ont raisons.
Leurs démonstrations sur la nature de telle ou telle organisation
''droitières'' sont souvent exactes. Mais leur ligne politique n'est
viable qu'en laboratoire, sous des bulles aseptisées. Dehors il y a
la vraie vie avec ses compromis et son infinité de corps étrangers
qui perturbent les raisonnements théoriques. Les théories du curé
rouge survivent rarement à l'air libre car justement trop pures.
Nous, nous voulons avancer.
Nous, nous sommes l'extrême-gauche
sale et corrompue. Nous ignorons si nous arriverons à quelque chose
mais nous expérimentons. Et c'est ce manque d'expérimentation qui
nous a fait fuir le NPA. C'est la publicité mensongère autour du
''N'' plus que de savoir si Mélenchon est gentil ou méchant.
Voici une autre anecdote. Puisque le
syndicalisme étudiant a été évoqué, nous nous rappelons que nous
avons été syndicalistes dans une petite université de province.
Nous étions à la FSE* c'est à dire chez les curés rouges du
syndicalisme étudiant. Et c'était une guerre sans fin contre les
apprentis bureaucrates de l'UNEF. Tout les coups étaient permis et
ont été utilisés (sauf l'assassinat mais c'est parce qu'on visait
mal). Cette ''guerre'' concernait une trentaine d'étudiants sur un
campus de dix milles : Clochemerle en somme. Aucun ne prenait le
dessus sur l'autre. Et puis un jour, nous avons eu l'idée de leur
proposer des intersyndicales. Et c'est en faisant un travail
unitaire, tout ce qu'il y a de plus honnête, que nous avons démoli
cette section syndicale moisie : en les confrontant à leurs
contradictions, en les poussant à nous suivre fraternellement dans
une contestation radicale des réformes universitaires de l'époque.
Ils n'ont pas tenu le coup. Tant que nous jouions aux bolchéviques
incorruptibles, ils se drapaient dans leurs ''responsabilités'',
quand nous leur avons tendu la main, ils n'avaient plus rien pour se
dissimuler.
Nous pouvons l'avouer, nous n'avons
aucune sympathie pour le PCF. S'il existe des militants et des
militantes extraordinaires et même des élus dévoués et honnêtes,
cet appareil politique est un boulet pour la gauche sociale et
rassemble encore beaucoup trop de vieux staliniens cramés et de
gâteux qui sont communistes par tradition et non par conviction. Ne
le répète par trop fort mais nous souhaitons la mort du PCF. Une
mort médicalement assistée avec une transition vers quelque chose,
mais la mort. Confrontons le à ses contradictions mais ne lui
laissons pas l'opportunité de nous traiter de sectaires. C'est
fraternellement que nous le pousserons dans ses retranchements.
Enfin, sans développer, que nos
camarades retiennent une chose : on ne peut prêcher l'émancipation
sans l'appliquer pour soi-même. Militer en se flagellant, ce n'est
pas notre genre.
Voilà ce que l'on pouvait te répondre.
Pour prix de notre consultation, nous te piquons le terme
d'archéo-trotskyste.
Bienvenue à toi cher OP, ton courrier dévoile un caractère anarcho-droitier qui ne demande qu'à s'affirmer dans un courant sympa et à s'aiguiser les crocs, au milieu d'un cartel de partis par exemple. Ne te laisse pas dominer par ton désarroi, la cellule psychologique du courant anarcho-droitier étudie ton cas (très fréquent ces derniers temps) et nous te répondrons bientôt. En attendant mange du chocolat, bois des bières et entraine toi à danser sur les tubes de Boney M
Chers
anarcho-droitiers,
Je
vous écris de la part de mon ami Dominique Marc –un ami jeune et
large d’épaules- car je traverse une mauvaise passe, et que
j’aurais besoin de vos précieux conseils. Je voulais aussi vous
faire part de mon expérience, au cas où d’autres jeunes dans la
tourmente se retrouveraient dans ma situation.
