vendredi 15 février 2013

Aux origines (partie 3)

Résumé des épisodes précédents : Guillaume et Romain ont remonté le temps pour se rendre à un concert des Wampas. Devant l'entrée ils ont rencontré leurs homologues, douze ans plus jeunes. Tandis que Guillaume tente de raisonner son double par rapport à la boisson, Romain feuillette la presse syndicale étudiante de l'époque.

Romain : c'est vraiment nécessaire une page entière de votre guide pour dire tout le mal que vous pensez de l'autre syndicat, l'UNEF-ID ?

Romain bis glacial : oui c'est nécessaire. Les étudiants doivent être informés des magouilles de ce syndicat social-traitre.

Romain : Vous savez que 99 % des étudiants s'en foutent de vos querelles inter-syndicales ?

Romain bis : vous ne seriez pas au PS des fois, vous-deux ? Vu comment vous êtes sapés ça m'étonnerait pas.

Romain à Guillaume : retiens-moi sinon je vais lui... je vais m'en coller une.

Guillaume : doucement les minots. Et si au lieu de se déchirer en public toute l'année devant les étudiants, vous proposiez un travail unitaire à l'UNEF-ID ? Jouez aux gentils, proposez leur de se positionner clairement contre les réformes universitaires. Soit ils acceptent et cela vous renforce soit ils refusent et cela sèmera le doute chez certains de leur militants. Mais tant que vous les agresserez, ils ne viendront pas vers vous.

Les deux étudiants éclatent de rire

Guillaume bis: une intersyndicale avec les jaunes ? Et pourquoi pas avec les flics aussi ? Nous sommes le syndicat des luttes, jamais !

Romain bis : on est tombé sur deux gros tièdes. Sérieux, vous êtes à l'UDF ou quoi ? Mon camarade vient de vous dire qu'on est un syndicat de luttes. Moi je ne discute plus avec vous, vous êtes sur une position trop droitière pour qu'on se comprenne.

Guillaume bis : ''On ne fera pas la Révolution en gants blancs'' disait Lénine...

Guillaume à Romain : ils répètent en incantation ''le syndicat des luttes'', ils font des citations des ''grands anciens'', ils coupent court aux discussions en nous taxant de ''droitier'', ils portent des badges à étoiles rouges... ne me dit pas qu'ils...enfin que nous étions des …

Romain : … des curés rouges, si, on a la preuve sous les yeux !

Guillaume consterné et énervé : nom de dieu, quelle horreur ! Il se dirige vers son double Écoute moi bien bonhomme ! Vous vous êtes regardés ? Vous ressemblez à des militants gauchistes, certes, mais pas à des étudiants. Honnêtement qui va s'identifier à votre folklore ? Vous fantasmez de créer une organisation de masse, commencez par ne pas vous couper de ces masses par l'apparence et le jargon...

Guillaume bis : dis donc papy...

Guillaume : ta gueule ! Tu as des Playboy planqué dans ta chambre de cité U, ça intéresserait sans doute tes copines de la commission antipatriacat.

Guillaume bis : …

Guillaume : Vous n'essayez pas de convaincre, vous cherchez un groupe pour vous tenir chaud, c'est pas ça militer ! C'est bien dans un concert de punk que vous trouverez le plus d'auditoire !

Romain le tirant par la manche : c'est pas la peine de t'énerver, Guillaume. Au contraire, c'est plutôt encourageant. Même des curés rouges en apparence bornés peuvent évoluer. On en est la preuve... Allez viens, je te paie une bière au Cavern Club en 1963...

Comme disent les neuneus conspirationnistes, les images parlent d'elles-mêmes :


 
Pendant ce temps-là en 2001

Guillaume bis : dis Romain, je repense à ce que disait le vieux qui portait le même prénom que moi tout à l'heure. Et s'il avait pas complétement tort ?

Romain bis : mais non ! Te prend pas la tête, t'es trop bourré ! Viens plutôt m'aider à ranger les drapeaux.

Guillaume bis : faudra quand même que j'y réfléchisse... à jeun... il s'endort.


FIN

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Mignon.

Irrecuperable a dit…

https://www.youtube.com/watch?v=iQ6K5wITCAA

Anonyme a dit…

C'est l'une des autocritiques les plus cools que j'ai jamais lu.

