mercredi 5 décembre 2018

Olivier Dartigolles a dit un truc à propos des gilets jaunes.

par Albert Bouchignard *

Le porte-parole du Parti Communiste Français est intervenu dans un débat consacré à la mobilisation des gilets jaunes sur CNEWS. D’après plusieurs témoins présents devant leurs postes de télévision, Olivier Dartigolles aurait dit des choses en rapport avec la situation.

 L’information a d’abord circulé sur le réseau social Tweeter. Le jeune cadre du PCF annonçait sa participation à un débat télévisé. Notre équipe a aussitôt interrompu son visionnage d’un épisode des Simpson sur W9 pour étudier la situation.

Olivier Dartigolles semblait en effet lancé dans une analyse politique pointue, malheureusement interrompue par une coupure publicitaire pour une crème anti-mycose. Néanmoins au retour sur plateau, journalistes et intervenants semblaient intéressés par ce qu’il avait dit.

Des téléspectateurs, restés plus longtemps que nous devant leur écran, ont pu confirmer l’information.

« Je l’ai tout de suite reconnu, affirme Simone, j’étais devant ma télé et je me suis dis : tiens c’est le petit jeune du Parti Communiste. J’ai pas pu entendre tout ce qu’il disait parce que j’utilisais ma machine à coudre en même temps, mais ça avait l’air bien. Demandez à mon mari, lui il a suivi le débat. »

Bernard assure :  « Oui, je l’ai écouté mais je ne rappelle plus de tout évidement. Il parlais de novation citoyenne et de transversalité démocratique. Il a déclaré aussi qu’il ne fallait pas cesser de penser la complexité. Après il a dit que le Parti Communiste feraient des propositions concrètes pour un machin. N’empêche ça tombait bien parce « novation » c’était un mot qui me manquait dans ma grille de mots fléchés ! »



* militant PCF depuis bientôt trente-cinq ans

vendredi 30 novembre 2018

Gilets jaunes et pudeurs rouges

On l’avoue, l’appel des gilets jaunes a d’abord suscité chez nous un agacement certain : comment des individus pouvaient-ils se mobiliser pour un produit polluant, le diesel, alors que les cortèges pour la défense des services publiques, le climat ou pour nos salaires sont trop souvent clairsemés ? On a d’abord ricané des messages maladroits et naïfs de certains, ironisant sur un nouvel engagement virtuel aux revendications déconnectées des enjeux climatiques. Bref, on a été à deux doigts de faire nos curés rouges.

Puis, une fois de plus, c’est le mépris affiché de certains de nos camarades envers le sujet, plutôt que le sujet lui-même, qui nous a convaincu de modifier notre approche de cet événement. On en a vu utiliser de faux profils pour troller les premiers groupes de gilets jaunes en orthographiant volontairement mal leur propos, c’était gênant.

Qu’aurait fait François Ruffin dans notre situation ?

Nous n’avons pas mis de gilet jaune mais nous sommes allés sur des points de blocage. Pour une fois nous avons fermés nos grandes gueules de gauchistes et nous avons écouté les participants. Muni d’un micro, nous avons interviewé une douzaine de personnes, prises au hasard, pour le compte d’une radio locale.


Nous avons pu parler avec des retraités, des artisans, des salariés d’entreprises privées, surtout des gens non engagés politiquement. C’est un public que nous côtoyons habituellement peu. Le 17 novembre en province l’ambiance était bonne enfant. Les gilets jaunes laissaient passer les ambulances, les infirmières et les voitures avec de jeunes enfants à bord. Aucun signe politique ou syndical n’étaient visibles bien entendu mais des banderoles et pancartes dénonçaient l’injustice des taxes. Nous avons vu un, peut-être deux drapeaux tricolores, on a perçu le début d’une Marseillaise mais on a aussi entendu dans des sonos On lâche rien d’HK et les Saltimbanks, Antisocial de Trust et Cayenne de Parabellum qui appartiennent clairement au folklore de gauche.

La première impression qui se dégage de ces entretiens, c’est un profond ressentiment d’injustice. Les manifestants ont l’impression, une fois de plus, de s’être fait arnaquer, cette fois-ci avec le diesel. On les a incité à acheter ce type de véhicule pour être ensuite taxés sur une dépense qui, pour beaucoup, est incompressible. Tous, et nous insistons bien là-dessus, tous les gens rencontrés, interrogés au hasard, tous nous ont soutenu que les plus riches pouvaient être taxés avant eux. Les riches, individus ou entreprises, pas les immigrés ou les chômeurs, les riches. Certains reprenaient le slogan de François Ruffin « Rend l’ISF d’abord ». Personne n’était contre l’écologie. Si on a rencontré quelques climato-sceptiques, la plupart étaient d’accord d’agir pour la planète, mais pas en étant sanctionné.

Nous sommes conscient de n’avoir vu qu’un infime échantillon de la mobilisation. Nous pensons aussi que les gilets jaunes sont différents d’une région à l’autre, tant dans leur sociologie que dans la hiérarchie de leurs revendications prioritaires. Le pire côtoient le meilleur. Il va des fils de putes qui dénoncent des migrants à Flixecourt jusqu’à la haie d’honneur faite par les gilets jaunes au cortège contre les violences faites aux femmes à Montpellier. En fait ceux-ci veulent abandonner les étiquettes politiques mais les clivages se reforment naturellement. On retrouve une aile gauche qui veut rétablir l’ISF et une aile droite qui veut une politique de reconduite aux frontières plus efficace.

Nous sommes également conscient que c’est un mouvement qu’on nous survend. Huit mille personnes en manif à Paris le 24 novembre? C’est pas énorme au regard de ce que peuvent mobiliser les syndicats :le 31 mars 2016 160 000 personnes défilaient à Paris contre la loi Travail (selon les organisateurs, m’enfin quand même!)

Cependant nous sommes convaincus que c’est un public compatible avec les propositions qu’ont exprimé plusieurs syndicats et partis de gauche, résumé par l’appel des « gilets verts » : développement et gratuité des transports en commun, réouverture des petites lignes SNCF, taxation de marchandises aérien et maritime, développement des circuits courts, captation de l’évasion fiscale pour financer une transition sociale et écologique…

A quoi bon arborer ses médailles d’antifascisme dans des milieux où il n’y a pas de fachos ?

