mercredi 3 octobre 2012

Brisons les fantasmes de luttes armées

On entend ici où là, lors de soirées entre gauchistes, souvent jeunes mais pas toujours, certains propos qui confèrent au fantasme :
 
- de toute façon, nous dit petit-anarchiste-casse-couilles-pour-vieux, pour faire la révolution il faudra forcément prendre les armes... (tout en parlant il s'échine à ouvrir une bière avec son briquet, il maitrise encore mal la technique mais cela fait tellement plus virile. 

- tout à fait, répond Jean-Paul son interlocuteur, mon cousin qui est militant révolutionnaire au NPA (entendez à la P4) disait pas plus tard qu'au dernier congrès que pour appliquer le programme de son parti ce serait la guerre civile.

-Ils me font bien rire, intervient Gros Bebert ex punk devenu Redskin depuis ses débuts de calvitie, tous ces soi-disant révolutionnaires qui militent pour les élections. Le jour où le peuple arrêtera d'être con et prendra les armes moi je serai au premier rang ! (Gros Bebert oublie de préciser que jusqu'à présent il n'a jamais distribué un tract, ne s'est jamais syndiqué et qu'il préfère s'investir dans son groupe de street-punk néo-métal mélodique) 

-Peuple armé, peuple respecté ! Gora ETA ! conclut petit-anarchiste-casse-couilles-pour-vieux super fier d'avoir enfin réussi à ouvrir sa bière (il glisse néanmoins sa main droite dans sa poche pour dissimuler l'entaille qu'il s'est faite en dérapant sur la capsule)

Dans ce genre de soirée, on croise également toujours une ou deux personnes dont le grand-père a été résistant, a risqué sa vie, voire a tué beaucoup de nazis.

Que l'on soit clair : il n'y aura pas en France de situation du type maquis ou guerre de guérillas (de GPP, nous aussi on a lu Mao). Cela n'arrivera plus, c'est une autre époque. De plus ce serait une absurdité militaire : qu'est-ce qu'on irait foutre à se regrouper dans les montagnes où les forêts, dans des endroits où même le wifi ne passe pas, où il faut creuser un trou à chaque fois que l'on veut faire caca ?


Cette absurdité a malheureusement déjà été commise. En Amérique du Sud, la révolution cubaine dont l'histoire a été mythifié une fois Castro au pouvoir, a inspiré des milliers de jeunes exaltés. Ceux-ci sont partis se planquer dans les montagnes ou dans la jungle en dépit de toute logique. Beaucoup sont morts,soit tués par des commandos mieux entrainés qu'eux, soit n'ayant pas survécu aux conditions de vie drastiques. Alain Labrousse dans son ouvrage sur les Tupamaros s'arrête le temps d'un chapitre sur certaines de ces aberrations. Ainsi le mouvement révolutionnaire d'Uruguay des années 70, bien implanté dans les villes décide un jour de faire comme les cubains. Puisque les maquis ont été efficace à Cuba, les Tupamaros vont le reproduire chez eux. Sauf qu'en Uruguay il n'y a ni forêt ni montagne conséquente, c'est la pampa. Donc les apprentis guérilléros vont passer des mois à construire... des tunnels, pour se dissimuler aux hélicoptères de l'armée. Fiasco total.

Alain Krivine revient aussi sur cette période et cette fascination funeste pour la lutte armée. Dans cet excellent bouquin que l'on vous recommande chaudement, Ça te passera avec l'age, tonton Alain se souvient :

D'une tout autre portée a été la décision du IX e congrès mondial de la IV ème Internationale de soutenir la lutte armée en Amérique latine, à la demande des camarades des sections impliquées qui ne voulaient pas se couper des mouvements de guérilla qui se développaient dans plusieurs pays. En Argentine, par exemple, l'EPR regroupait plusieurs milliers de combattants. C'était l'époque où résonnait encore le message du Che : ''créer un, deux, trois Viêtnam''. L'orientation était discutable. Une forte minorité, composée des sections américaine, australienne et de quelques groupes européens, y était hostile. Aujourd'hui, l'expérience aidant on ne ferait surement pas voter un congrès mondial sur un tel sujet. Jeune délégué, j'étais un peu désemparé de devoir endosser une telle responsabilité. On en connaît le résultat indirect – les dictatures militaires latino-américaines, aidées par les ''conseillers'' américains n'avaient évidement pas attendu les décisions de la IV ème Internationale pour déclencher une effroyable répression : des centaines de camarades assassinés, disparus, torturés, emprisonnés.