A
treize ans j’étais un jeune garçon normal. Comme tous les autres
j’écoutais du hip-hop dégueulasse et je portais des survêtements
de racaille griffés Sergio Tacchini pour aller au collège. Je
rêvais secrètement d’emballer Anne-Sophie à la boum de fin
d’année, mais mes parents venaient toujours me chercher beaucoup
trop tôt. J’avais le sentiment que personne ne me comprenait
vraiment, alors je trouvais refuge dans la masturbation compulsive,
les jeux vidéo et la consommation de sucreries. J’ai compris qu’on
était de gauche en voyant la gueule de mes vieux le 21 avril, quand
LePen est passé au second tour.
A
seize ans, ça commençait à s’arranger. Je m’habillais toujours
comme un sac, mais le style « baboss » m’allait déjà
mieux. Si mes vêtements beaucoup trop grands et mes cheveux beaucoup
trop longs traduisaient encore un certain malaise, la découverte de
la Mano Negra et du sous-commandant Marcos formaient un corpus
idéologique assez cohérent pour me jeter dans la rue contre la loi
Fillon, puis contre le CPE. En plus de ces velléités
révolutionnaires naissantes, j’emballais sensiblement plus de
meufs pendant les périodes de blocage du bahut, et je finissais même
par connaître le « grand A » -ce qui ajoutait à
l’attrait du côté « classes en lutte, lutte de classes »
un romantisme inespéré au retour des beaux jours-.
A
dix-huit ans, je suis allé à un meeting d’Olivier Besancenot. Ce
fut une révélation. Après mes premières expériences politiques
au Parti Communiste, et des colonies vacances décevantes à Cuba (où
j’avais essuyé râteau sur râteau car je ne savais pas danser) je
décidais illico de couper mes dreadlocks pour reprendre le flambeau
de l’anticapitalisme révolutionnaire. Mes boutons disparurent peu
à peu. Les grèves étudiantes qui secouaient la petite ville de
province où je glandais à la fac je faisais mes
classes offraient un formidable terrain de jeu pour se la mettre avec
les flics / les étudiants en droit / les personnes âgées et
draguer à la sortie des AG, entre deux fiestas chez les copains de
la CNT (ceux avec un chat). La vie était simple, je pus être enfin
moi-même : c’est-à-dire imiter mes amis redskins, mais avec
plus de retenue.
Et
puis je suis monté à Paris, toujours pour les études. Et là ce
fut le drame : tout a été démoli. J’ai fait la connaissance des
Jeunesses Communistes Révolutionnaires, qui condensaient le pire de
ce que j’avais pu traverser auparavant. Ils s’habillaient mal,
ils avaient encore plein de boutons (alors que la plupart avaient au
moins 28 ans en L2) et commençaient toutes leurs interventions par
« Lénine a dit… » d’une voix éraillée qui semblait
ne jamais vouloir muer. Alors que d’habitude, j’avais plutôt la
tchatche et que pour tous mes potes, j’étais quelqu’un qui se
bougeait le cul sans trop leur prendre la tête, ils me faisaient
sentir que je n’étais qu’un « aventuriste inconséquent
aux tendances décompos ». Une merde. Imaginez l’angoisse.
En dehors du NPA, rien ne semblait trouver grâce à leurs yeux. Même
militer à Sud avec les branleurs de l’AL leur paraissait la
dernière des hérésies.
Je
vous écris aujourd’hui parce que je suis triste, qu’on m’a
volé mon parti. Sa jeunesse, dont « le dynamisme des luttes
s'avère souvent précieux pour entraîner celle des travailleurs »
(sic.) se complaît dans la laideur et l’ennui. Ils passent leur
temps libre à « structurer l’UNEF » et à persécuter
la P4 car ils ne supportent pas d’avoir des gens plus à gauche et
plus vieux qu’eux au sein du secteur jeunes. Je crois qu’ils sont
à la gauche révolutionnaire ce que Patrick Juvet est au
rock’n’roll. Pourtant j’ai lu Bensaïd, j’ai fait la campagne
Poutou et tout… Je ne sais pas trop quoi faire, car vu que je ne
peux plus me fader ces archéo-trotskystes en herbe, je me dis que ça
va être tendu de me coltiner des soc’déms et des stals au Front
de Gauche, malgré la merveilleuse Myriam Martin qui me rappelle
vaguement Anne-Sophie.