Quel gâchis alors de voir une fois de plus l’aristocratie militante faire la fine bouche sur cette mobilisation. Oui il y a des fachos dans les rassemblements (on en a croisé) mais pas plus que ce qu’ils représentent ailleurs. Ce sont les militants politiques de gauche qui manquent à l’appel. Les gilets jaunes sont un terrain en friche et au prétexte qu’il y a des mauvaises herbes, les révolutionnaires puritains refusent de l’investir. C’est pourtant une ligne de front, c’est là qu’il faudrait pousser les revendications de justice sociale, de lutte des classes, c’est là qu’il faudrait faire refluer les expressions de racisme et d’homophobie.

Ou quand Nuit Debout rencontrerait les Gilets Jaunes… à condition de ne mépriser personne.



mercredi 14 novembre 2018

The anticapitalist expendables

Cet article partait avec des intentions sérieuses. Il devait s’intituler « De l’outrance » et traiter des excès de langages de Mélenchon et du populisme de gauche. On avait même lu un article de Roger Martelli en entier pour préparer ce texte. Les trois premiers paragraphes ci-dessous allaient dans ce sens. Et puis, que s’est-il passé ? Nous nous sommes laissés déborder par notre imagination puérile...

Voyez comme nous avons pris le temps avant de réagir à l’actualité mélenchonnienne. Tourner sept fois ses pouces avant de taper sur son clavier. Si tous les trolls s’astreignaient à cette discipline, Internet serait un salon cosy peuplé d’érudits courtois.

Les coups de gueule du chef de la France Insoumise plaisent à certains et en heurtent d’autres, en gros elles clivent. Et comme à chaque fois, le fan-club mélenchionnien cherche à l’imiter et l’on tombe alors dans la caricature de la caricature.

Notre conviction est que les gens vont se lasser de ces personnages gueulards et outranciers, comme ils se sont lassés des technocrates lénifiants. L’avenir reviendra peut-être, et c’est notre souhait, aux vieux sages rassurants, du type Jeremy Corbyn ou Bernie Sanders. Encore qu’en France des vieux sages à la Bernie Sanders on en voit pas beaucoup depuis la disparition de Daniel Bensaid.

A moins que celui-ci n’ait développé des pouvoirs psychiques qui lui permettent de réapparaître en fantôme comme les Jedis dans Star Wars.

Ou alors, oh wait …

Ou alors, afin de contenter tout le monde, il faudrait que tous nos stéréotypes d’hommes et femmes politiques de notre bord fassent équipe. On appellerait ça la AntiK-Team, l’équipe Anticapitaliste. Il y aurait :


Le vieux sergent bourru : toujours de mauvaise humeur, il ne sait communiquer qu’en râlant. Il tient même des propos parfois limite sur les élites ou les immigrés mais on l’aime bien quand même. C’est notre Sergent Hartman ou Tom Highway à nous.


Le badass : il décapsule avec les dents une bouteille de Kwak, qu’il engloutit cul-sec avant d’aller retourner tout seul une sous-préfecture. Il n’a peur de rien, il vaut mieux l’avoir avec soi que contre soi.




Le beau gosse : personne d’autre que lui ne sait porter une casquette de postier avec autant de swag. Il ne veut s’unir avec personne mais c’est parce qu’il cache une terrible blessure sentimentale secrète. Ça le rend encore plus craquant. Les filles sont sous le charme, leurs mères aussi.





Le side-kick rigolo : il ne peut pas être le héros à lui tout seul mais il sait se rendre indispensable. C’est le meilleur copain du Beau Gosse, c’est aussi son faire-valoir. Toujours la blagounette au coin de la bouche pour détendre une atmosphère, on se souvient de son « il n’y a pas d’immunité ouvrière!» .



Le geek cool : comme un geek, il a son look propre à lui, des t-shirts militants ou des maillots de foot. A côté de ça, il bosse ses dossiers à fond. Il écrit et publie son propre journal, il investit les réseaux sociaux. C’est un bourreau de travail mais qui a su rester sympa.


La psycho-rigide : elle est spécialiste en combats rapprochés rhétoriques. Elle dédit toute sa vie à la lutte. On ne lui connaît aucune faille ni aucune passion. Le side-kick rigolo est amoureux d’elle mais se prend régulièrement des gros râteaux, ça en devient un runing gag.




La dernière survivante : elle a survécu à tous ses amis qui ont été éliminés par les curés rouges slashers. Elle n’a plus peur de rien et saura conseiller son équipe pour éviter les pièges de la division et du sectarisme. Vous voyez le lieutenant Ripley ? Eh ben pareil mais en mieux...




Mamie Gâteau : c’est la pause tendresse qui permet à la AntiK-Team de souffler un peu entre deux aventures. Elle est pleine de bon sens et trouve que « le monde ne tourne plus rond ». Elle dit aussi d’un ton très doux : « quand on voit les excès du CAC 40 on se dit que les gens sont devenus fous ». C’est Suzanne Flon dans Les enfants du Marais, on l’aime bien.


L’apprenti-champion : il est encore jeune et timide. Il n'ose pas encore gueuler très fort pendant les perquisitions au siège de son mouvement mais il a de la passion et beaucoup de potentiel. Il commencera par oublier de se raser, puis sa chemise sera froissée, bientôt il se mettra à fumer nerveusement des Gauloises sans filtre. Enfin, il tiendra tête au Sergent Bourru. Bref il va s’aguerrir au fil des aventures.  



La guerrière amazone : elle balance des coups de boule polémiques ou des coups de sabre politiques. C’est le pendant féminin du Badass. La légende raconte qu’elle a des couilles… plusieurs paires arrachées à ses ennemis qu’elle porterait en pendentif sous son chemisier. Le personnage de Michonne dans Walking Dead est directement inspiré d’elle.



L’intello sexy : « la plume est plus forte que l’épée », telle pourrait être sa maxime. Ses combats, elle les mène dans les colonnes de Regards ou Politis. Souvent rabrouée par le Sergent Bourru, il lui en faut cependant plus pour être impressionnée.




Le clown triste : toujours pessimiste, il ne cesse de gémir que « l’équipe n’y arrivera jamais j’vous aurai prévenu ». Il se plaint aussi que personne ne l’écoute. C’est lui qui va mourir en premier.

 


On peut enfin terminer par les vieux loups de mer : ils ont une grande connaissance de l’histoire du mouvement ouvrier mais ils sucrent un peu les fraises. Les deux passent leur temps à s’engueuler. Tandis que le premier s’emmêle les pinceaux avec tweeter, le second se croie encore en 1968. Plus personne ne les écoute. Ce sont les Statler et Waldorf de l’Anti-K Team.

