Quelque part au-dessus de la France,
à bord d'un Douglas ''Dakota'' C47 aux ailes siglées de l'étoile
bleue et noire des anarcho-droitiers.
Le fan-club du courant – très
agité - est rassemblé dans l'appareil pour sa première et dernière
réunion aéroportée. Par la magie propre à la fiction, les
personnages du blog sont également là : Léandre
le-petit-anachiste-casse-couille-pour-vieux,
Gros Bébert l'aristocrate
de gauche, Jean-Kévin
le primo-militant, La Petite Demoiselle, la militante
systématiquement draguée en réunion, Hodor, le responsable de tous
les SO, Krystel,
la militante LGBTI toulousain(e)... Comme dans les films qui se
terminent bien, tous ont fini par adhérer aux principes de
l'anarcho-droitisme. Même Jean-Paul,
le
curé rouge de Charleville-Mézières, est présent, seulement à
titre d'observateur non-mandé certes, mais c'est déjà un grand pas
pour lui. Seul Patrick, le
neuneu conspirationniste, a refusé de monter dans l'avion,
prétendant avoir démasqué les anarcho-droitiers : ce seraient
des trotsko-reptiliens chargés de bombarder de la Syrie.
La voix d'une hôtesse retenti dans
les hauts-parleurs :
La voix :
chers camarades, bienvenue sur Anarcho-droitier Airline. Des chopes de
bières se trouvent sous vos sièges, les tireuses se situent à
l'avant et à l'arrière de l'appareil...
Soudain, venant de la cabine de
pilotage apparaît Guillaume. Tout en s'adressant aux passagers, il
s'enroule d'un Keffieh bleu, met du scotch sur ses lunettes, ajuste
un casque, et enfile une combinaison.
Guillaume :
chers camarades bonsoir !
Le public répond
en cœur : bonsoir ! ou salut ! ou Yo !
ou Wesh Gros ! ou Weeeeh ! on note même
un ou deux A poil !
Guillaume :
Chers camarades, l'heure est grave !
Le public
inquiet : oh ?
Guillaume :
non, je déconne, j'adore commencer mes discours de cette façon.
Le public
rassuré : ah !
Guillaume :
camarades, si je vous ai réunis ce soir, c'est d'abord pour vous
remercier d'avoir suivi le Fight Club anarcho-droitier pendant ces
deux ans. Son audience est montée crescendo, c'est grâce à
vous. Merci de l'avoir lu, merci de l'avoir commenté, merci de
l'avoir cité et partagé, merci enfin aux plus crispés d'entre
vous, vous êtes sortis du bois dans les commentaires, et vous avez
prouvé que le curé rouge n'était pas qu'un fantasme de notre part.
Il fait une pause en avalant une
gorgée de bière qu'une main anonyme lui tend.
Guillaume :
l'auto-critique des pratiques militantes de gauche par
l'auto-dérision était un créneau à prendre. Avec mes camarades
anarcho-droitiers nous l'avons pris. Cela a fait du bien à beaucoup
de monde, à commencer par nous. Cependant... il fait une nouvelle
pause, le public retient son souffle... cependant continuer à
taper sur les militants de notre camp, même s'il y en a beaucoup qui
nous énervent, serait de l'acharnement. De plus, les camarades qui
m'accompagnaient dans cette épopée ne sont plus. Plekszy-Gladz a
...euh...
mystérieusement disparu, et Romain est tombé criblé de balles
dans un billet-traquenard
le mois dernier. Ainsi, après le coup d’État de Pinochet au Chili
et les attentats sur les Twin Towers, le 11 septembre sera à nouveau
la date d'un sombre anniversaire. J'ai en effet pris la décision
d'arrêter le Fight Club dès ce soir.
A ces mots, les passagers hurlent,
pleurent, bavent, se griffent le visage.
Guillaume :
sachez que ça me fait de la peine à moi aussi, mais il faut aller
de l'avant. Oh bien sûr je ne dis pas que de temps en temps, je ne
mettrai pas un petit billet sur le blog, surtout si les curés rouges
tendent le bâton pour se faire battre, et à mon avis ils vont le
tendre à deux mains pendant les municipales. Mais la période Fight
Club est désormais révolue.
La voix de
l'hôtesse : Guillaume, objectif en vue, zone de largage dans
deux minutes.
Guillaume :
Ok, faut que j'me dépêche !
Il prend un sac qu'il s'accroche
avec précaution sur le dos.
Guillaume :
Ceci dit la lutte continue, mes louloutes. Je vais, dans un premier
temps, me reconcentrer sur le militantisme local. C'est important
aussi d'être sur le terrain, d'être au contact des vrais gens de la
vrai vie. Je vais investir d'autres blogs et faire de la radio. Et
puis... vous n'avez pas fini d'entendre parler de moi. Je reviendrai.
Avec d'autres moyens de communication. Avec une nouvelle équipe.
Pour faire mieux, plus fort et pour le grand public. En attendant,
éclatez-vous, ne vous faites pas bouffer la tête par la politique,
et dites merde à tous les curés qu'ils soient rouges, noirs, verts
ou arc-en-ciel.
Une alarme retentit.
La voix de
l'hôtesse : zone de largage atteinte ! Je répète, zone de
largage atteinte !
Une trappe s'ouvre devant Guillaume.
Guillaume :
je ne vous dis donc pas revoir, mais à bientôt !
Il saute
Guillaume en
criant : KOWABUNGAAAAAA !!!!!!!
Les Toten Hosen, installés au fond
de l'appareil, se mettent à jouer :
Léandre :
eh ben Jean-Paul ? T'en fait une tête ! C'est la fin du blog qui te
met dans cet état ?
Jean-Paul :
Non, je me suis fait braquer mon ordinateur portable.
Léandre :
t'es sûr ?
Jean-Paul :
mais oui. Je l'avais rangé dans un sac comme celui-là. Mais dans
celui-là il n'y a que de la toile.
Léandre :
c'est fou ça ! On peut faire confiance à personne en politique !