samedi 12 décembre 2015

Régionale fais moi mal !

Le sacrifice, oui mais pour les autres.

Trois militants de gauche sont assis en terrasse et discutent (ce sont donc des résistants depuis le 13 novembre) quelque part dans le sud de la France, à Toulouse ou Montpellier, allez-savoir...

Gros Bébert : moi j'suis viscéralement antifasciste, la preuve mon grand-père était au maquis.

Léandre : ouais moi aussi, grave, c'est une question fondamentale !

Gros Bébert : avec cette vermine faut pas prendre de gants, tous les moyens sont bons pour les réduire au silence, « by any means necessary, par tous les moyens nécessaires » comme disait Malcom X...

Léandre : ouais c'est pas des partis comme les autres, les fafs, le fascisme c'est comme la gangrène, on l’élimine où on en crève.

Gros Bébert : de toute façon on finira par en venir aux armes, y'aura pas d'autres solutions, et ce jour-là je serai en première ligne sur les barricades !

Léandre : « peuple armé, peuple respecté », moi aussi, s'il faut se salir les mains, s'il faut faire des trucs crades, je les ferais, No pasaran !

Le troisième militant : du coup ce week-end au deuxième tour des régionales, on vote PS pour faire barrage au FN ?

Gros Bébert : quoi ? T'es pas fou toi ? Voter PS après toutes les saloperies qu'ils ont faites ? Jamais !

Léandre : je reconnais bien là l'opportunisme de ton mouvement droitier, mettre un bulletin de vote d'un parti austéritaire et policier ? A condition d'écrire dessus « Macron démission » pourquoi pas...

Gros Bébert : j'me suis juré de plus jamais voter pour ces socio-traitres. Jamais je me compromettrai avec eux !

Voici l'aspect quelque peu comique des postures antifascistes purement verbales de nombreux curés rouges. Ils gueulent à longueur temps qu'ils luttent contre l'extrême-droite et le jour où ils ont l'opportunité de leur barrer la route, ils ont pu envie…

Je vis dans la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon où les résultats du premier tour des régionales ont donné : Louis Aliot pour le FN à 33 %, suivies de Carole Delga PS 24 %, Dominique Reynié pour la droite 18 % et Gérard Onesta, pour lequel j'ai fait campagne, Front de Gauche EELV Occitanistes etc à 10 %.

J'avoue que lundi matin j'étais sur la position du personnage de Léandre : ne pas cautionner la politique du PS et mettre un bulletin avec un slogan politique écrit dessus dans l'urne. Je l'ai fait savoir sur les réseaux sociaux. Et puis j'ai réexaminer les résultats. Si tous mes camarades m'imitaient, le FN pourrait prendre les commandes de la région. Passé l'étourdissement de savoir que nos votes étaient déterminants (avouons que ça n'arrive pas tous les jours), je me suis interrogé. Est-ce qu'une mandature d'extrême-droite serait pire qu'une mandature sociale-libérale ? Après tout, je suis un homme blanc, majeur, hétérosexuel, de classe moyenne comme à peu près (à la louche) 75% des gauchistes de ce pays. Si je me fais discret, je ne serai pas la première cible de l'extrême-droite normalisée. Sauf que tout le monde n'a pas le même profil social que moi. Si j'étais prêt à prendre des risques pour conserver une pureté politique, pourquoi devrais-je entraîner avec moi des catégories de populations (femmes, homosexuels, immigrés, chômeurs, artistes...) qui n'ont rien demandé et qui seraient bien plus menacés que moi ?

J'ai donc changé de position (et cela correspondait à la position de ma liste) et je l'ai à nouveau fait savoir sur les réseaux sociaux. Réseaux sociaux qui, du côté des militants de gauche, s'étaient transformés -une fois de plus – en un délicat mélange entre une discussion de salon et... LA GUERRE DU VIETNAM ! Évidement j'ai sauté dans la mêlée générale et j'ai repris les polémiques avec les curés rouges mais néanmoins camarades.

Deux choses me gênent chez certains. D'abord leur ignorance, vraie ou simulée, de ce qu'est l'extrême-droite et de son rapport au pouvoir. S'il y a bien un courant qui utilise le « by any means necessary » c'est celui des fachos. Mensonges, calomnies, manipulations sont déjà des pratiques classiques du clan Le Pen. Quand le rapport de force leur devient très favorable, ils peuvent y ajouter le meurtre. Cette ignorance peut se réparer en lisant quelques bouquins ou en voyageant dans des pays dirigés par l'extrême-droite comme la Russie ou Israël (deux modèles pour le FN, c'est eux qui le disent).

Ensuite c'est l'abstraction que font les militants révolutionnaires des difficultés que vont rencontrer les minorités et les classes populaires sous une mandature d'extrême-droite. Oui, les plus faibles vont en chier, des assos vont fermer, des aides vont être supprimées, des personnels de collectivités vont être harcelés. Sur ces questions les camarades qui ne voteront pas demain ne me répondent pas. Ils préfèrent me faire le bilan du PS (même si je suis pourtant d'accord avec eux) et me parler de politiques-fictions où le FN s'écroulerait en quelques mois, incapable qu'il serait de gérer des collectivités. Même si je croyais à cette fable, je n'irai pas sacrifier les plus vulnérables pour le plaisir d'avoir raison.

Alors oui, j'ai envoyé des fions toute la semaine à mes amis gauchistes, je me suis parfois énervé et j'en ai énervés quelques-uns. J'aurai pas dû. Car nous sommes tous sonnés, on avait beau s'y attendre, c'est comme un coup de poing dans la gueule, on est sous le choc, on tente quand même de se relever et de chercher une parade en urgence mais on a des acouphènes dans les oreilles et des mouches lumineuses devant les yeux. Chacun fera ce qui lui semble le plus juste. Il faudrait seulement éviter de se diviser encore plus, en raison des nombreux combats qui nous attendent, quelque soit le résultat de dimanche. 

eux au moins, ils font ça pour s'amuser


PS : cette analyse est valable pour ma région, même si ça nous écorche la gueule de faire ne serait-ce qu'une infime nuance entre PS de l’État d'Urgence et FN. Ailleurs, et notamment lorsque le choix doit se faire entre FN et droite décomplexée, ben...désolé vous êtes foutu...

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