Après plein d’aventures, on verrait la Cinquième République s’écrouler dans des geysers de flammes. Nos héros marcheraient au ralenti face camera sur la chanson de Back in Black d’AC/DC.



Sans déconner… 

 

lundi 8 octobre 2018

Pierre Laurent tournera dans le prochain clip de Benjamin Biolay.

par Albert Bouchignard*

Actualité chargée pour le premier secrétaire du Parti Communiste Français. Après être entré dans l'histoire comme le premier dirigeant du PCF à être mis en minorité dans les textes de congrès, Pierre Laurent se dirige-t-il vers une nouvelle carrière dans le spectacle ? A l'instar d'Olivier Besancenot apparaissant aux côtés des rappeurs Joey Starr ou plus récemment Ous-D-Ous, Pierre Laurent serait attendu en featuring dans le prochain clip du chanteur mélancolique Benjamin Biolay d'ici la Toussaint.


« J'ai vraiment découvert Pierre lors d'une interview sur France Inter » nous explique Benjamin Biolay. « Il se faisait engueuler par les journalistes parce que personne comprenait ce qu'il voulait dire, ça m'a touché. J'aime ces personnages abandonnés et spleenétiques. J'avais auparavant soutenu François Hollande et Benoît Hamon, c'est donc une suite logique dans ma recherche esthétique » Le chanteur poursuit : « Pierre est quelqu'un de très accessible. J'ai téléphoné un dimanche après-midi place du Colonel Fabien, c'est lui qui répond au standard. On a tout de suite sympathisé ».

L'intéressé n'a pas démenti ce projet. Rencontré sur une aire de repos de l'A71 au retour d'une visite au musée Soulages de Rodez, Pierre Laurent nous parle de son nouvel engouement pour la pop-culture, tandis qu'il mange seul à la cafeteria. « Je pense qu'il faut saisir toutes les opportunités et je ne m'interdit aucun relais pour envoyer un message fort. Je veux laisser les portes ouvertes à la discussion pour rassembler au-delà des simples additions d'appareils en respectant l'identité propre de chacun...c'est embêtant ça, j'avais demandé un café allongé à la dame et elle m'a servi un thé citron, c'est toujours pareil, on m'écoute pas ! »

Le courant anarcho-droitier exprime tous ses vœux de réussite à cette nouvelle icône de la chanson française.


* militant communiste depuis bientôt trente-cinq ans

dimanche 30 septembre 2018

Révélation exclusive : Jean-Luc Mélenchon ne serait pas un révolutionnaire marxiste-léniniste internationaliste !

par Patrick

Coup de tonnerre dans les milieux d'extrême-gauche français. Plusieurs enquêtes indépendantes sur les prises de positions politiques du leader de la France Insoumise conduisent à la même conclusion : Jean-Luc Mélenchon ne serait pas un authentique révolutionnaire.

« Nous, ça fait neuf ans qu'on le critique, mais c'est surtout parce qu'il nous a piqué la moitié de nos adhérents et tous nos électeurs... » confit Cricri, militant du Nouveau Parti Anticapitaliste. « Si on avait su que c'était vrai... ». Heureusement, le NPA peut compter sur des enquêteurs rigoureux. Julien Salingue, universitaire et membre de l'Observatoire des médias Acrimed, a publié cet été de jolis petits montages surlignant des déclarations de Jean-Luc Mélenchon paru dans Le Monde. « Mélenchon se déclare républicain, précise le chercheur, républicain ! C'est pas très très démocratie autogestionnaire, avouez-le ! De plus j'ai remarqué à plusieurs reprises qu'il se trouvait dans la même pièce - l'Assemblée Nationale ndlr -que Dupont-Aignan. Coïncidence ? Je ne crois pas !

« On l'a jamais vu avec un T-shirt du Che ni même un badge de Lénine, complète Cassiopée, sortie quelques minutes du CN du NPA pour faire une pause clope, ça aurait dû nous mettre la puce à l'oreille. »

La sidération est de même ampleur du côté du Parti Communiste Français. Albert Bouchignard, militant communiste depuis bientôt trente-cinq ans, n'en revient toujours pas. «  Au Parti, si les copains le supportent pas, c'est avant tout parce qu'il a plus de charisme que nos trois derniers secrétaires généraux réunis. On était un peu jaloux c'est tout !». Mais là aussi, de courageux lanceurs d'alertes ont fait leur devoir. Ian Brossat nous fait une démonstration implacable. « Mélenchon dit que la France a des frontières. Qui dit frontières dit pays. Qui dit pays dit nationalisme. Qui dit nationalisme dit nazi, et ça, mon papy il aurait pas supporté ! ».

Ces enquêtes ont fait l'effet d'une bombe dans les milieux militants


Du côté des principaux intéressés, l'heure semble être à la prudence. Des militants de la France Insoumise, croisés lors de leur pause sandwich après une distribution de tracts, n'ont pas voulu commenter ces stupéfiantes découvertes. « Il est pas marxiste-léniniste révolutionnaire internationaliste autogestionnaire anti-autoritaire ? Non... sans déconner ? » s'étonne l'un d'eux, entre deux bouchées dans son pain-thon-mayonnaise. « Ah ben mince alors ! ricane pudiquement un autre, et sa cravate rouge ? ça peut pas compter ? »

Les états-majors des différents partis politiques de gauche se sont réunis dans l'urgence pour décider de l'attitude à adopter. Nous pouvons supposer que les listes communes aux élections européennes qui ne devaient pas se faire, ne se feront finalement pas.

mercredi 8 août 2018

Le minoritaire optimiste

On a rencontré Gérard Filoche en juin à l'occasion d'une projection commentée du film Le Jeune Marx (on recommande). Un bonhomme qui s'est fait traiter de droitier pendant vingt ans à Ligue Communiste Révolutionnaire puis de gauchiste pendant vingt autres années au Parti Socialiste nous paraît d'entrée fort sympathique.

Il nous a filé un de ses bouquins, son autobiographie Le social au cœur- mai 68 vivant. Gérard nous y raconte sa vie militante depuis son adhésion au PCF en 1963, son exclusion, sa participation à la fondation de la Ligue Communiste, ses années à LCR jusqu'à son adhésion au Parti Socialiste en 1994.

Pour qui connaît le personnage, on apprécie sa gouaille, son optimisme militant inébranlable et son expérience approfondie du droit du travail. Mais ces atouts sont entachés par cette adhésion trop longue au PS qui malheureusement bloque de nombreux militants de gauche. Lors de la soirée mentionnée plus haut, des militants insoumis et PCF ont boycotté l’événement parce que « Filoche c'est un social-traitre et gnagnagna.... ». Militants qui parfois n'ont pas mal au cul à partager des publications autrement plus craignos venant de Chouard ou l'UPR, « parce que c'est important de débattre et gnangnangnan...»

