samedi 30 janvier 2016

Les processus de radicalisation 2/2 - Les remèdes

Il y a des bonnes idées partout.
Résumé de l'épisode précédent : des sympathisants de gauche, frustrés à juste titre par la morosité contemporaine de leur camp politique, se perdent dans un gloubi-boulga anti-tout. Ils et elles dérivent jusqu'à s'échouer à proximité de chapelles qui militent pour des valeurs à l'exact opposé de ce qu'ils défendaient à leurs débuts.




Les remèdes

La recette miracle n'a pas encore l'air d'exister, cependant quelques actions peuvent soulager les maux de ces pauvres victimes.

Faire œuvre de patience et de délicatesse. Ne pas défoncer le sujet à la radicalisation au premier signe de confusionnisme. Rappelons que c'est une personne désorientée. Si ses camarades, pour lesquels il n'aura pas d'antipathie dans un premier temps, lui tombent dessus en l'insultant dès le premier partage d'une vidéo de Chouard ou Collon, sa confusion va s'amplifier. Son processus de radicalisation risque de s’accélérer. Proposez-lui une réorientation en douceur : « les questions de démocratie posées par Chouard sont fort pertinentes mais personnellement je trouve sa démarche peu scientifique et brouillonne. De plus, ses prises de position en faveur de personnalités anti-démocrates nuisent à ces travaux. Si ce sujet t’intéresse, je t'invite plutôt à jeter un œil sur le mouvement pour la Sixième République... »

S'accrocher fermement à quelques principes simples. « Ce sont les événements qui créent les hommes et non l'inverse », principe marxiste illustré par le couplet de l'Internationale « Ni dieu ni césar ni tribun ». Les supers héros n'existent pas. Tous les tribuns, tous les théoriciens peuvent et doivent être remis en question, leurs propos doivent être critiqués, discutés. Personne ne détient une vérité absolue.
De même « les ennemis de mes ennemis ne sont pas nécessairement mes amis ». Le monde n'est pas bipolaire. Que les régimes d'Assad, de Poutine, d'Iran s'opposent aux États-Unis n'en font pas des paradis démocratiques et sociaux.

S'interroger non pas sur les ennemis communs mais sur le projet que l'on porte. Sortir de l'Union Européenne ou de l'Euro avec les souverainistes de droite et le FN ? Pour quoi faire ? Quel projet de société en commun pourrions-nous créer avec ces taches ?

Le monde n'est pas bipolaire, les médias non plus. Ce n'est pas parce qu'une information n’apparaît pas dans les médias officiels que l'information en question est fiable, et réciproquement, une information de TF1 ou France 2 n'est pas forcément fausse parce qu'elle apparaît sur ces canaux. Rejetez les sites qui n'ont pas eu la rigueur de vérifier leurs sources et ne vous privez pas de ressources sérieuses au prétexte qu' « elles passent à la télé ». Les enquêtes d’Élise Lucet sur France Télévision font l'unanimité pour ce qui est de la rigueur journalistique. Les émissions DataGueule ou Le dessous des cartes sur Arte sont des mines de données.

Dévoiler les contrefaçons. Si une idée formulée par l'extrême-droite semble séduisante pour quelqu'un se disant de gauche, c'est que l'extrême-droite l'a piquée à la gauche. La confusion des idées entre gauche et droite joue en faveur de l'extrême-droite. Celle-ci a mis en place de vraies stratégies de conquête idéologique. Elle tente de monopoliser toutes les contestations contre l'ordre établi. Elle désorganise les mouvements de gauche en pillant leurs analyses et en semant le doute.

Ne pas laisser un camarade seul et inactif. C'est le raisonnement en vase clos qui fait pourrir les idées. Un sympathisant en a marre des débats ou des campagnes électorales ? Il juge que cela ne débouche sur rien de concret ? Invitez-le à rejoindre un syndicat ou une association. S'investir dans des projets concrets et rencontrer d'autres militants permet d’occuper l'esprit et de mettre à l'épreuve sa vision du monde. De plus, on a moins de risque dans la vraie vie de rencontrer des trolls de l'UPR ou des ''gentils virus''.

Utiliser des filtres. Faites confiance aux prescripteurs des partis politiques de gauche. Fiez-vous aux liens proposés par les sites des partis, écoutez les intervenants invités dans leurs meeting et leurs universités d'été. Il y a là déjà une masse importante d'informations et de formations. Ces données ne sont pas monolithiques, elles peuvent s'opposer entre elles mais elles sont jugées pertinentes. Elles ont été validées par des collectifs de militants. Elles valent bien mieux que celles proposées par un individu rencontré au hasard du web, aussi charismatique soit-il.


