dimanche 28 juillet 2013

Le canapé qui parle avec tout le monde

Une rue piétonne, un jour de marché dans une ville de province

Flanders : Bonji bonjour, nous sommes l'ACSDC, l'association des citoyens sympas pour une démocratie cool. Voulez-vous discuter avec nous un instant dans un de ces confortables canapés ? Votre avis nous intéresse, qui que vous soyez !
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Le passant : Bien volontiers ! J'ai d'ailleurs lu l'article vous concernant dans la presse locale et je dois vous dire que je l'ai beaucoup apprécié !

Flanders : Ah mais voilà une conversation qui commence sacri-sacrément bien ! Et qu'est-ce qui vous a plu dans cet article ? Installez-vous dans le canapé, vous êtes ici chez vous, cher ami citoyen. 

Le passant : merci. C'est la fin de l'article qui m'a séduit. Là où vous dites que vous êtes tout à fait disposés à discuter avec l'UMP et Le FN. C'est un beau signe d'ouverture.

Flanders : touti toutu tout à fait ! Même si nous sommes de gauche, nous sommes avant tout des démocrates et nous discutons avec tout le monde, il vaut mieux débattre que de rejeter. L'inverse serait montrer une image sectaire qui ferait le jeu des extrêmes ...

Le passant : alors ça tombe bien parce que je suis au Front National

Flanders : ah ?

Le FN propre : je suis même son responsable local.

Flanders : eh bien... euh...je... oui... et bien discutons de démocratie...

Un autre homme s'approche :

L'homme : Bonjour ! Ici Kent Brockman qui vous parle en direct depuis la place du marché où s'est installée une curieuse association de citoyens de gauche qui a décidé de parler avec tout le monde. Alors cher monsieur le citoyen, avec qui entamez-vous une gentille petite conversation aujourd’hui ?

Flanders : eh bien... euh... notre premier invité... par le plus grand des hasards figurez-vous...est monsieur...

Le FN propre : Monsieur Mussolini Van Houten, 31 ans, secrétaire fédéral du Front National. Je tiens d'abord à remercier chaleureusement l'ACSDC pour son invitation...

Flanders : euh non c'est vous qui êtes venu sans que...

Le FN propre : pas de fausse modestie je vous prie. Le Front National est tellement diabolisé que nous apprécions grandement toutes les opportunités qui s'offrent à nous pour s'adresser aux français.

Kent Brockman : à ce propos, ne trouvez-vous pas paradoxal que ce soit une association classée à gauche qui vous permette de vous exprimer ?

Le FN propre : pas du tout ! Je vous rappelle que le Front National n'est ni de gauche ni de droite. Étienne Chouard ou Michel Collon sont de brillants analystes que nous apprécions à l'instar de M. Flanders, vous voyez qu'il y a plus de passerelles que l'on croit entre nos deux formations. Bien entendu nous avons des divergences avec ce bolché... avec ce monsieur citoyen mais le FN est aussi contre la mondialisation et l'Europe ultra-libérale. Et ne dit-on pas que ce qui nous rapproche est plus fort que ce qui nous sépare ?

Kent Brockman : M. Flanders, une réponse pour nos téléspectateurs ? Allez-vous intégrer des éléments du programme du FN dans votre propre projet et si oui lesquels ? Que pensez-vous des émeutes islamistes à Trappes ? Le voile intégral est-il une menace pour la laïcité comme le pense vos partenaires du FN ?

Flanders : quoi ? Ça filme là ? … mais euh... enfin non le FN n'est pas notre partenaire, nous ne faisons qu'échanger des points de vue...

Kent Brockman : c'est bien ce que je dis. Vous avez donc des choses à partager ?

Flanders : mais pas du tout ! Le FN est notre ennemi politique !

Kent Brockman : pourtant vous êtes assis dans le même canapé et là il vous met la main sur la cuisse.

Flanders : je... je...on ne faisait juste que discuter...je...ne me sens pas très bien !

Le FN propre : on vous remercie M. Flanders allez vous reposer on vous rappellera. Veuillez maintenant laisser votre place à un autre citoyen...français. Au suivant !




Ps : pour une version sérieuse et argumentée de ce sketch, reportez-vous à cet excellent billet de Brasiers et Cerisier ou ce brillant article de Socialisme Critique



jeudi 25 juillet 2013

Prochainement dans le Courant Anarcho-droitier....

Prochainement dans le Courant Anarcho-droitier, vous trouverez :

des canapés
des battes de baseball
 
un drapeau palestinien sale 

 
 un Douglas Dakota C-47


des dossiers 

 

une grosse gueule de bois


et même du rap et plein d'autres choses 


                                     
                                        
à bientôt...

mardi 23 juillet 2013

Le socialisme gourmand

Il est toujours agréable d'entendre ou de lire quelqu'un qui pense comme nous. Surtout quand on croit se sentir seul. On ''croit'' se sentir seul, car ceci dit entre parenthèse, nous sommes loin d'être les seuls à être sceptiques quand à de nombreuses pratiques ancestrales et immuables de l'extrême-gauche.