Ainsi, pour revenir au livre, ce qui nous a plu, c'est justement son regard sur l'extrême-gauche. Lui se veut pragmatique, travaillant pour des « luttes de masses », un « front unique », une unité des syndicats de salariés. Autant dire que les aventures du type service d'ordre buriné antifasciste ou les débats pour savoir qui a la plus pure le fatigue rapidement. Ça nous parle.

"conservatisme d'organisation" 

Voici quelques bonnes feuilles qui entrent en échos avec la raison d'être de ce blog. Ainsi le conservatisme d'organisation qui entravent énormément de démarches unitaires :

« Il existe, dans tout petit groupe, petit courant, petit parti, même « révolutionnaire », un conservatisme d'organisation. « On » a crée quelque chose, « on » a souffert pour un sigle, des locaux, une image, pour rassembler des militants qui se connaissent, s'entendent, « on »ne veut naturellement pas sacrifier tout cela. Ce conservatisme est très important à comprendre, car il existe encore plus dans le mouvement ouvrier que dans les partis émanant de la classe dirigeante. Pourquoi ? Parce que les travailleurs sont dominés justement, donc ils s'arc-boutent, s'accrochent à « leurs » institutions plus fortement encore que les bourgeois aux leurs. »[p 302-303]

Et en matière de conservatisme, Filoche assiste au congrès de Lutte Ouvrière en 1987. « Je sortis de là, assommé. Estomaqué par la discipline et le sérieux militant, stupéfait par le degré de centralisme et, il faut bien le dire, de sectarisme de la direction réelle... LO obtint plus de 5% des voix en 1995 et 1998, trente ans après mai 68. Personne ne lit donc le programme réel de Lutte Ouvrière en matière de démocratie, en matière de suffrage universel, en matière de gestion de l'économie ? Puritanisme, ascétisme excessif, sélection terrible des militants sur la base des tâches effectuées, ouvriérisme prononcé, coupure profonde avec les rythmes des mouvements sociaux, avec la vie syndicale ou associative démocratique, propagandisme exacerbé... Nos camarades de Lutte Ouvrière avaient eu un seul coup de génie : présenter Arlette Laguiller - « Je suis une femme, une travailleuse, une révolutionnaire » -, avec un slogan simple et clair, aux élections présidentielles. Ils avaient aussi l'avantage, mais de façon étroite et excessive d'avoir les yeux braqués sur les « ouvriers ».[p413]

Mais à la LCR non plus, ce n'est pas la fête du slip tous les jours. Filoche et Krivine ne peuvent pas se blairer*. La majo mène la vie dure à la tendance « unitaire » de Filoche. Celui-ci, auquel Henri Weber avait dit : « Tu es irrésistiblement minoritaire, on dirait que c'est une vocation structurelle chez toi » [p.339], ce minoritaire donc, donne des conseils pour éviter des conflits irrémédiables entre tendances lors du Ve congrès de la LCR en 1981, et ça nous rappelle furieusement des situations bien moins anciennes dans des milieux similaires :

« La direction de la LCR était tellement fermée sur elle-même et soucieuse de ne laisser aucune place à notre minorité qu'elle refusa les sept petits amendements sur la situation française en expliquant... qu'elle y était favorable, mais que, la minorité ne les déposant que pour « se compter », elle les refusait expressément. Dialogue de sourds. Chacun sait, technique de débat oblige, qu'une majorité qui intègre des amendements supprime des polémiques inutiles, surtout si elle se déclare en accord avec, et qu'une majorité qui les refuse sans raison crée un climat interne épouvantable en désignant du doigt les minoritaires, en les mettant au ban de l'organisation, en les méprisant. » [p382]

"gauchisme juvénile"

Filoche – c'est sa version des faits – se lasse de ce gauchisme juvénile (c'est ça qu'on appelle un pléonasme?). Ainsi par exemple, la fameuse attaque du meeting d'Ordre Nouveau du 21 juin 1973 par la Ligue Communiste a contribué à la légende de cette organisation. Voir flics et fascistes défaits ''militairement'' n'est pas pour nous déplaire, certes. L’événement a attiré de nombreux nouveaux militants, séduits par cet aspect aventurier. La Ligue a été quelques temps la « star » des groupes d'extrême-gauche. Mais au delà de çà ? Quel bilan en terme de construction d'un parti tourné vers les masses ? Quel impact dans les débats de la société française ? Pas grand chose...

Filoche – toujours selon lui – se lasse des blocages de la direction de la LCR, de ses errements (un coup on drague LO, un coup on veut se marier avec le PSU, on se présente aux élections puis on ne s'y présente plus...) et c'est le drame : sa tendance part au PS. Avant de partir, il écrira ce beau texte qui résonne favorablement à nos oreilles d'anarcho-droitiers :

« Janvier 74... il a été question de détruire le mausolée de Lénine à Moscou. Hélas, ce n'est pas encore fait, ils n'ont pas encore osé.Quel dommage ! La notion même de mausolée, cet embaumement artificiel transformant le révolutionnaire en icône, était en soi un crime contre les idées de Lénine. Celui-ci pressentait ce triste sort lorsqu'il racontait, à propos du destin de Marx, qu'après leur mort on tente de convertir les chefs révolutionnaires en momies inoffensives. Lénine était aussi hostile au changement de nom des villes. Sa femme, Kroupskaïa, protesta contre ''toutes les formes de révérence externe'', cérémonies, baptêmes et monuments- et affirma dans La Pravda que la seule façon d'honorer sa mémoire était de construire « des crèches, des jardins d'enfants, des maisons, des écoles, des bibliothèques, des centres médicaux, des hôpitaux, des hospices » et de mettre ses principes en pratique. Dans Ma vie, Léon Trotski parle de « mausolée indigne de la conscience révolutionnaire et offensant pour elle » : « On cessa de considérer Lénine comme un dirigeant révolutionnaire pour ne plus voir en lui que le chef d'une hiérarchie ecclésiastique » [p435-436].

Gérard Filoche a beau avoir passé vingt ans au PS pour finalement se faire jeter de manière assez dégueulasse, on ne peut pas lui reprocher d'avoir renié ses idées pour une place, comme d'autres. Infatigablement, il répétait ses discours d'une gauche optimiste et radicale au Bureau National du PS, tandis que les autres membres jouaient à Candy Crush. Il reste un anticapitaliste qu'il est bon de lire et écouter.


