mercredi 17 août 2016

Où il est question de vikings cabotins, de nonnes militantes et de quelques autres élèments pseudo-historiques. 2/3

Le navire d'Erlendur s'éloigne de la côte. Au loin on aperçoit d'épaisses fumées s'élevant de l'endroit où se situe le couvant. L'incendie n'est pas un acte gratuit, c'est une vieille technique de pillards : tandis que les autochtones s'empressent de lutter contre les dégâts du feu, personne ne s’occupe de poursuivre les responsables.

Les hommes rament vigoureusement, tout surpris encore de la facilité avec laquelle ils se sont emparés des richesses du couvent. En plus d'or et d'argent, les hommes du nord rapportent des victuailles et quelques tonneaux de vin. Un groupe de nonnes, assises entre les bancs de rames, figurent également au butin. Avec d'autres vêtements que ces austères bures, on en tirera un bon prix comme esclaves de maison. Pour le moment, les vikings, restés de grands enfants, leurs chantent des chansons paillardes apprises dans les ports de Francie.

Erlendur-le-penseur et Varg-le-fougueux se sont installés à la poupe du langskip. Erlendur s'est approprié un crucifix en or. Mis à l'envers en pendentif, cela fait un très joli Marteau de Thor. Varg, quelque peu éméché, sirote du vin dans un calice incrusté de gemmes.

Varg : sans déconner ! J'ai jamais vu un raid aussi facile que celui-là ! Au moins quand on attaque un village, les bouseux prennent la peine de courir dans tous les sens. Ici rien ! Une fois la porte défoncée, les gonzesses étaient à genoux les mains jointes à chanter des trucs en latin. Y en a qu'ont résisté de ton côté ?

Erlendur : je sais pas si on peut appeler ça « résister », y a une vieille qui m'a jeté des gouttes d'eau avec un goupillon, j'ai pas compris...

Varg : on a beau être riche, c'est pas avec ces faits d'armes qu'on ira au Valhalla.

Varg se penche vers une nonne un peu plus âgée que les autres, qui marmonne des prières depuis le départ du couvent.

Varg : ta gueule la vioque ! T'en a pas marre d'invoquer un dieu qui t'a pas défendue ! Comment on peut encore être chrétien de nos jours ?

Sœur Marie-Arlette : je suis chrétienne depuis mon baptême, la vérité m'a été révélée, ce crucifix que je porte jour et nuit en atteste. Si vous êtes trop brutes pour comprendre qu'il n'y a qu'un Dieu unique, tant pis pour vous, vous brûlerez en enfer !

Varg pouffant: qu'est-ce que c'est que ce charabia ?

Sœur Marie-Arlette : comment osez-vous rire après le sacrilège que vous venez de commettre ? Vous avez volé l'or que de braves chrétiens avaient épargnés après de longues années de labeur pour racheter leurs péchés. La souffrance de votre prochain ne vous émeut pas ? Notre Église, elle, est miséricordieuse !

Varg : tu parles ! L'or stocké dans ton temple ne servait à rien. Il n'avait aucune valeur. Nous avec ça, nous allons acheter des armes, du tissus et des lingots d'argent. Et on va les acheter à tes braves chrétiens francs et saxons. Donc ton or va circuler à nouveau, donc ton pays s'enrichira. Grâce à ton dieu ? Non, grâce à bibi !

Sœur Marie-Arlette : ce qui est vénal est diabolique, c'est écrit dans la Bible. Vous devriez la lire au lieu de vous enivrer, il n'est peut-être pas trop tard pour sauver votre âme !

Varg : ça me servirait à quoi? Moi je suis riche, toi t'es moche, triste et pauvre !

Sœur Marie-Arlette : j'ai fait vœux de pauvreté. J'ai une vie riche et cela vaut mieux qu'une vie de riche.

Varg : tu doutes jamais toi ?

Sœur Marie-Arlette : non car je sais que j'ai raison. Peu importe ce qu'il va advenir de moi. Qu'il soit marqué sur ma tombe que « toute ma vie j'ai eu la foi, même si les barbares l'ignorent ». Le royaume de Dieu sera un jour instauré sur Terre. Ce sera pour votre bien, même si vous ne le savez pas. Jésus est notre sauveur.

Varg se tape sur les cuisses en riant à gorge déployée devant l'inflexibilité de la religieuse. Elle lui rappelle sa vieille tante constipée. Amusé, Erlendur a suivi la conversation. Curieux, il veux encore éprouver le fanatisme de cette bigote.

Erlendur : Jésus ? Combien de cavalerie lourde ?

Sœur Marie-Arlette est brièvement déstabilisée par cette association entre détachement spirituel et pragmatisme militaire. Cela ne rentre pas dans son schéma de pensée. Elle réfléchit à toute vitesse pour trouver une citation de la Bible propre à embrouiller ce païen. Elle va répondre lorsqu'une toute jeune nonne assise à ses côtés lui coupe la parole :

La jeune sœur : on a pas besoin de cavalerie lourde, on aura bientôt la vôtre. Si vous êtes pas la moitié de deux abrutis, vous viendrez d'ici peu manger dans la main de nos évêques.

à suivre …



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