Parmi ces sceptiques, il y a Paul Ariès. Paul Ariès est un décroissant qui s'habille bien et qui ne semble ni triste ni aigri, ce qui est appréciable dans ce milieu. Son dernier bouquin Le socialisme gourmand est un plaidoyer pour en finir non seulement avec les passions tristes du capitalisme certes, mais aussi celles des courants de gauche et de la décroissance. L'auteur de La Simplicité volontaire prend ici le parti d'une gauche maquisarde, antiproductiviste (coucou le PCF !) et promouvant la joie de vivre (coucou les curés rouges !).

Le chapitre 4 est dédié aux organisations de gauche pour y dénoncer les sacrifices auxquelles elles font trop souvent appel. Nous ne résistons pas en citer quelques extraits :

« Un des premiers territoires à libérer n'est-il pas celui de nos organisations afin d'en faire des lieux de créativité gourmande ? En trente-cinq ans de vie militante, j'ai souvent eu le sentiment de retrouver la dureté des relations capitalistes au sein de nos mouvements. Nos organisations sont peut-être construites pour mener des batailles et gagner des guerres mais pas pour y vivre. On est bien plus heureux dans un club de boulistes, un groupe d'amis, en famille qu'au sein d'une avant-garde révolutionnaire. Les vrais amitiés y sont rares et fragiles.

Le grand mal de la gauche, c'est l'anesthésie de la vie. Je n'ai jamais trop aimé le sérieux appliqué dont on doit faire preuve dans le militantisme, les réunions sans réels débats, les rapports qui répètent la doxa du moment pour prouver son orthodoxie, les pétitions lancés pour occuper les militants, etc. cet assèchement de la vie militante n'est pas sans rapport avec la foi en des « lendemains qui chantent » […]

Il faut en finir avec la gauche sacrificielle. Évidement la lutte des classes est difficile, les militants s'en prennent plein la tête (les milliers de représentants du personnel licenciés chaque année), mais n'est-ce pas une raison suffisante pour jouir pleinement de la vie présente, pour construire des organisations qui soient autant de moments volés aux logiques de pouvoir ? La gauche sacrificielle est celle est la conséquence d'un type d'engagement (le militant, le moine-soldat) calqué sur un modèle de type religieux et militaire. L'utopie justifie tous les sacrifices... de temps, d'argent, d'amour, professionnels. C'est toujours au nom de la cause que l'on accepte de ne pas recevoir de promotion, de ne pas avoir de temps de s'occuper de ses enfants, de son conjoint, de ses amis, de sa vie. »

Avouez qu'on a de quoi s'y retrouver. La suite du livre propose des pistes pour guérir de cet esprit de sacrifices. Des exemples sont tirés des expériences des bourses du travail, du mouvement coopératif, du socialisme municipal ou du syndicalisme à bases multiples. Il s'agit ensuite de défendre un projet politique qui suscite le désir autant que l'adhésion, un projet émancipateur concret, peu importe son nom : socialisme gourmand, buen vivir, jours heureux, écosocialisme...

Comment faire venir en effet des ''vrais gens'' en masse dans nos organisations et pas seulement des kamikazes ? La question avait été abordé au moment du processus de fondation du NPA, on avait parlé de nouvelles méthodes de militantisme. Quatre ans plus tard lorsqu'on pose la question aux militants survivants de savoir où en est cette réflexion, la réponse est la même : « nous allons bientôt nous repencher dessus... incessamment sous peu... ».

Il faut bien sûr donner envie de venir, il faut susciter le désir d'adhérer. Les critiques faites quelques lignes plus haut sont aussi valables pour le Front de Gauche. Que les partis (re)deviennent des lieux de vie. Il s'agit d'abord d'avoir un local pour se retrouver, et que ce local soit accueillant, beau, confortable et non pas une aire de stockage d'affiches (voilà une idée d'article !). Il faut proposer des activités, et pas seulement politiques : repas, jeux, séance cinéma, librairie... Allez faire un tour à Presles lors de la fête de LO pour vous faire quelques idées, si si, vous avez bien lu : ''la fête de LO'' ! Combien de comités militants ont ce genre d'activités dans leur bilan ?

Le paradoxe d'une organisation de gauche cool c'est qu'il faut à la fois sensibiliser sur les problèmes politiques et sortir les gens de la morosité qu'engendrent ces mêmes problèmes politiques. Une organisation de gauche cool doit donner autant le sourire que la volonté de se battre, elle doit détendre et rassurer pour ensuite passer à l'offensive.