*Dans sa propre biographie, Ça te passera avec l'âge, Krivine n'évoque Filoche qu'une fois, en un paragraphe lapidaire : « Malgré ses qualités, Gérard Filoche a, par fractionnisme exacerbé, détérioré les débats partout où il est passé. Nos rapports personnels étaient très mauvais... »
 
Filoche, Gérard ; Le social au cœur- mai 68 vivant ; L'Archipel, 2018

jeudi 19 juillet 2018

Il organise une crémaillère, son parti l'exclut.

Par Jean-Paul

On ne rigole pas avec les luttes au Nouveau Parti Anticapitaliste. Florian, un de ses militants depuis 2009, en a fait les frais la semaine dernière après avoir organisé une crémaillère avec ses amis. Devant une telle légèreté, le verdict est tombé, le NPA l'a aussitôt exclu de ses rangs.


Il n'en revient toujours pas. Le jeune trentenaire revoit encore cette réunion de juillet 2018 : « le copain chargé des cotisations à demandé à voir ma carte d’adhérent. Il l'a prise, l'a déchirée en petits morceaux, l'a jetée par terre et a sauté dessus à pieds-joint en poussant des petits cris hystériques. » La raison de cette accès de fureur lui sera expliquée quelques instants plus tard, en cause : sa pendaison de crémaillère, deux jours plus tôt. « J'ai pris un studio en centre-ville, reprend Florian, et pour remercier les potes qui m'ont aidé à déménager, j'ai acheté des bières et des chips. On a passé un peu de musique, on a joué au Time's up et au Loup Garou, c'était sympa quoi ? »

Mais cela n'est pas du goût de la section locale du NPA. Alerté par l’événement Facebook publié par Florian, les militants sont unanimes : « Ce type n'a plus rien à faire chez nous, s'indigne Cricri, perdre son temps à gérer toute une intendance pour un motif aussi futile pendant qu'on essaie d'organiser les luttes, c'est irresponsable ! ». Une autre militante renchérit :  « on a vu les photos qu'il a publié sur les réseaux sociaux. Tandis qu'à Gaza quatre enfants sont encore morts la semaine dernière dans les bombardements, lui il s'affiche tout sourire, dans son T-shirt Homer Simpson, avec une bière à la main, c'est indécent ! »

Philosophes, les militants du NPA tirent des conclusions de cette douloureuse expérience :  « On pensait avoir été clairs pendant la Coupe du Monde, mais y a toujours des petits malins qui font de la provocation. Va falloir modifier nos statuts pour mentionner clairement que nous n'autorisons pas tous ces débordements : pas de sourires, pas de tenues trop flashy, pas d'utilisation de smiley joie etc...

La lutte contre le capitalisme est à ce prix-là.

vendredi 13 juillet 2018

Vérification expérimentale d'une étude en test d'observation scientifico-politique.

Laboratoire du courant anarcho-droitier

lieu tenu secret

vendredi 8h14

Léandre et Gros Bébert pénètrent dans une pièce blanche bardée d'appareils électroniques. En son centre trône une cage en verre. A l'intérieur un homme somnole. Jean-Paul, en blouse blanche et charlotte sur la tête, se tient dans l'angle de la salle, compulsant des notes sur son portable. 



Jean-Paul relevant la tête : ah ! Salut Camarades ! Enfilez vos tenues et rejoignez-moi ! Vous allez m'aider pour la phase 2 de l'expérience.

Léandre : c'est quoi l'expérience ?

Gros Bébert : c'est obligé la charlotte ?

Léandre : c'était quoi la phase 1 ?

Gros Bébert : sérieux, c'est vraiment obligé la charlotte, j'suis chauve !

Jean-Paul : nous travaillons ici, vous le savez, sur les moyens de communication politique envers les masses. Quel est le meilleur message à appliquer pour que la classe ouvrière rejoigne notre lutte émancipatrice et écosocialiste ? J'ai testé sur le patient que vous voyez ici divers discours qui me semblent les plus objectivement clairs et fédérateurs. J'ai commencé par lui expliquer, avec des mots simples, la baisse tendancielle du taux de profil. Le patient semblait m'écouter car il hochait la tête poliment, puis il s'est mis à pianoter sur son smartphone : échec.

Gros Bébert : la blouse blanche est pas à ma taille, c'est pas grave, j'vais garder mon Harrington.

Jean-Paul : j'ai donc poursuis sur un ton un peu plus sportif en lui expliquant le système des tendances au NPA. Je me disais que cette saine compétition démocratique émoustillerait son intérêt. Là encore, passé trente secondes, il a ouvert L’Équipe : échec.

Léandre : on peut fumer ici ?

Jean-Paul : non ! J'ai même essayer l'humour comme le préconisaient les fondateurs de ce blog. Je lui ai fait une blague qui faisait fureur au dernier congrès de Lutte Ouvrière. J'vais vous la dire, tenez-vous bien. Il pouffe. Monsieur et Madame Gakautsky ont un fils, comment s'appelle-t-il ? Hein ? Hein ? Comment il s'appelle ?

Gros Bébert : Arlette ?

Léandre : Kevin ?

Jean-Paul : mais non ! Réné ! Parce que Réné Gakautsky ! Il éclate de rire et se tape sur les cuisses.

Léandre et Gros Bébert : …

Jean-Paul : « le renégat Kautsky », la brochure de Lénine en 1918 !

Léandre poliment : aaaah !... et le patient n'a pas ri ?

Jean-Paul : non, j'y comprend rien : échec !

Gros Bébert ironique : en effet c'est curieux !

Jean-Paul : n'est-ce pas ? C'est pour ça qu'on passe à la phase 2 ! Camarades, le patient est à vous !

Les deux compères se rapprochent de la cage en verre qu'ils tapotent doucement. Le patient se réveillent et leur fait un sourire amical.

Léandre : bon, mon p'tit père, on va pas y aller par quatre chemins, la semaine prochaine y a une manif pour les cheminots et les services publiques, tu dois en être...

Gros Bébert : attend Léandre, regarde un peu ce qu'il porte ce bouffon, un maillot de l'équipe de France de foot !!! Ah ça me dégoûte, un supporter !

Léandre : t'as pas honte d’arborer des symboles nationalistes ?

Le patient : ben moi j'aime bien le foot …

Gros Bébert : avec tout le pognon dépensé dans le foot on pourrait abolir la faim dans le monde. Tu t'en fout des enfants qui meurent ? Gros Beauf !