Sans aller prendre le maquis, la lutte armée est aujourd'hui un non-sens politique. Faire la guerre, chers petits amis, cela signifie faire des morts. Et nous ne sommes plus dans un jeux vidéo FPS, où l'avatar ressuscite à la fin de la partie, où l'on retrouve une santé complète en capturant une bouteille avec une croix rouge dessus.

Examinons les conflits de l'ère contemporaine :

Au Vietnam, un million de combattants du Nord et quatre millions de civils ont été tués, auxquels il faut rajouter 255 000 soldats et 430 000 civils du Sud, et 58 177 soldats américains.

La première guerre en Tchétchénie aurait causé entre 80 et 100 000 morts dont 5 000 soldats russes, la seconde guerre aurait vue la mort de 4 280 soldats russes et 13000 combattants tchétchènes (estimation basse).

En janvier 2012, Iraq Body Count, qui fonde son analyse sur des données publiées dans les médias, estime que 105 052 à 114 731 civils irakiens sont morts dans les violences, constituées essentiellement d'attentats, et au moins 250 000 civils irakiens auraient été blessés, auxquels il faut ajouter 4 484 morts et 32 226 blessés dans les rangs américains (4 803 morts pour l'ensemble des troupes de la coalition et plus de 36 000 blessés).

Arrêtons-nous un instant sur les guerres en Yougoslavie, pays d'Europe qui aurait pu ressembler à la Suisse ou à la France. On estime entre 200 000 et 300 000 morts le bilan humain des différents théâtres d'opérations sur une population de 23,3 millions d'habitants en 1990. En faisant une équation niveau collège pour ramener ces chiffres au niveau de la population française, une guerre comparable équivaudrait à 515 000 à 772 000 morts.

Les débiles qui se disent prêt à faire la guerre sont donc d'accord pour sacrifier 500 000 personnes au minimum. Belle perspective politique et belle conception du respect de la vie humaine, c'est ça être progressiste pour eux ?

Mais de tels scénarios sont improbables répétons le. Pour se faire une idée de ce que pourrait être un conflit social violent, observons ce qui se passe en Grèce.

Et si jamais, au grand jamais, nous basculions dans un univers parallèle, où les étapes de transitions entre notre démocratie parlementaire cagneuse et un système autoritaire meurtrier étaient franchies en quelques années, où un mouvement social déboucherait sur un conflit armé en France, on ne ferait pas une armée avec des gens qui s'astiquent la nouille en rêvant d'en découdre et qui, soit dit en passant, sont incapables pour la plupart, de faire un 100m sans être essoufflé.

Une telle armée serait organisée autour de gens sérieux et compétents, à savoir des policiers et des militaires (eh oui !) qui seraient de notre côté. Ce qui devrait faire réfléchir les lecteurs de Charlie Hebdo et autres anti-flics. Et si les forces de l'ordre pouvaient être un public-cible des discours de l'extrême-gauche? Ceci est un autre sujet.

Quand aux protagonistes du début de cet article, ils seraient consignés à l'intendance... à moins qu'ils ne soient passés entre temps dans le camps adverse, ça s'est déjà vu.




17 commentaires:

anonyme a dit…

«Et si les forces de l'ordre pouvaient être un public-cible des discours de l'extrême-gauche? Ceci est un autre sujet.»

C'est évident, mais je suis toujours surpris que ca ne soit pas déjà la norme...

"Conquérir les cœurs et les esprits" (bah oui hein...) c'est nous les gentils.



En dehors des fantasmes et autres délires de gens coupés du monde.

Il reste légitime de se demander comment la classe dominante s'y prendrait pour contrer une révolte de la population francaise (on va rester dans ce cadre pour faire simple hein) et puis pourquoi pas sont installation au pouvoir.