Ce type de projet n'est pas évident à mettre en place quand on est aussi tordu que la faucille et aussi rigide que le marteau. Trop nombreux sont encore les militants avec ce profil, mais nombreux aussi sont les militants qui tentent de nouvelles expériences. Le socialisme gourmand est bol d'air frais qui nous permet d'organiser nos idées. Si vous ne pouvez pas l'acheter, volez-le, son auteur défend le principe de l'extension de la gratuité.

Paul Ariès, Le socialisme gourmand, Édition La Découverte, Paris, 2012, 2013.


 

vendredi 19 juillet 2013

Y en a des biens

On passe notre temps à cogner sur les travers du militant gauchiste que l'on ne supporte pas. Toutes ces tares et conservatismes qui font fuir le nouvel arrivant. A-t-on besoin de les répéter ? Oui rappelons en quelques unes, la pédagogie passe par la répétition, encore et encore :

En vrac, ce putain de folklore sans lequel curé rouge se sent tout nu, drapeau rouge, badges, chants liturgiques; ces putains de réunions ultra-codifiées, que l'on soit quatre ou quarante; ce besoin de faire des citations; ce besoin de faire des trucs chiants pour prouver qu'on est un vrai militant; ces perpétuels procès en sorcellerie contre tous ceux qui ont dévié ne serait-ce que d'un pas de la pureté idéologique copyright 1917, etc, etc...

Mais...

Mais alors pourquoi militons-nous encore, si de tels phénomènes nous fatiguent ? Parce que nous croisons aussi des militants extraordinaires. Avant que notre joyeuse dérision des curés rouges ne se transforme en aigreur, faisons une pause le temps d'un billet pour déclarer notre admiration pour ces milliers de héros souvent anonymes. Étant des nazis de la grammaire, nous évoquerons nos exemples au masculin, mais bien entendu, à part les ultras de la déconstruction des genres, tout le monde comprendra que les personnages cités sont aussi bien des hommes que des femmes.

Commençons par un mal-aimé des auto-proclamés ''militants révolutionnaires'' : le prof. Le prof qui n'enseigne pas, mais qui communique sa passion, que ce soit des maths, des lettres, de la biologie. Ses élèves savent vaguement qu'il est syndiqué à cause de ses absences lors des journées de grèves. Mais lui est tellement de gauche qu'il ne prend pas la peine de faire la moindre allusion à ses opinions politiques. Il sait qu'un jeune bien instruit, cultivé et critique sera à même de rejoindre plus tard le bon côté de la barricade. On en a tous croisé au moins un ou une dans notre scolarité.

Continuons avec le militant associatif. Soit il est de gauche soit il ignore qu'il est de gauche. Une bande de jeune qui remontent un comité des fêtes dans un village, c'est de gauche. Recréer du lien et de la solidarité c'est de gauche, merde ! Et c'est énormément de boulot. Salut aussi aux associatifs du planning familial, des comités de soutien aux sans-papiers, personne ne les a obligés à faire ce qu'ils font. Ils le font parce qu'ils ont des valeurs. Car avoir des valeurs a encore un sens pour des milliers de personnes.

Salut aussi au vieux militant ouvrier autodidacte, le maître Yoda de nombreux jeunes militants. On a l'impression qu'il a tout connu, il a plein de choses à raconter, mais il ne radote pas. Il n'a jamais brigué de mandat, et quand il a été élu quelque part, c'est les copains qui l'ont poussé. On l'a toujours connu puis on s'est aperçu un jour que cela faisait quelque temps qu'il s'était mis en retrait, laissant discrètement les commandes aux militants plus jeunes sans pour autant abandonner qui que ce soit.

Et enfin, le syndicaliste. LE héros des temps modernes. Être syndicaliste dans de nombreuses boîtes aujourd'hui, c'est être un mélange d'abbé Pierre et de James Bond. Le syndicaliste sacrifie une partie de sa carrière pour défendre celle des autres. Il doit ruser, éviter les pièges tendus par ses chefs et ses patrons ou se battre quand le conflit devient inévitable. Et quand il y a bagarre, c'est vers lui que se regroupent les collègues de boulot. Gégé Filoche cite un militant syndical suédois s'exclamant à propos des syndicats français : « mais comment faites-vous ?Avec 80% de syndiqués nous n'arrivons jamais à avoir des grèves aussi massives que vous, avec 8% de syndiqués...? »C'est plus du Ken Loach, c'est du Bravehart.

Merci à eux et merci à tant d'autres, qui se foutent d'être gauchistes ou droitiers. Ils nous ont donné l'envie de leur ressembler, ils nous ont remotivés dans les moments de découragement, en un mot ils nous ont transmis le feu sacré.