Avant
de raccrocher définitivement mon cuir et d’entamer une
psychanalyse, je voulais savoir si vous aviez des conseils à me
donner pour m’en sortir. Vous êtes un peu mon dernier espoir :
que faire ?
On entend ici où là, lors de soirées entre gauchistes, souvent
jeunes mais pas toujours, certains propos qui confèrent au fantasme
:
- de
toute façon, nous dit petit-anarchiste-casse-couilles-pour-vieux,
pour faire la révolution il faudra forcément prendre les armes...
(tout en parlant il
s'échine à ouvrir une bière avec son briquet, il maitrise encore
mal la technique mais cela fait tellement plus virile.
- tout
à fait, répond Jean-Paul
son interlocuteur, mon cousin qui est militant révolutionnaire au
NPA (entendez à la P4)
disait pas plus tard qu'au dernier congrès que pour appliquer le
programme de son parti ce serait la guerre civile.
-Ils
me font bien rire, intervient Gros Bebert ex punk devenu Redskin
depuis ses débuts de calvitie, tous ces soi-disant
révolutionnaires qui militent pour les élections. Le jour où le
peuple arrêtera d'être con et prendra les armes moi je serai au
premier rang ! (Gros
Bebert oublie de préciser que jusqu'à présent il n'a jamais
distribué un tract, ne s'est jamais syndiqué et qu'il préfère
s'investir dans son groupe de street-punk néo-métal mélodique)
-Peuple
armé, peuple respecté ! Gora ETA ! conclut
petit-anarchiste-casse-couilles-pour-vieux super fier d'avoir enfin
réussi à ouvrir sa bière (il
glisse néanmoins sa main droite dans sa poche pour dissimuler
l'entaille qu'il s'est faite en dérapant sur la capsule)
Dans ce genre de soirée, on croise également toujours une ou deux
personnes dont le grand-père a été résistant, a risqué sa vie,
voire a tué beaucoup de nazis.
Que l'on soit clair : il n'y aura pas en France de situation du type
maquis ou guerre de guérillas (de GPP, nous aussi on a lu Mao). Cela
n'arrivera plus, c'est une autre époque. De plus ce serait une
absurdité militaire : qu'est-ce qu'on irait foutre à se regrouper
dans les montagnes où les forêts, dans des endroits où même le
wifi ne passe pas, où il faut creuser un trou à chaque fois que
l'on veut faire caca ?
Cette absurdité a malheureusement déjà été commise. En Amérique
du Sud, la révolution cubaine dont l'histoire a été mythifié une
fois Castro au pouvoir, a inspiré des milliers de jeunes exaltés.
Ceux-ci sont partis se planquer dans les montagnes ou dans la jungle
en dépit de toute logique. Beaucoup sont morts,soit tués par des
commandos mieux entrainés qu'eux, soit n'ayant pas survécu aux
conditions de vie drastiques. Alain Labrousse dans son ouvrage sur
les Tupamaros s'arrête le temps d'un chapitre sur certaines de ces
aberrations. Ainsi le mouvement révolutionnaire d'Uruguay des années
70, bien implanté dans les villes décide un jour de faire comme les
cubains. Puisque les maquis ont été efficace à Cuba, les Tupamaros
vont le reproduire chez eux. Sauf qu'en Uruguay il n'y a ni forêt ni
montagne conséquente, c'est la pampa. Donc les apprentis guérilléros
vont passer des mois à construire... des tunnels, pour se dissimuler
aux hélicoptères de l'armée. Fiasco total.