La guerre civile toussa et donc la lutte armée, je sais pas pourquoi mais en y réfléchissant deux secondes j'ai du mal a l'imaginer.

Pas ici et pas aujourd'hui (a notre époque, 21e siècle etc, ouai, on est pas en 17).

Déjà qu'ailleurs ca ne prend pas forcément.(amérique latine et pays du printemps arabes ne sont pas rien tout de même comme preuve je crois)

Non la méthode la plus classique toujours c'est l’élimination (d'une facon ou d'une autre, physique pur et simple ou les faire changer de camps, corruption etc) des têtes ou leader.

Raison donc pour ne pas en dépendre, ce qui n'empeche pas d'en avoir, on va appeler ca des portes paroles donc, ce genre de choses, c'est mieux.
Avoir un mouvement et des gens autonomes.


Puis l'embargo, le financement de l'opposition, le mensonges, etc etc

Finalement on sait, en gros, ce qu'il en serait.

Et donc, bon, ouai, "Maquis"? "lutte armée"? => LOL

Ca ca reste valable dans certaines situations d'occupation militaire(et encore, ca appartient peut etre aussi au passé ca), rien d'autre.


Ce qui ne veut pas dire que ce soit impossible(ohhh fontaine je ne...), dans une situation un peu de l'ordre de l'apocalyptique (pénurie ce genre de connerie, mais même ca, j'ai une barrière rationnel qui résiste), ouai, a la new york 1997 ou los angeles 2013.


Malloy : « Les États-Unis sont une nation de non-fumeurs.
Pas de cigarettes, pas d'alcool, pas de drogues, pas de femmes.
À moins bien sûr d'être marié.
Pas d'armes, pas de langage grossier, pas de viande rouge... »


Snake : « Une terre de liberté »

Anonyme a dit…

Il est chaud le "clip" des ludwing.

De quoi remettre les pendules a l'heure de petit-anarchiste-casse-couilles-pour-vieux.

Anonyme a dit…

http://inapcache.boston.com/universal/site_graphics/blogs/bigpicture/dailylifesept2012/bp8.jpg


Cadeau

Anonyme a dit…

http://www.boston.com/bigpicture/2012/10/daily_life_september_2012.html

Anonyme a dit…

A propos de la propagande envers certaines catégories bien précises de la population, je viens de lire ca, je sais pas vous mais...

http://police.etc.over-blog.net/article-courage-et-devouement-44303278.html


Qu'est ce qu'on attend?


Des vents y'en aura, mais qui ne tente rien n'a rien comme on dit.

Anonyme a dit…

http://police.etc.over-blog.net/article-17133455.html

Non mais... hein...

Anonyme a dit…

Ouai bon aller, pour finir en rigolant


http://police.etc.over-blog.net/article-24073093.html

Anonyme a dit…

Mais, au cas où, y'aurait quand même la guerre...

Au risque de paraître délicat niveau papilles gustatives, il faudrait quand même songer à créer une commission cantoche. Ouais, parce que j'ai des potes vegan (oui, je sais...), d'autres végétariens, quelques autres qui mangent pas si c'est pas hallal ou casher et puis moi j'avoue que les haricot verts, ben c'est pas trop mon truc. Et puis, ça permettrait de savoir ce qu'un révolutionnaire mange au p'tit dej'. Moi, généralement, c'est un thé vert aux agrumes, un jus d'orange (fraichement pressées) et j'ai un faible pour la baguette fraiche du boulanger voisin. Donc, je pense quand même qu'une commission cantoche en prévision, ben, on sait jamais...

Et puis, tant que j'y suis, il faudrait de toute urgence créer une commission jungle parce que les salauds de capitalistes, y nous ont massacré toutes les jungles alors, se planquer derrière le Super U, c'est pas tip top; les caddies, on peut pas très bien se planquer derrière. Donc si on pouvait recréer quelques jungles aussi, ce serait bien !

Si j'ai d'autres idées de génie pour faire progresser la révolution, je vous tiens au jus.