Léandre : putain mais mec ! La coupe du Monde en Russie ! Ça cautionne une dictature ! Poutine tue des journalistes, ça te choque pas ?! T'as rien dans le crâne ou quoi ?

Le patient : c'est juste l'occasion de passer un bon moment avec mes copains. Pour la finale, j'ai prévu de me déguiser en Astérix et mon pote, lui, il sera en …

Gros Bébert : et voilà, ça pense qu'à faire la fête, picoler et manger du Nutella pendant que Macron va supprimer la Sécu! Pays de merde ! Les français sont des veaux !

Léandre : du pain et des jeux ! C'est le pathétique cirque médiatico-hystéro-nationalo-financier (sic). La bourgeoisie a tout compris. Et vous, vous êtes tout juste bon à beugler comme des décérébrés devant la tv et des millionnaires ahuris et des pseudos matchs truqués organisés et commentés par des blaireaux mi-racistes, mi-réacs tout juste bon à nettoyer mes chiottes (sic).

Gros Bébert soudain plus amical : bon alors ? Tu viens à notre manif la semaine prochaine ?

Le patient : euh... j'vais y réfléchir. Faut que j'y aille ! Au revoir messieurs !

Il sort de la cage puis de la pièce.

Léandre : on s'est pris un vent, non ? Qu'est-ce qu'on a dit de mal ?

Jean-Paul : vous voyez ? C'est in-com-pré-hen-sible !

Gros Bébert : j'comprend pas, tous nos arguments étaient justes ! C'est les gens qui sont cons ?

Jean-Paul : courage camarades ! Poursuivons les recherches, un jour peut-être on trouvera...


mercredi 27 juin 2018

Un aller simple pour Pyramiden

Et ça recommence ! A chaque fois c'est pareil ! Ils ne peuvent pas s'en empêcher ! Luky Luke ne va pas sans les Dalton, Spirou sans Zorglub, Astérix sans les romains, le foot ne va jamais sans les anti-foot.

Nous qui n'aimons ni le foot ni les aristocrates, subissons la double peine, tabassé d'un côté par les commentaires sportifs et de l'autre par les jérémiades des copains militants pourfendeurs du sport-opium-du-peuple-qui-ferait-mieux-d'aller-en-manif.

Oui sans doute, les coupes du monde prennent une place disproportionnée dans l'actualité. Oui, y a trop de pognon qui circulent en haut de l'échelle sportive. Oui, y a des abrutis qui prennent un peu trop à cœur la compétition au point d'aller tuer celui qui ne porte pas le même maillot.

Mais on préfère voir le verre à moitié plein. C'est marrant et touchant à la fois de voir ces gens s'enthousiasmer, trépigner, pleurer ou s'embrasser à propos des exploits de leur équipe. C'est rigolo de voir ces individus déguisés n'importe comment. C'est presque émouvant de remarquer que beaufs et bobos ont alors une langue commune et se retrouvent dans les stades.

L'anti-foot nous interroge aussi.

Traiter les supporters de moutons, d'abrutis, de décervelés, n'est-il pas paradoxal quand on prétend militer pour le peuple. Ce peuple doit-il ressembler trait pour trait aux militants anticapitalistes et s'épanouir uniquement sur des textes de congrès de groupuscules révolutionnaires ? Ou bien ce peuple a-t-il le droit de se rassembler, de s'émouvoir, de se passionner pour des événements de son choix ? C'est ignorer également que le foot n'est pas monolithique et a une histoire populaire et politique d'une grande richesse. D'autres militants, moins arrogants, se sont penchés sur cette question.



Pourquoi militer si on méprise le peuple ?

Oui pourquoi aucune tolérance au grotesque jovial et inoffensif du foot ? Si tel est le cas, nous vous proposons d'arrêter d'essayer de rendre le monde meilleur pour des gens vulgaires qui boivent de la bière en gueulant devant des matchs. Regroupez-vous et partez sur une île construire votre cité idéale où les ballons seront proscris. Pas une île tropicale, la mer chaude et et le sable fin risquerait de détourner certains de leur sacerdoce. Nous avons pensé pour vous à l'île de Spitzberg en arctique, dont la ville fantôme de Pyramiden accueillera vos aigreurs révolutionnaires. Un buste de Lénine est déjà sur place. C'est le site idéal pour ne pas se mélanger avec des gens qui n'ont pas les mêmes goûts qu'un fier et noble curé rouge.

agadez comme c'est joli Pyramiden !


Pour notre part, même si un coup-franc ou un hors-jeu ressemblent à des mystères ésotériques, on tentera de se taper l'incruste dans un bar ou chez des copains, pour l'ambiance, l'alcool et les blagues graveleuses sur les adversaires. On va se marrer et ce sera toujours ça de pris.

dimanche 13 mai 2018

Va ranger ta chambre p'tit con !

Et c'est valable pour toi aussi branleuse !

Les facs sont évacuées par les flics les unes après les autres. La phase suivante, pour les présidents d'université est de montrer aux médias dans quel état déplorable les étudiants et les étudiantes ont laissé les lieux afin de décrédibiliser leur lutte. En découvrant le souk que ça peut être à Tolbiac ou au Mirail, on peut dire que la manœuvre leur est souvent facilité.

Alors oui, les dégâts chiffrés sont très certainement exagérés par les présidences soucieuses de se poser en victime ; alors oui, les CRS ont certainement pas mis les patins avant d'entrer dans les amphis ; alors oui le départ précipité des étudiants ne leur a pas permis de terminer le ménage ; mais quand même... c'est-quoi-ce-putain-de-boxon dans les facs ?

On ne voit jamais d'usine occupée transformée en déchetterie par leurs propres ouvriers en lutte, peut-être parce que ceux-ci ont terminé leur crise d'adolescence. Pour leur défense, les étudiants expliquent qu'ils ont « bien redécorés les murs de peintures de textes et d'illustrations »... Alors, les grugrus regardez bien les images ci-dessous : à gauche voici un mur redécoré, et ça a de la gueule en effet ; à droite voici un mur salopé. Prenez tout le temps qu'il vous faudra pour bien saisir les nuances. 


Pourquoi donc donner des arguments au camp d'en face ? On sait pertinemment que la moindre canette abandonnée, le moindre graffiti sera exploité pour dévaloriser la lutte des étudiants et occulter leurs revendications au profit d'une condamnation larmoyante des « dégradations ». Qu'est-ce que c'est que cette définition d'une fac ouverte où on peut chier sur les murs ? Où des branleurs qui vivent chez papa-maman trouvent enfin un lieu pour s'arsouiller la gueule ?