Alain Krivine revient aussi sur cette période et cette fascination
funeste pour la lutte armée. Dans cet excellent bouquin que l'on
vous recommande chaudement, Ça te passera avec l'age, tonton
Alain se souvient :
D'une tout
autre portée a été la décision du IX e congrès mondial de la IV
ème Internationale de soutenir la lutte armée en Amérique latine,
à la demande des camarades des sections impliquées qui ne voulaient
pas se couper des mouvements de guérilla qui se développaient dans
plusieurs pays. En Argentine, par exemple, l'EPR regroupait plusieurs
milliers de combattants. C'était l'époque où résonnait encore le
message du Che : ''créer un, deux, trois Viêtnam''. L'orientation
était discutable. Une forte minorité, composée des sections
américaine, australienne et de quelques groupes européens, y était
hostile. Aujourd'hui, l'expérience aidant on ne ferait surement pas
voter un congrès mondial sur un tel sujet. Jeune délégué, j'étais
un peu désemparé de devoir endosser une telle responsabilité. On
en connaît le résultat indirect – les dictatures militaires
latino-américaines, aidées par les ''conseillers'' américains
n'avaient évidement pas attendu les décisions de la IV ème
Internationale pour déclencher une effroyable répression : des
centaines de camarades assassinés, disparus, torturés, emprisonnés.
Sans aller prendre le maquis, la lutte armée est aujourd'hui un
non-sens politique. Faire la guerre, chers petits amis, cela signifie
faire des morts. Et nous ne sommes plus dans un jeux vidéo FPS, où
l'avatar ressuscite à la fin de la partie, où l'on retrouve une
santé complète en capturant une bouteille avec une croix rouge
dessus.
Examinons les conflits de l'ère contemporaine :
Au Vietnam, un million de combattants du Nord et quatre millions de
civils ont été tués, auxquels il faut rajouter 255 000 soldats et
430 000 civils du Sud, et 58 177 soldats américains.
La première guerre en Tchétchénie aurait causé entre 80 et 100
000 morts dont 5 000 soldats russes, la seconde guerre aurait vue la
mort de 4 280 soldats russes et 13000 combattants tchétchènes
(estimation basse).
En janvier 2012, Iraq Body Count, qui fonde son analyse sur des
données publiées dans les médias, estime que 105 052 à 114 731
civils irakiens sont morts dans les violences, constituées
essentiellement d'attentats, et au moins 250 000 civils irakiens
auraient été blessés, auxquels il faut ajouter 4 484 morts et 32
226 blessés dans les rangs américains (4 803 morts pour l'ensemble
des troupes de la coalition et plus de 36 000 blessés).
Arrêtons-nous un instant sur les guerres en Yougoslavie, pays
d'Europe qui aurait pu ressembler à la Suisse ou à la France. On
estime entre 200 000 et 300 000 morts le bilan humain des différents
théâtres d'opérations sur une population de 23,3 millions
d'habitants en 1990. En faisant une équation niveau collège pour ramener ces chiffres au niveau de la population française, une guerre comparable équivaudrait à 515 000 à 772 000
morts.
Les débiles qui se disent prêt à faire la guerre sont donc
d'accord pour sacrifier 500 000 personnes au minimum. Belle
perspective politique et belle conception du respect de la vie
humaine, c'est ça être progressiste pour eux ?
Mais de tels scénarios sont improbables répétons le. Pour se faire
une idée de ce que pourrait être un conflit social violent,
observons ce qui se passe en Grèce.
Et si jamais, au grand jamais, nous basculions dans un univers
parallèle, où les étapes de transitions entre notre démocratie
parlementaire cagneuse et un système autoritaire meurtrier étaient
franchies en quelques années, où un mouvement social déboucherait
sur un conflit armé en France, on ne ferait pas une armée avec des
gens qui s'astiquent la nouille en rêvant d'en découdre et qui,
soit dit en passant, sont incapables pour la plupart, de faire un
100m sans être essoufflé.
Une telle armée serait organisée autour de gens sérieux et
compétents, à savoir des policiers et des militaires (eh oui !) qui
seraient de notre côté. Ce qui devrait faire réfléchir les
lecteurs de Charlie Hebdo et autres anti-flics. Et si les
forces de l'ordre pouvaient être un public-cible des discours de l'extrême-gauche? Ceci est un autre sujet.
Quand aux protagonistes du début de cet article, ils seraient
consignés à l'intendance... à moins qu'ils ne soient passés entre
temps dans le camps adverse, ça s'est déjà vu.