Conclusion : Dans notre camps politique, les sujets sensibles à la radicalisation sont d'abord des gens découragés et désorientés. Leur djihad part de la gauche antilibérale pour aller se flinguer politiquement dans diverses sectes d'extrême-droites ou au Front National. Pour les récupérer, il convient d'agir avec énormément de précautions, car le sujet est très susceptible et toute contrariété supplémentaire ne fera qu’accélérer son processus de radicalisation. Les moyens de sauvetage existent, l'essentiel est d'avoir un projet politique réalisable qui implique un grand nombre de militants.


En bonus, voici notre propre prescription :

On vous a déjà recommandé ça par le passé :



Vous pouvez prendre connaissance des liens suivants sans crainte :




Si vous avez un doute sur une info :




Et enfin ces vidéos sont à regarder et à partager le plus possible : Hygiène Mentale


vendredi 29 janvier 2016

Les processus de radicalisation 1/2

Bien entendu on ne parlera pas ici des petits cons de djihadistes. La radicalisation touche aussi malheureusement les rangs de la gauche. Non pas pour aller faire de la chair à canons dans le merdier de la Syrie mais pour aller se fourvoyer dans les cloaques de la fachosphère.

On va pas se mentir, la dépolitisation et le confusionnisme atteint aussi nos syndicats, nos associations, le Front de Gauche, le NPA...

On perd du monde. Peut-être pas les cadres de nos mouvements, mais des sympathisants, des proches qui nous ont suivis un moment, dans une campagne électorale ou un mouvement social. On les perd de vue quelques temps, puis on les retrouve plus tard sur les réseaux sociaux, partageant un lien vers des merdes comme wikistrike ou stopmensonges. A ce moment-là, c'est hélas trop souvent le début de la fin. Étienne Chouard ne va pas tarder à faire son apparition, les passerelles sont posées, Poutine devient un anti-impérialiste et le FN est de gauche...

Comment lutter contre ce phénomène d'érosion pathétique?

Nous allons jouer au docteur. Cernons les profils des individus susceptibles d'être atteints. Détaillons les symptômes. Proposons des remèdes.

Les Profils

D'après les observations que nous avons pu faire sur les réseaux sociaux, les individus sujets au radicalisme sont des personnes isolées politiquement. Soit il n'y a pas d'organisation dans leur proximité géographique, soit elles se sont mises en retrait des groupes militants existant localement. Ce sont ces milliers d'anonymes qui ont quitté les partis politiques sur la pointe des pieds, découragés par le manque de résultat concret, lassés de leurs idoles médiatiques, ou influencés par les discours dominants dénigrant la contestation sociale. Lassés parfois aussi, reconnaissons-le, par le verrouillage des groupes locaux par des militants ''historiques'', curés rouges ou apparatchiks.

Les symptômes

La naïveté. L'individu-sujet cherche à rester en contact avec les débats politiques malgré son isolement. Il cherche à s'informer et à participer aux combats d'idées. Ceci est une démarche tout à fait honorable. Mais l'individu-sujet est fragilisé par une grille de lecture politique faible et par une naïveté certaine. On peut le détecter en l'entendant énoncer les clichés suivants : « il y a de bonnes idées partout » ou « tout le monde doit avoir le droit de s'exprimer ». Il publiera cette citation erronée de Voltaire : «Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire ». Ce dernier symptôme est un indice que notre individu ne vérifie pas ses sources d'information.

La haine. Le sujet à la radicalisation va se caractériser également par une haine monomaniaque. L'objet de son dégoût peut être les États-Unis (le grand Satan impérialiste), Israël (l'autre grand Satan) ou le Parti Socialiste (notre Satan national)... Il va alors gober sans aucun recul tout ce qui alimentera sa haine. Qu'une publication aille dans le sens de sa vindicte et il fera abstraction des éléments voisins. Dans le cas d'un anti-PS, les sites comme La Gauche m'a tuer, la Manif Pour Tous, le Cercle des Volontaires, fdesouche seront pour lui des sources pertinentes, peu importe qu'elles soient l’œuvre de groupes d'extrême-droite (voir paragraphe précédent « il y a de bonnes idées partout »)

La médiocrité. Le sujet à la radicalisation n'utilise pas systématiquement des arguments politiques. Il s'attaque au physique de ses adversaires. Il dira « Flamby » pour parler d'Hollande. Il déformera volontairement les noms.

Le mépris. La population ayant d'autres préoccupations quotidiennes que le groupe Bilderberg ou les Chem-Trails, le sujet à la radicalisation va se mettre à développer une profonde rancœur contre ce peuple qui « refuse de voir les choses en face ». Lui il sait, il devient donc à ses propres yeux supérieur à ces « moutons ».

La paranoïa. Enfin, dans sa lutte contre les puissants, contre l'oligarchie, le sujet à la radicalisation va développer une confusion sous le terme « des élites ». Il va mélanger les barons politiques, les cumulards, avec n'importe quel camarade cherchant à prendre des responsabilités. Tout militant postulant à une responsabilité en interne ou aux élections devient suspect de carriérisme et est rangé dans la case des ennemis du peuple.

demain les remèdes...