Ça parle charge mentale et déconstruction des genres et c'est pas foutu de passer la serpillière ? On nous rétorquera que c'est la liberté de chacun, que le désordre c'est la vie, qu'on est pas dans une caserne, etc... bullshit ! Le problème est similaire aux blacks blocs. Ceux-ci s'incrustent dans une manif pour imposer leurs méthodes de lutte et en excluent de fait ceux qui ne veulent pas les assumer, notamment les familles. Quelques phacochères s'incrustent dans les facs, imposent leurs mode de vie et en excluent les étudiants et étudiantes qui n'ont pas envie de vivre dans la crasse et avoir à gérer des poivrots. Alors qu'il serait aussi simple pour les premiers d'aller péter des vitrines à l'opposé des manifs, et pour les seconds d'aller squatter un entrepôt ou des bureaux vides.

Quels sont nos conseils ?

Il se trouve que l'auteur de ces lignes a participé jadis à l'occupation d'une fac de province, lors de la glorieuse lutte contre le CPE en 2006. Après une semaine de picoles, de dégradations et de vols, l'assemblée générale étudiante vota l'interdiction pure et simple de toute consommation d'alcools et de drogues à l’intérieur de l'université. Même la loi Evin sur le tabac devait être respectée, on fumait à l’extérieur des bâtiments. Punks à chiens, clodos et personnes instables psychologiquement n'étaient pas acceptés. Certains ont chouiné que la fac devait être ouverte à tous et que c'est plus sympa de discuter avec une bière et un p'tit pétard. Si le règlement les démotivait, c'est que ce n'était pas les militants les plus intéressants (et les plus motivés).

Eh ben vous savez quoi ? On ne passait pas pour des guignols même auprès de nos adversaires, et la fac fut une de celles occupées le plus longtemps (six semaines d'affilé). Ne pas avoir de gens bourrés à gérer tous les soirs, c'est vachement reposant et ça laisse du temps pour faire du ménage. Et le ménage aide à l'introspection, essayez vous verrez. Une heure de ménage vous procurera une dose d'endorphine similaire à une activité sportive, vous offrant une sensation de bien-être voir même d'euphorie. Ceci vous mettra dans d'excellentes conditions pour élaborer plans de mobilisations, discours et argumentaires en faveur de vos luttes.

Ainsi une fac occupée et ouverte n'est pas nécessairement synonyme de vie bordélique. Un étudiant choqué par les dégradations n'est pas nécessairement un affreux réactionnaire. Aussi, on prend soin de son lieu de travail et on l'entretien durant tout le temps où on en a la responsabilité, c'est à dire durant les occupations. Il n'est pas interdit bien sûr de faire la fête et de se déchirer la tête si on en a envie, mais dans ce cas, on rentre chez soi pour le faire, et on revient une fois qu'on a décuité et qu'on a pris une douche. Chacun doit se sentir à l'aise et se reconnaître dans la mobilisation. L'objectif, en manif comme en occupation, n'est-il pas de rassembler le plus de monde possible et de ne pas offrir de failles à nos adversaires ? Ainsi se gagne la bataille de l'opinion.

Alors au boulot et n'oubliez pas les chiottes.


samedi 5 mai 2018

Le système capitaliste profondément ébranlé après la destruction de la vitrine du McDo de Paris Austerlitz.

Vent de panique dans les milieux d'affaires du monde entier. La redoutable attaque des Blacks Blocks contre l'un des symboles de l'exploitation capitaliste et de la mal-bouffe a fait l'effet d'une bombe thermonucléaire. Bourgeoisies et gouvernements semblent tétanisés par cette vague révolutionnaire.

Le Palais de l’Élysée a des allures de Versailles au lendemain de la fuite de Varennes. Le président Macron a en effet préféré mettre le plus de distance possible entre lui et les forces rebelles, telle est la seule explication plausible à sa présence en Australie. « Si ça suffit pas, il nous reste notre base en Terre Adélie » nous confiait en ricanant nerveusement une source anonyme.

Même inquiétude parmi le grand patronat. M B..... chef d'entreprise et membre du Medef tentait d'oublier dans l'alcool l'écroulement de son monde. « Un concessionnaire Renault attaqué, vous imaginez ?! » s'indignait-il en descendant une nouvelle coupe de champagne. « Ça commence comme ça et ça finit avec les chars vénézuéliens qui remontent les Champs Élysées, bou là là j'ai peur !»

Comment les Blacks Blocks vivent-ils leur vie de combattants de la Liberté ? Nous avons retrouvé deux de ces valeureux guérilleros des temps modernes en train de reprendre des forces attablés dans un KFC. Léandre et Gros Bébert faisaient partie de la première vague d'assaut, celle qui neutralisa un guichet automatique boulevard Saint-Marcel.

« Faut faire vachement gaffe au début – nous explique Gros Bébert – comme la vitre est encore solide, les pavés risquent de rebondir dessus et on peut se les prendre dans la gueule, plus d'un bleu-bite s'est fait avoir comme ça, c'est chaud ! »

« Faut pas partir non plus la fleur au fusil – conseille Léandre- la guérilla urbaine ça demande une préparation physique et un minimum d'équipement. Combien de camarades ont dû abandonner le champs de bataille parce qu'ils avaient oublié leur ventoline ! »

L'un comme l'autre récuse tout effet de mode.

« Ça fait très longtemps que je suis engagé dans les luttes radicales, nous raconte Léandre. Déjà au lycée je gravais sur les tables des A cerclés et des gros zizis. Je m'étais d'ailleurs fait coller par Madame Chombier, la CPE. J'avais dû décoller tous les chewing-gums sous les chaises. C'est là que j'ai pris conscience de la violence de la répression des institutions bourgeoises. Plus tard j'ai longuement étudié la fiche Wikipédia sur la Guerre Populaire Permanente de Mao, j'ai politisé ma colère... »

« Moi j'ai commencé à me battre dans les tribunes entre supporters de foot, se souvient pour sa part Gros Bébert. Cette adrénaline qu'est-ce que c'était bon ! Et puis, allez savoir, j'ai dû vieillir. Finalement les coups de tonfa, maniés par des professionnels, ça fait mal mais c'est moins dangereux qu'une barre de fer ou un tesson de bouteille manié par un type bourré. »

Tous deux réfutent également l'idée de parasiter les mouvements sociaux.

