mardi 23 juillet 2013

Le socialisme gourmand

Il est toujours agréable d'entendre ou de lire quelqu'un qui pense comme nous. Surtout quand on croit se sentir seul. On ''croit'' se sentir seul, car ceci dit entre parenthèse, nous sommes loin d'être les seuls à être sceptiques quand à de nombreuses pratiques ancestrales et immuables de l'extrême-gauche.

Parmi ces sceptiques, il y a Paul Ariès. Paul Ariès est un décroissant qui s'habille bien et qui ne semble ni triste ni aigri, ce qui est appréciable dans ce milieu. Son dernier bouquin Le socialisme gourmand est un plaidoyer pour en finir non seulement avec les passions tristes du capitalisme certes, mais aussi celles des courants de gauche et de la décroissance. L'auteur de La Simplicité volontaire prend ici le parti d'une gauche maquisarde, antiproductiviste (coucou le PCF !) et promouvant la joie de vivre (coucou les curés rouges !).

Le chapitre 4 est dédié aux organisations de gauche pour y dénoncer les sacrifices auxquelles elles font trop souvent appel. Nous ne résistons pas en citer quelques extraits :

« Un des premiers territoires à libérer n'est-il pas celui de nos organisations afin d'en faire des lieux de créativité gourmande ? En trente-cinq ans de vie militante, j'ai souvent eu le sentiment de retrouver la dureté des relations capitalistes au sein de nos mouvements. Nos organisations sont peut-être construites pour mener des batailles et gagner des guerres mais pas pour y vivre. On est bien plus heureux dans un club de boulistes, un groupe d'amis, en famille qu'au sein d'une avant-garde révolutionnaire. Les vrais amitiés y sont rares et fragiles.

Le grand mal de la gauche, c'est l'anesthésie de la vie. Je n'ai jamais trop aimé le sérieux appliqué dont on doit faire preuve dans le militantisme, les réunions sans réels débats, les rapports qui répètent la doxa du moment pour prouver son orthodoxie, les pétitions lancés pour occuper les militants, etc. cet assèchement de la vie militante n'est pas sans rapport avec la foi en des « lendemains qui chantent » […]

Il faut en finir avec la gauche sacrificielle. Évidement la lutte des classes est difficile, les militants s'en prennent plein la tête (les milliers de représentants du personnel licenciés chaque année), mais n'est-ce pas une raison suffisante pour jouir pleinement de la vie présente, pour construire des organisations qui soient autant de moments volés aux logiques de pouvoir ? La gauche sacrificielle est celle est la conséquence d'un type d'engagement (le militant, le moine-soldat) calqué sur un modèle de type religieux et militaire. L'utopie justifie tous les sacrifices... de temps, d'argent, d'amour, professionnels. C'est toujours au nom de la cause que l'on accepte de ne pas recevoir de promotion, de ne pas avoir de temps de s'occuper de ses enfants, de son conjoint, de ses amis, de sa vie. »

Avouez qu'on a de quoi s'y retrouver. La suite du livre propose des pistes pour guérir de cet esprit de sacrifices. Des exemples sont tirés des expériences des bourses du travail, du mouvement coopératif, du socialisme municipal ou du syndicalisme à bases multiples. Il s'agit ensuite de défendre un projet politique qui suscite le désir autant que l'adhésion, un projet émancipateur concret, peu importe son nom : socialisme gourmand, buen vivir, jours heureux, écosocialisme...

Comment faire venir en effet des ''vrais gens'' en masse dans nos organisations et pas seulement des kamikazes ? La question avait été abordé au moment du processus de fondation du NPA, on avait parlé de nouvelles méthodes de militantisme. Quatre ans plus tard lorsqu'on pose la question aux militants survivants de savoir où en est cette réflexion, la réponse est la même : « nous allons bientôt nous repencher dessus... incessamment sous peu... ».

Il faut bien sûr donner envie de venir, il faut susciter le désir d'adhérer. Les critiques faites quelques lignes plus haut sont aussi valables pour le Front de Gauche. Que les partis (re)deviennent des lieux de vie. Il s'agit d'abord d'avoir un local pour se retrouver, et que ce local soit accueillant, beau, confortable et non pas une aire de stockage d'affiches (voilà une idée d'article !). Il faut proposer des activités, et pas seulement politiques : repas, jeux, séance cinéma, librairie... Allez faire un tour à Presles lors de la fête de LO pour vous faire quelques idées, si si, vous avez bien lu : ''la fête de LO'' ! Combien de comités militants ont ce genre d'activités dans leur bilan ?

Le paradoxe d'une organisation de gauche cool c'est qu'il faut à la fois sensibiliser sur les problèmes politiques et sortir les gens de la morosité qu'engendrent ces mêmes problèmes politiques. Une organisation de gauche cool doit donner autant le sourire que la volonté de se battre, elle doit détendre et rassurer pour ensuite passer à l'offensive.

Ce type de projet n'est pas évident à mettre en place quand on est aussi tordu que la faucille et aussi rigide que le marteau. Trop nombreux sont encore les militants avec ce profil, mais nombreux aussi sont les militants qui tentent de nouvelles expériences. Le socialisme gourmand est bol d'air frais qui nous permet d'organiser nos idées. Si vous ne pouvez pas l'acheter, volez-le, son auteur défend le principe de l'extension de la gratuité.

Paul Ariès, Le socialisme gourmand, Édition La Découverte, Paris, 2012, 2013.


 

2 commentaires:

anarcho-gauchiste a dit…

mouais, j'ai eu l'occasion d'aller à une conférence d'Ariès, il a une tendance assez insupportable à se prendre pour Dieu-le-Père: "je viens vous annoncer une bonne nouvelle", "sommes sommes à l'aube d'une ère de grands bouleversements", "n'ayez pas peur", etc.
Un apprenti-messie qui viens nous dire de ne pas finir moine...

Anonyme a dit…

Le Monsieur est peut-être imbu de lui même (ou pas je ne l'ai jamais rencontré), cela ne l'empêche d'avoir raison dans cet article.