Anonyme a dit…

Pour le JukeBox


https://www.youtube.com/watch?v=1yEipIOqF6o

TAGADA JONES - YEC'HED MAD


Le dernier album déchire bien.




https://www.youtube.com/watch?v=Mh28YYxUZi0

Cadeau

Anonyme a dit…

Le fantasme de la lutte armée va de pair avec celui du Grand Soir. Ce fameux soir où le peuple en aurait tellement marre qu'on le pigeonne qu'il voudrait faire la révolution. Seulement voilà, en général quand tout va mal il préfère se tourner vers l'extrême-droite. Mais bien entendu il faut une éducation des masses prolétaires au préalable, et c'est à ça que servent nos curés rouges. Faut vraiment être un anarcho-droitier pour pas comprendre ça !

Anonyme a dit…

L'argument qui marche bien aussi avec ces gens la c'est:
"Et sinon Action Directe ils ont soulevé les masses?"
(marche aussi avec la RAF, les BR et autres groupes qui ont essayée et qui l'ont payé trés cher, sans compter evidemment leur victimes)
Et la soit on devient un salaud réactionnaire, soit le jeune se lance dans une analyse à grand coup de citation de Rouillan et de Charlie BAUER, soit il la ferme et change de sujet ce qui rend la conversation moins anxiogéne.

Anonyme a dit…

Le gros fantasme, il me semble, c'est de croire que ses propres idées sont forcément les bonnes, applicables en tous temps, en tous lieux et pour l'univers tout entier.

Il est beaucoup plus simple de passer à la moulinette critique le grand méchant capitalisme que nos propres désirs et nos propres idéaux...

Anonyme a dit…

En même temps le grand capitalisme c'est un peu le systeme dominant et on a jamais rien connu d'autre.

Alors forcément, quand on critique un truc, on tombe vite dessus.

Mais promis on fera un effort, on critiquera les P4.

Qué?

C'est déjà fait?

OOuuuuai, mais bon, c'est rigolo.


Non puis d'abord le nouveau programme fight club c'est les mongoloconspi.



Ps: croire que ses idées sont forcément les bonnes et qu'il n'y a de toute facon TINA, c'est pas vraiment le genre des gens du grand capitalisme justement, hein, ma poule, pas un instant, on en douterait, nan, hein, pas vrai?

Anonyme a dit…

Belle illustration. Le type incapable de comprendre qu'il n'est pas question de défendre le capitalisme et qui se réfugie derrière son orthodoxie pour ne pas s'interroger sur le pourquoi que ses idées ne font pas recette.

Anonyme a dit…

Vous êtes au courant que ceux qui ont défendu les trips lutte armée sont majoritairement à la GA aujourd'hui (Joshua, Charles Aubin), tandis que les fameux curés rouges P2.P4 sont issus des courants de l'extreme gauche (je pense à Moreno) qui s'y sont opposés historiquement, et que d'ailleurs ca se retrouve dans leurs prises de positions...
Après c'est surtout que les anarchodroitiers comme CSP d'ailleurs ont eu le drame de croiser la route d'un prof du CCR (tout petit groupuscule fractionniste au sein de la P4), avec des petites lunettes... Ils verront de qui je veux parler...

Courant Anarcho-Droitier a dit…

Non, nous n'étions pas au courant mais ça ne change rien à la démonstration. Il peut très bien y avoir des curés rouges à la GA en effet, comme au PCF ou ailleurs au Front de Gauche (le PCOF par exemple ça l'air curieux)

concernant la dernière réflexion on finit par être tous le curé rouge de quelqu'un : le CCR l'est pour le reste de la P4 qui l'est pour la P2 qui l'est pour la GA qui doit bien l'être pour quelqu'un etc...

Faire porter tout le sectarisme du monde sur un petit prof à lunette c'est un peu gros non?

  a dit…

Hep, me faut le lexique là, c'est quoi le CCR?

Conseil Communiste Révolutionnaire?


CSP il est pas anarchodroitier, il est complètement perdu, c'est différent.


Et je ne connais pas de petit prof a lunette.

Serait ce une blague du même type que femme a lunette?