vendredi 22 septembre 2017

Résurrection

Une chambre d’hôpital. Seul le bruit régulier d'un moniteur trouble le calme du lieu. Guillaume, anarcho-droitier historique, est allongé sur un lit, inconscient, branché à des tuyaux. Quatre personnages se tiennent devant lui.

Léandre : ça fait combien de temps qu'il est dans le coma ?

Jean-Paul : depuis septembre 2013.

Gros Bébert: qu'est-ce qui l'a foutu dans cet état ?

Patrick : on sait pas très bien, certains disent que c'est suite à une chute brutale... des visites sur son blog.

Jean-Paul : … ou un impact trop violent... avec la réalité du terrain.

Gros Bébert : on peut pas le laisser comme ça, surtout dans cette période !

Léandre : vous pensez à ce que je pense ?

Les trois autres en chœur : ouais !!!

Léandre : alors c'est parti !

Aussitôt, Jean-Paul jette un seau d'eau glacée au visage de Guillaume. Ce dernier sursaute et se redresse sur son lit. Gros Bébert ne lui laisse pas le temps de respirer et lui assène un terrible coup de batte de base-ball entre les jambes. Le choc le projette au sol. Patrick se jette alors sur lui et lui enroule le sommet du crâne de ruban aluminium.

Pendant ce temps, Léandre qui roulait un joint assis dans l’unique fauteuil de la pièce, s’interrompt, surprit.

Léandre : ah non ! en fait on pensait pas du tout la même chose.

Gros Bébert : c’est pas grave, depuis le temps qu’on rêvait de le défoncer.

Gros Bébert et Jean-Paul se shakent juste avant que ce dernier ne reçoive un stroboscope médical dans la figure. Guillaume, à nouveau conscient, se tient devant ses personnages, armé d'une potence de lit.

Guillaume : alors les curés rouges ? On veut encore tâter de la critique ironique et percutante ?

Les quatre andouilles restent un instant muet de stupéfaction, puis perdent toute raison. Ils crient de joie et de peur mélangées, s'arrachent des touffes de cheveux, pleurent, rient, se griffent le visage, se font tourner le joint, prennent de la ventoline, reprennent du joint. Tous parlent en même temps.

Guillaume en gueulant : du calme les aristo de gauche, j'comprend rien. On est en quelle année d'abord ?

Jean-Paul : cent ans après la révolution bolchév... PAF ! La potence médicale se fracasse contre son visage.

Guillaume : en 2017 si je traduis bien... bordel à queue ! Je dors depuis 2013 ! Voyons... qu'est-ce qui s'est passé ? … ah oui je me souviens, j'étais au NPA... on s'est embrouillé à cause des présidentielles... j'ai fait la campagne à Méluche... eh mais au fait c'est qui le président maintenant ? Hollande ? Valls? Juppé ?

Léandre : Macron

Guillaume : connaît pas ! Et Mélenchon il a fait combien cette fois ?

Patrick : 19,58%

Guillaume : dix neuf virgule... Nom de dieu de nom de dieu !!! J'vous l'avez dit que le Front de Gauche ça marcherait !

Jean-Paul se tenant la mâchoire : f'a exifte plus, f'est la Franfre Infoumize maintenant...

Guillaume : qu'est-ce qu'il raconte le moine-soldat ? Et le NPA ? Ils ont présenté qui à la place de Poutou cette fois-ci ?

Gros Bébert : bon ok c'était encore Poutou mais je t'arrête tout de suite, Guillaume ! De l'avis de tous, il a fait une super campagne. Tu l'aurais vu au débat télé, il a atomisé Le Pen et Fillon...

Guillaume : et concrètement ? Combien ?

Gros Bébert : ben euh... 1,09 %... c'est euh... presque aussi bien que la dernière fois...

Patrick : il a été battu par Jean Lassalle, je pense que cette info te plaira.

Guillaume : ce nom me dit quelque chose...

Patrick : c'est un monsieur qui porte un béret et qui a chanté Aqueros Mountagnos à l'Assemblée Nationale...

Guillaume :... et il a fait plus qu'un parti révolutionnaire constitué de militants infaillibles, en effet l'info me plaît, je la garde.

Un léger malaise plane dans la chambre. Léandre tente alors une diversion :

Léandre : et hum... sinon, maintenant que tu es de retour... tu... tu vas reprendre le courant anarcho-droitier ?

Guillaume : Bof...je me voyais plutôt monter un groupe de rock... pour draguer les filles c'est mieux qu'un obscure blog. Je sors de quatre ans de coma si vous voyez ce que je veux dire...

Gros Bébert : c'est pourtant pas les sujets qui manquent...

Guillaume qui ne l'écoute pas : ou un groupe de jazz manouche ? Ça dépend du public-cible que j'veux pécho...

Léandre, Gros Bébert et Jean-Paul se regardent, préoccupés.

Léandre : si j'ai bien saisi le principe de ton courant, il s'agissait – entre autre – de dénoncer les comportements individuels des militants propres à se couper des masses, comme le folklore, le langage hermétique, le moralisme etc … n'est-ce pas ?

Guillaume : mouais... en gros c'était ça !

Léandre : et ça, c'est pas un comportement propre à décourager les masses ?

Sur ce, il désigne Patrick en train de lire des articles d 'Arretsurinfo.ch sur son smartphone. Guillaume se penche au-dessus du Neuneu conspirationniste. Il fronce les sourcils puis arrache le portable à son propriétaire. Il consulte la page, remonte l'historique, clique sur des liens, se perd dans des commentaires facebook... les minutes passent...

Patrick : évite de troller mon profil insoumeetic, s'te plait, j'ai mis du temps à le créer !

Certaines publications plongent notre héros dans un état d’hébétement qui fait craindre au groupe une rechute dans le coma.

Léandre : alors ? Tu reviens ?

Guillaume tend une feuille au groupe

Guillaume : voici une liste de matériel dont j'ai besoin.

Les quatre camarades se penchent dessus et lisent à haute voix : un code wifi, une cafetière, un compte tweeter, un mortier M224 de 60 mm et … 12 kg de chouquettes !!! Putain Guillaume ! Où tu veux qu'on trouve 12 kg de chouquettes ?!!!

Guillaume : le matin faut que je mange ! Et au beurre les chouquettes ! Pour le courant anarcho-droitier, j'suis un peu rouillé mais on va voir ce qu'on peut faire...




4 commentaires:

Anonyme a dit…

SUS AUX CURÉS !

Courant Anarcho-Droitier a dit…

ça va chier en effet !

Anonyme a dit…

Le fight club npa, c'est so 2012...

Courant Anarcho-Droitier a dit…

"fight club du npa", c'est une cicatrice marquée au fer rouge dans nos chairs pour nous rappeler notre naïveté ou notre excès d'optimisme à cette période. Cependant 2012 n'est pas plus n'importe nawak qu'aujourd'hui, seuls les acteurs ont changés.