Sinon c'est peut-être juste que vous étes devenus des vieux cons et que vous vibrer moins fort face à tout l'imaginaire graphique redskin/anarchopunk/gochogoth/redmetalhead... fin tous les truk musicaux alternatif underground que personne connait et qui ont un look zarbi mais signifiant (au sens lacanien cela va s'en dire, mais en le disant c'est mieux quand même) et qui font de la politique face à un parterre de convaincu.
(mais bon, au moins c'est pas des hippies)

JLM a dit…

Pour ma part, je distingue très fortement les révolutions qui conservent leur caractère pacifique de celles qui se mènent, volens nolens, les armes à la main. Aussi longtemps qu’on peut aller aux rassemblements révolutionnaire en famille, en tenant les enfants par la main, l’horizon n’est pas commandé par celui qui a reçu la plus grosse arme ni par celui qui la lui a fournie. C’est pourquoi la « révolution » libyenne est si mal engagée, et la syrienne davantage encore. Cela ne vous apprend aucune naïveté de ma part. Je sais parfaitement que maintes circonstances s’achèvent dans les rapports de force les plus cruels. Et je sais aussi qu’une révolution gagnée dépend d’un art de réalisation impossible sans un parti préparé à en être l’instrument. Raison de plus pour le préparer à la bonne tâche et non aux songes creux. Raison de plus pour savoir fermement que la violence ne nous sera jamais favorable et qu’il faudra toujours la subir en pensant à la stopper, comme une condition de base de notre projet. Quoi qu’il en soit, j’en reste à l’enseignement Robespierriste : la guerre – et la guerre civile est aussi une guerre – militarise la société et finit par donner le pouvoir aux armes et aux militaires. Et en toute hypothèse « les peuples n’aiment jamais longtemps les missionnaires armés ». Le caractère radicalement pacifique et démocratique de la révolution citoyenne renverse l’ordre des angles morts stratégiques par rapport aux questions du passé : que faire si malgré tout le processus révolutionnaire bascule dans la violence ? Je ne sais pas comment la doctrine citoyenne s’accommoderait d’un tel cas.

[...]

Ce nouveau contexte va nous obliger à repenser nos dispositifs de combat. Le danger est celui d’une coupure en deux entre ceux qui veulent aller loin et s’enragent et ceux qui sont sous contrainte ou prennent peur et se détachent. Les stratégies rassembleuses sont la priorité. Le devoir du Front de Gauche sera de ne rien faire qui ajoute à la confusion que le gouvernement Ayrault et le Medef travaillent à créer en divisant les syndicats, par exemple. Par exemple, nous sommes bien d’accord au PG pour ne pas mettre en cause la CFDT, quand bien même nous sommes en accord avec la CGT, FO et Sud-Solidaire contre l’accord avec le MEDEF. C’est, bien sûr, une ligne constante de ne pas se mêler des stratégies syndicales quand elles se contredisent. Mais au cas particulier, l’idée est de centrer l’action contre le texte et son contenu. Pour cela, il faut viser le rassemblement le plus large. Je sais que les sections et militants CFDT y seront certainement aussi en nombre, cela dit en passant. Mais pas question de servir sur un plateau à Ayrault une division syndicale comme prétexte pour bétonner son accord avec le MEDEF et lui faciliter la tâche pour faire passer le texte tel quel au parlement. L’autre danger de division vient du numéro qui aura consisté à souffler le chaud et le froid entre les appels à nationalisation de la sidérurgie et les conseils de capitulation chez Renault ou PSA. Sans oublier les tours de passe-passe à Pétroplus ! A la sortie c’est davantage de démoralisation.

Par contre, face aux appareils de répression, ce qui compte c’est de ruiner leur cohésion et de les cliver de l’intérieur. C’est donc les personnes et leur conscience qu’il faut cibler. Policiers, journalistes et socialistes de métier sont aussi des citoyens qui pensent, votent et agissent à leurs heures de liberté. C’est leur conscience qu’il faut travailler et faire bouger. A Notre-Dame-des-Landes on a vu des policiers et des journalistes hésiter à faire la basse besogne. Le malaise s’est exprimé syndicalement chez les CRS. De manière plus personnelle, chez les Gardes Mobiles qui sont des militaires. Les articles de presse, de leur côté, ont souvent été moins moutonniers et pro-gouvernementaux qu’à l’habitude dès qu’il y a des gros enjeux d’argent engagés. En toute hypothèse la jeune génération des médias est devenue plus factuelle et descriptive. Les papiers peuvent donc devenir aussi décapant que les évènements qu’ils décrivent.