samedi 17 septembre 2011

Merguez, frites et communisme

Ce week-end ont lieu à la fois la Fête de l'Humanité et les Journées du Patrimoine. L'occasion ou jamais de nous pencher sur le cas du Parti Communiste Français.

Force est de le constater : en termes d'implantation dans la classe ouvrière, de parti de masse, de contre-société, personne n'a fait mieux que le PCF. Pendant des années, il a été une référence incontournable, par rapport à laquelle se positionnait l'ensemble de la vie politique française, et dont personne ne pouvait faire abstraction. Ces temps, que certains se rappellent avec une certaine nostalgie, sont désormais révolus.

Tonton Krivine, dans son bouquin Ça te passera avec l'âge (que vous pouvez commander ici) parle fort bien de cette époque. Le livre est très agréable à lire, rempli d'infos sur le PCF des années 50-60 et sur les débuts de la LCR, et n'est jamais barbant. Nous vous le recommandons chaudement. De nombreux documentaires ont également été tournés sur le sujet, parmi lesquels on peut citer le film d'Yves Jeuland Camarades : il était une fois les communistes français, 1944-2004, lui aussi disponible à la librairie La Brèche, ou encore cette enquête aigre-douce sur Georges Marchais intitulée Marchais le cathodique, et que vous trouverez facilement sur Dailymotion.

Les dérives bureaucratiques et staliniennes du PCF ont déjà longuement été analysées dans de nombreux ouvrages. La critique de fond de ces dérives constituent un apport historique important et appréciable à mettre au crédit du trotskisme (ne riez pas : nous le pensons sincèrement). Pour notre part, nous allons nous en tenir au niveau des individus qui constituent le PCF. Il se trouve en effet qu'un des membres du Courant Anarcho-Droitier a été, avant d'adhérer au NPA, militant de cette organisation. Lorsqu'il n'est pas occupé à poignarder dans le dos son nouveau parti, il nous raconte au coin du feu ses expériences au sein du « parti de la classe ouvrière », et ses rencontres avec les vieux militants PCF, nous offrant un témoignage vivant de ce qui se passe à l'intérieur de ce parti.

Il a ainsi pu voir certains militants déjà âgés « tenir » seuls leurs immeubles ou leurs quartiers. Le militantisme était pour eux un geste naturel : on apportait le tract en main propre aux voisins (ou l'Huma de la veille, « pour les mots croisés »), mais on aidait aussi la mamie du 4ème à remplir sa feuille d'impôt, on lui faisait quelques courses... De cette activité, résultaient des pics de voix PCF dans les bureaux de vote des quartiers concernés, très largement au dessus de la moyenne nationale, et proprement incompréhensibles pour qui n'avait pas connaissance de ce militantisme de terrain.

On ne peut que s'incliner devant ce genre de pratiques discrètes mais efficaces. De ce point de vue-là, nous avons énormément à apprendre.

Mais au delà de toutes ces choses admirables, le PCF fourmille également d'exemples de ce qu'il ne faut pas faire. Ainsi, notre connaissance de terrain des militants PCF nous permet-elle d'ajouter aux critères listés par ailleurs certains éléments propres à ces curés rouges particuliers, qui suivent l’Évangile selon Pif le Chien.
  • Ils disent « le Parti » pour désigner le Parti Communiste Français. Pour eux (et pour leurs familles), il n'en existe pas d'autres.
  • Ils se disent « communistes », sans préciser l'organisation. C'est pour eux une évidence, « communiste » étant une marque déposée depuis 1921.
  • Ils ne supportent pas l'idée que d'autres organisations se réclament du communisme ou de la révolution. C'est inimaginable, ça ne rentre pas dans leur vision du monde, et ça les rend malades.
  • Ils ont une fâcheuse tendance à confondre leur parti et leurs mamans : toute attaque contre le PCF est une insulte faite à ce qu'ils ont de plus cher et de plus intime.
  • Pour eux, enfin, toute critique contre le PCF est un pêché d'anticommunisme. Ainsi, la Ligue Communiste Révolutionnaire était-elle anticommuniste (comme l'indiquait son nom), tout comme le Nouveau Parti Anticapitaliste aujourd'hui.

Par ailleurs, le PCF a ceci de particulier qu'il constitue une culture familiale dépassant de très loin les limites de la politique ou de l'idéologie. On peut ainsi être communiste sans être communiste : les enfants, les petits-enfants de militants PCF, élevés avec Pif et Hercule, les manifs du 1er mai, les fêtes de l'Huma et les centres de vacances tenus par les comités d'entreprises CGT, sont communistes ; peu importe qu'ils n'aient jamais distribué un tract, voire, parfois, qu'ils soient capables de sortir d'énormes conneries racistes ou libérales... Le communisme, c'est comme le nom de famille : ça se transmet de génération en génération.
Un de nos camarades du NPA a ainsi pu croiser un jour, lors d'une distribution de tracts, une jeune fille d'une vingtaine d'année qui a pu lui expliquer : « Moi, je vote toujours PCF parce que mon papy était communiste et que je l'aimais bien, mais sinon, la politique, ça m'intéresse pas... »

