jeudi 9 février 2012

Audacieuse métaphore

- ALERTE ! ILS ARRIVENT !

- Putain, déjà ? On les attendait pas avant demain matin ! Les éclaireurs avaient dit qu’il leur faudrait au moins 5 ou 6 heures de plus pour arriver au gué sur le fleuve.

- Bah ouais mais ils sont là. Et ils sont bien armés, ces cons.

- Bon bah…  A vos postes… Camarade, prend la radio et appelle les renforts...  Restez calmes, on s’est entraînés pour ça, on est préparés, on a des munitions, on devrait pouvoir les contenir en attendant les copains.

(dans le lointain, une colonne d’hommes s’avance, précédée d’un char d’assaut)
 

- Camarade, aurais-tu, je te prie, l’obligeance de bien vouloir me passer le lance-roquette ? Rapport au char d’assaut là…

- Non.

- … euh… pardon ?

- Non, je te passerai pas le lance-roquette.

- Dis, je veux pas paraître par trop autoritaire ni rien, mais c’est pas tellement le moment pour le débat, là. Quand le machin arrivera à portée de tir, vaudrait quand même mieux qu’on soit les premiers à faire feu.

- Ton lance-roquette, il est issu de la production impérialiste d’état, fabriquée dans une usine immonde où les ouvriers sont exploités. C’est dégueulasse, on peut pas utiliser ça.

- …

- On est une armée révolutionnaire, merde, on peut pas se permettre de collaborer à ce genre de choses. Sinon quoi ? On commence comme ça, on finit par se faire acheter par les pourritures d’en face.

- Ecoute, camarade, je veux pas te brimer dans l’expression démocratique de ton ressenti militant, mais on va sans doute tous crever si tu continues tes conneries… ALORS TU ME PASSES LE LANCE-ROQUETTE ET T’ARRETES DEUX MINUTES DE M’EMMERDER !

- Non.

- Mais putain, si on reste là comme des cons, alors que les autres fascistes avancent, on va se faire rôtir comme des lapins de garenne ! T’as quand même pas envie de crever, si ?

- Rien à foutre, je suis prêt à mourir pour mes idées. Et puis, pour être sûr qu’on se salirait pas à utiliser cette machine de mort, j’ai pas pris les roquettes, d’abord.

- Tu… tu… tu quoi ?!?...

(Le sous-officier démocratiquement élu, mandaté et révocable de l’armée révolutionnaire se passe une main lasse sur le visage et souffle très fort.)

- Écoute, camarade… On a presque gagné. Les espions sont formels, c’est leur dernière percée, ils sont presque désespérés. Ils ont même tellement de déserteurs qu’ils ont été obligés d’enrôler des gens de force dans les derniers villages qu’ils occupent… Tu veux les laisser passer tranquillement ?

- Ah bah voilà ! En plus ! Non seulement tu me propose d’utiliser une arme fabriquée avec la sueur et le sang des travailleurs, mais en plus, tu voudrais qu’on assassine des  prolétaires innocents… Ah non mais pas question. Plutôt crever.

- Mais tu VAS crever, s’ils passent, débile ! Si t’es pas éventré par un obus, tu seras pris et envoyé dans un camp de prisonniers ! Tu sais ce qu’ils leur font, aux Rouges, dans les camps de prisonniers ?

- Je me bats pour des principes, camarade. Hors de question de les laisser de côté.

- Bon. Bah on va mourir alors.

- Et puis, d’abord, j’ai lu Lénine moi. Tu crois qu’ils avaient des lance-roquette, en 1917 ? Avec des fusils à baïonnette, ils l’ont faite la révolution. Je te mets au défi, dans tous les écrits révolutionnaires de Lénine et Trotsky, de trouver la moindre allusion à un lance-roquette.

(le sous-officier le regarde, interloqué)

- Donc, tu proposes de dézinguer un char d’assaut au chassepot ?

- Bah non, on en a pas.

- Alors ?

- Alors, bah je sais pas. Mais on utilise pas ce truc.

- Je savais, je savais qu’on aurait jamais dû vous intégrer aux unités combattantes… Vous étiez bien, à éplucher des patates, vous emmerdiez personne…

- Dis-donc, un peu de respect ! Je te rappelle qu’avant la révolution, je me levais tous les matins à 6h00 pour aller differ des tracts devant les bouches de métro ! Même quand il neigeait !

- (On aurait mieux fait de t’y laisser, devant les bouches de métro).

-Qu’est-ce que tu dis, camarade ?

- Non rien. Prend la radio, ordonne la retraite…



8 commentaires:

Anonyme a dit…

Excellent.

Non, pas mieux, EXCELLENT!


Et hop, marques pages.

Couilledebattue a dit…

Vous voulez dire quoi là? Qu'on fait pas d'omelette sans casser d’œufs?


Sinon on peut essayer de faire mourir l'adversaire de rire... ça peut marcher.

Guillaume a dit…

Romain, explique lui toi !

(moi je peux pas maintenant je regarde Question pour un Champion)

Romain (Courant Anarcho-Droitier) a dit…

Ce que le brillant auteur de cette formidable saynète veut dire, c'est qu'à force de purisme dans l'utilisation des armes, on finit par se faire marcher sur la gueule par ceux qui n'ont pas peur de les utiliser, eux.

Message passé à tous les glandus qui trouvent que la comm', c'est sale, qu'internet, c'est pas prolétarien, que l'humour, c'est pas militant, et qu'il faut faire de la pé-da-go-gie comme Lutte Ouvrière.

Voilà, en gros.

Guillaume a dit…

ouais voilà c'est qu'est-ce que j'aurais dit pareil.

Quel talent ce Romain !

SuperCuréRouge a dit…

@Romain: Toi t'as encore discuté avec la LTF ? Ou alors avec la stratégie du phénix ?

Guillaume a dit…

ou alors on pourrait dire que l'on a de très bonnes munitions, des balles de bon calibres, mais qu'on les utilise avec un lance-pierre

pupuce a dit…

z'avez pas fini de jouer à la guéguerre les gars?
on a quoi là? des couillus, des tatoués? la virilité suprême en bandoulière pour faire tomber toutes les dominations sauf celle là?
c'est meugnon.
recrutez de la meuf. ça urge.
^^