« On est sur deux stratégies différentes, il faut se garder de tout jugement de valeur. Les syndicats c'est juste des gros mous qui cassent les luttes explique Léandre mais nous on est solidaires des autres... là... les routiers. On voulait pas masquer leurs revendications, on voulait juste que les médias parlent de nous en priorité »

« Après faut pas nous emmerder précise Gros Bébert, y a un mec de la CGT qui m'a traité de facho violent, ça m'a trop vexé, j'lui ai collé une tarte. Plus tard, vu que j'y voyais pas grand chose avec mes lunettes de ski, c'était plus facile de viser les syndicalistes avec leurs chasubles rouges ou fluo... c'est vrai que je me suis fait plaisir...


Ces récits sont captivants mais seront bientôt de l'histoire ancienne. Encore quelques abris-bus à détruire et le modèle de domination capitaliste sera irrémédiablement mis à terre.

black block

dimanche 29 avril 2018

Attention aux courants d'air

Ding-Dong !

Flanders : Voili-voilà... ah ! Monsieur Van Houten entrez je vous prie.

Van Houten : merci... mais dites-moi c'est très mignon chez vous, je ne pensais pas que des gens de gauche étaient aussi ordonnés.

Flanders : nous ne sommes pas tous des punks à chiens comme peut le dire votre présidente.

Van Houten : allons allons, vous savez bien que ce n'est que de l'invective politique... je vous ai apporté des bonbons... il fait un clin d’œil...les fleurs c'est périssable.

Flanders : et il cite le Grand Jacques Brel ! Nous voilà un point commun.

[TWEET voilà un point commun entre nos deux formations]

Van Houten : peut-être en trouverons-nous d'autres d'ici la fin du débat ?

Flanders : Ne croyez pas que nous serons indulgents même si vous êtes notre invité. Nous allons démonter sans concessions vos arguments. Après Asselineau sur la Radio Insoumise et Marianne Duranno dans Le Média, c'est à votre tour de passer dans Le Blog Mutin...

Van Houten s'installant dans un canapé sans y avoir été invité : ouais ouais ! Mais dites, j'espère que ça ne vous a pas causé d'embêtements ce ''débat contradictoire''.

Flanders : pensez donc ! Comme je dis toujours, il vaut mieux débattre qu'exclure. Et puis vous êtes le seul invité de ce bord pour cinq chroniqueurs de gauche, alors hein bon quoi voilà...

Gros Bébert : quatre chroniqueurs, moi j'me casse ! On peut pas se faire péter la gueule dans un amphi de Montpellier et ''débattre'' entre esthètes quinze jours plus tard... Vous avez beau rester majoritaire, quand y a une merde sur un tapis, y a plus de tissus que de matière fécale mais c'est l'étron qui retient notre attention ! No Pasaran ! Il sort et croise Léandre accompagné d'un autre individu.

Léandre : Salut la compagnie !

L'individu : Salut bande de kouffars !

Flanders : Léandre ? Qui est ce monsieur ?

Léandre : ben j'fais comme toi, j'invite des gens avec qui j'suis pas d'accord sur tout, pour le débat, l'ouverture, tout ça, donc voici Kermit Abou Teldja

Kermit : et naturellement rien dans votre ordre du jour sur l'impérialisme gay ! Ça c'est bien l'extrême-gauche blanche obsédée par son lexique anticapitaliste !

Flanders : Que... qu'est-ce à dire ?

Kermit : mais enfin ouvrez-les yeux ! C'est évidement que l'Occident tente d'importer son idéologie homosexuelle pour transformer nos fiers mâles indigènes montés comme des poneys en artisans coiffeurs.

Van Houten : j'aime bien cette idée d'Occident décadent !

[TWEET discussion très intéressante sur l'impérialisme gay]

Kermit : allez les toubabs on se détend ! Il se dirige vers la chaîne hi-fi et y branche sa clé USB. Une musique retentit bientôt

« Shoananas ! Sho Sho Sho ananas.. ! »

[TWEET chaude ambiance sur le blog #humour]

Flanders : alors je ne comptais pas faire le censeur mais là ça va trop... il est interrompu par l'arrivée d'une autre personne

Krystel : Krystel avec un K !Moi j'suis désolée mais si les deux gugusses ont le droit à la parole, moi aussi j'exige un droit de réponse ! Regardez-moi cet aréopage patriarcal ! Pour commencer, moi j'crois que le plus urgent c'est de continuer ce débat en écriture inclusive et bilingue, sinon moi j'me casse !

Flanders : bah, au départ on vous avait pas invité mais bon, puisque vous êtes là... c'est quoi ce bruit dans le couloir ?

Léandre : c'est les voisins et Gros Bébert qui font une manif anti-fa. Ils disent que ça pue ici.

Flanders : mais... ils sont pénibles...

[TWEET Les anti-fa sont pénibles, ils gênent la bonne tenue des débats démocratiques]
[TWEET Les fascistes d'aujourd'hui seront les antifascistes de demain #churchill #ouvrezlesyeux]

Flanders : mais... Patrick ? C'est toi qui tweete toutes ces conneries ?

Patrick : ben quoi ? Tu m'as dis de faire des comptes-rendus. On a vachement de succès !

Les gens continuent à entrer. Un brouhaha couvre le moindre ''débat'' :

- y sont vegans les bonbons ? 
- oui mais attention y a des morceaux de gluten dans la bière...
- toi avec ta moustache qui sent la bite tu dois être un agent de l'homo-racialisme...
- salut ! C'est ici le squat des punks à chiens ? Couché Anarkia !
- Tarik Ramadan est un prisonnier politique... 
- E que s'appelerio Quezac
- Bonjour ! Vous connaissez l'UPR ?
- Nous on nous a dit que c'était une soirée déguisée...
- Vous pouvez m'indiquer où sont les toilettes sèches transgenres ?
- Qui n'a pas signé la pétition contre le 80 km/h ?
- et les vaccins ? On en parle des vaccins ?
- Poutine ça c'est un mec qui me fait bander !
- un peu de silence s'il vous plaît ! y en a qui réécrivent la constitution ici !
- si les cheminots mangeaient moins de viande, on en serait pas là...
- mais arrêtez de tout mélanger !
- Non toi arrête de m'oppresser !

Sur le balcon, Guillaume et Léandre sont sortis fumer :

Léandre : on t'a pas entendu. Ça t'inspire une conclusion ?

Guillaume : ben là comme ça je dirais... qu'à trop ouvrir, faut faire attention aux courants d'air.

Léandre : tu peux me repasser ton feu s'te plaît ?