En corollaire de cette culture de la famille propre au PCF, celui-ci a développé un important népotisme, qui consistait à favoriser l'ascension de sa famille ou de son entourage proche dans les instances du parti ou sur les listes électorales. Ainsi Pierre Laurent, actuel secrétaire national (c'est le nom qu'ils donnent au chef) du parti, est-il le fils de Paul Laurent, qui fut député, et membre du Comité Central de 1956 à 1990. Ainsi, également, Marie-Pierre Vieu, responsable du PCF en Midi-Pyrénées, est-elle la fille de Jean Vieu, qui fut cadre du parti et adjoint au maire de Tarbes. Ainsi, enfin, Pierre Gosnat, député-maire d'Ivry-sur-Seine, est-il le fils de Georges Gosnat, lequel fut membre du Comité Central, député, et même sous-secrétaire d’État, lui-même le fils d'un autre cadre important, Venise Gosnat...

Si l'on compare les listes des membres du Conseil National du PCF à travers les époques, ou les listes de responsables du journal L'Humanité, on retrouve systématiquement des noms qui reviennent souvent : il y a des dynasties communistes.

On préfère d'ailleurs souvent placer des enfants de militants sur les listes aux élections, y compris lorsqu'ils ne valent pas un cachou politiquement parlant, plutôt que de jeunes idéalistes sortis de nulle part. Les premiers sont plus facilement contrôlables, ne serait-ce que par le biais de leurs parents. Ils n'oseraient d'ailleurs jamais faire le moindre tort aux camarades de trente ans de papa et maman. C'est ainsi qu'à chaque élection, les JC* oppositionnels voient débarquer des « jeunes engagés » qui n'ont jamais fait la moindre réunion auparavant, qui n'en feront pas d'autres après, mais qui possèdent un nom de famille étrangement similaire à celui de vieux militants.

Pour finir, une dernière particularité du Parti Communiste Français est sa pratique experte de la technique dite du « Commando Vermeil ». Il s'agit d'organiser des bus afin d'amener le plus de (vieux) militants possibles, afin de remplir les salles de meetings et d'applaudir l'intervenant PCF. Cela explique le fait que la moindre réunion publique du PCF ou du Front de Gauche fasse systématiquement le plein, quand d'autres formations politiques peinent à remplir une salle de 50 personnes. C'est assez efficace numériquement, mais n'aide guère au dynamisme du public : on a les troupes de choc qu'on mérite...

On le voit, le Parti Communiste Français est l'héritier de pratiques d'avant-hier, pas toutes mauvaises (nous ne l'avons pas citée tant cela apparaît comme évident, mais la Fête de l'Huma constitue une indéniable réussite en termes de succès populaire), mais le retenant dans un monde qui n'existe plus. Krivine (encore lui), disait « La médecine fait des progrès, mais ça ne suffira pas à sauver le PCF ». Il y a fort à penser que Mélenchon non plus ne sera pas suffisant.




* JC : sigle désignant les Jeunes Communistes, membre du MJCF (Mouvement des Jeunes Communistes Français). On pourrait croire à un facétieux oxymore, mais en réalité, beaucoup de militants sont passés par les JC. C'est même un dépucelage politique assez fréquent pour les militants d'extrême-gauche, même si beaucoup préfèrent ne pas trop évoquer le sujet...
Le JC est au militant communiste ce que l'ewok est à Chewbacca : il est mignon, inoffensif, et lui ressemble quand même vachement. Quand il chante La Jeune Garde, quand il dit avec des étoiles pleins les yeux que Marie-Georges Buffet est belle ou qu'il fera la révolution à partir de la mairie de Vitry-sur-Seine, on a quand même quelque mal à lui taper dessus.

7 commentaires:

Thierry a dit…

"Le JC est au militant communiste ce que l'ewok est à Chewbacca"

Je me roule par terre en bavant de jalousie pour n'avoir pas trouvé ça moi-même...

Anonyme a dit…

Le PCF (et la CGT) c'est/c'était aussi une certaine compromission avec le Patronat. Rappel (à partir de "Maurice Thorez a dit…") :

http://mondialisme.org/spip.php?article1558

Anonyme a dit…

"Le JC est au militant communiste ce que l'ewok est à Chewbacca"

Pareil que CSP, énorme :D


Maintenant, attendez un peu que ce billet soit connu, et aie aie aie les enfant ca va etre jolie.

Anonyme a dit…

https://www.dailymotion.com/video/xl50t3_sourire-pour-l-ouverture-de-la-fete-de-l-huma_news

Anonyme a dit…

Ah, ces bon vieux trotskystes ....

Anonyme a dit…

Ah, ces bon vieux trotskystes ....

En l'occurrence ce sont des jeunes "anarcho-droitiers".

Tu y étais presque! :)

Anonyme a dit…

Toute ressemblance avec une autre orga ... un peu plus jeune ... un peu moins stal ... mais tout aussi rouge ... du moins, en paroles ... serait purement fortuite